Une étendue ardente de la jungle amazonienne à Porto Velho, au Brésil, le 23 août 2019 ©Ueslei Marcelino / Reuters
La ministre des outre-mer, Annick Girardin, et des élus de Guyane réclament dimanche 25 août la création d’un fonds international « contre les feux de forêt et pour le reboisement » alors que les incendies qui font rage en Amazonie ont provoqué une émotion planétaire.
« La France, pays d’Amazonie. Préservons ce bien commun de l’humanité », s’intitule leur tribune publiée par le Journal du Dimanche et qui rappelle que la Guyane, territoire français d’Amérique du sud, est touchée directement par ces incendies. « On l’oublie souvent, le président brésilien (Jair Bolsonaro) l’oublie : la plus grande frontière extérieure de la France, c’est entre la Guyane et le Brésil », a déjà insisté le président Emmanuel Macron vendredi, alors que les feux en Amazonie, l’un des poumons verts de la Terre, se sont invités en urgence au menu du sommet du G7.
« Alors que la forêt amazonienne, qui s’étend sur neuf pays dont la France, a perdu plus de 550 000 km2 ces dix dernières années, soit la superficie de l’Hexagone, c’est plus de 2 500 km2, équivalent à la taille de La Réunion, qui ont été abattus pendant le seul mois de juillet, principalement au Brésil », déplorent les signataires de la tribune, dont Rodolphe Alexandre, président de la collectivité territoriale de Guyane, et Sylvio Van Der Pijl, président du grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengué.
Grâce à la Guyane, la France est amazonienne. Cette forêt constitue un bien commun universel. Les incendies qui la traversent nous concernent tous. Au-delà de l’impact sur notre patrimoine écologique, des milliers de familles amérindiennes sont en danger. Nous devons agir vite.
— Annick Girardin (@AnnickGirardin) August 23, 2019
« Ces hectares perdus, ce sont autant de puits de carbone annihilés, c’est une biodiversité exceptionnelle qui disparaît peu à peu », ajoutent-ils, applaudissant le refus d’Emmanuel Macron de ratifier, en l’état, l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur (qui rassemble le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay).
Notant que « les habitants autochtones de la forêt » sont les « premiers impactés », les élus plaident pour la création d’un « fonds international, qui ne serait pas directement dépendant des États, et qui pourrait, en fonction des montants rassemblés, lancer des actions de lutte concrètes, ponctuelles, ciblées directement sur les acteurs locaux, contre les feux de forêt et pour le reboisement ». Les signataires demandent par ailleurs « à l’Union européenne de doubler son fonds de développement interrégional dédié à la biodiversité et au développement de l’Amazonie ».
Rappelons que l’Allemagne et la Norvège ont décidé récemment de bloquer des subventions dédiées à abonder un Fonds existant depuis 2008 et intitulé « Fond de préservation de la forêt amazonienne ». « La politique du gouvernement brésilien en Amazonie soulève des doutes quant à la poursuite d’une réduction soutenue des taux de déforestation », avait déclaré la ministre allemande de l’Environnement, Svenja Schulze, alertée par les chiffres sur l’intensification de la déforestation au Brésil depuis l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir.
La plus grande frontière terrestre de la France se partage avec le Brésil. La France est un pays #amazonien. La forêt amazonienne, ce patrimoine écologique universel, dépasse les frontières des hommes. Nous avons le devoir d’agir, Monsieur #Bolsonaro.
— Annick Girardin (@AnnickGirardin) August 23, 2019
L’armée a été mobilisée samedi au Brésil pour lutter contre les centaines de nouveaux incendies de forêts, alors que la pression internationale s’est encore accrue pour pousser Jair Bolsonaro à agir. Le dirigeant a limogé, début août, le patron de l’Institut national brésilien de recherche spatiale (INPE) après avoir jugé mensongères les données publiées par cet institut : elles montraient que la déforestation en juillet avait été quasiment quatre fois supérieure à celle enregistrée durant le même mois de 2018.
Avec AFP.
La Tribune d’Annick Girardin et des élus guyanais, publiée dans le JDD :
« Alors que la forêt amazonienne, qui s’étend sur neuf pays dont la France, a perdu plus de 550.000 km2 ces dix dernières années, soit la superficie de l’Hexagone, c’est plus de 2.500 km2, équivalent à la taille de La Réunion, qui ont été abattus pendant le seul mois de juillet, principalement au Brésil. Des feux de forêt de plus en plus dévastateurs ravagent actuellement son cœur. Ces feux de forêts majeurs ont d’abord été révélés par la concentration de CO2 qu’ils dégagent dans l’atmosphère. Ces hectares perdus, ce sont autant de puits de carbone annihilés, c’est une biodiversité exceptionnelle qui disparaît peu à peu.
Quand collectivement, l’engagement d’une « trajectoire Outre-mer 5.0 » (0 carbone, 0 déchet, 0 polluant agricole, 0 exclusion, 0 vulnérabilité au changement climatique et aux risques naturels) est pris, nous faisons le choix d’une transition écologique et sociale respectueuse de ce bien commun de l’humanité, conformément aux engagements internationaux en matière de climat, avec l’Accord de Paris, ou de développement durable, avec l’Agenda 2030. Voilà pourquoi nous nous inscrivons dans la volonté du Président de la République de refuser en l’état la ratification de l’accord discuté avec le Mercosur.
L’Amazonie, enjeu transfrontalier
Cette forêt dépasse les frontières traditionnelles, elle est la panacée d’un cap écologique mondial. Préserver, comme nous le faisons en Guyane, notre poumon mondial, l’Amazonie, ce n’est pas un combat écologique comme un autre. Il s’agit de la survie de notre équilibre planétaire mais aussi de nos sociétés.
Les premiers impactés aujourd’hui sont les Brésiliens, au premier titre desquels les habitants autochtones de la forêt, pour qui s’applique évidemment la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. À eux, dont le destin est lié par l’amitié transfrontalière et le partage d’une culture commune, nous souhaitons leur apporter tout notre soutien. Nous tous, nous reconnaissons l’urgence à agir !
La préservation de la forêt ne doit pas se faire au détriment des populations d’Amazonie. Face à cette situation, nous réaffirmons notre souhait à ce que la société civile, acteurs privés ou associatifs, particuliers, se fédère avec les gouvernements, les collectivités et les institutions volontaires. Face à l’échec du fonds Amazonie du Brésil, nous devons créer un fonds international, qui ne serait pas directement dépendant des États, et qui pourrait, en fonction des montants rassemblés, lancer des actions de lutte concrètes, ponctuelles, ciblées directement sur les acteurs locaux, contre les feux de forêt et pour le reboisement.
Protéger la forêt amazonienne, une opportunité de développement
Ce reboisement pourrait concerner les zones incendiées, mais également celles touchées par les erreurs des hommes : sites pollués par l’orpaillage illégal, friches érodées d’une surexploitation agricole, etc. Ces actions, qui pourraient être menées par des collectivités, des entreprises, des associations, devront avoir une dimension sociale et fraternelle. Les pépinières d’espèces endogènes seraient aussi celles d’activités nouvelles pour des territoires où les populations manquent de perspectives de développement.
Unis aujourd’hui autour de la collectivité de Guyane, nous demanderons à l’Union européenne de doubler son fonds de développement interrégional dédié à la biodiversité et au développement de l’Amazonie. Le constat, la dénonciation et l’indignation doivent conduire à une action innovante et ambitieuse ».
Premiers signataires : Annick Girardin, ministre des Outre-mer ; Rodolphe Alexandre, président de la collectivité territoriale de Guyane ; Sylvio Van Der Pijl, président du grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengué ; Lénaïck Adam, député de Guyane ; Antoine Karam, sénateur de Guyane ; Georges Patient, sénateur de Guyane.