10ème anniversaire de la mort d’Aimé Césaire: « Un homme politique paradoxal » par George Pau-Langevin

10ème anniversaire de la mort d’Aimé Césaire: « Un homme politique paradoxal » par George Pau-Langevin

© Alain Joc- AFP/ © DR

10ème anniversaire de la mort d’Aimé Césaire cette semaine. Des hommages auront lieu ici et là . Outremers 360 a demandé à la Députée Georges-Pau Langevin, ancienne Ministre des Outre-mer de dresser le portrait du « Politique Paradoxal  » qu’a été le « CHANTRE DE LA NEGRITUDE », Aimé Césaire.

Aimé Césaire, un homme politique paradoxal

Ce poète tant cité, commenté, encensé ou critiqué est assurément complexe . Il est le chantre de la négritude et de l’identité martiniquaise, mais parallèlement, diplômé de grammaire, il manie avec superbe la langue française, donc manifeste une vraie maestria et un amour de cette langue. Ses adversaires n’ont d’ailleurs pas hésité à le surnommer «  nègre gréco-latin ».
Il a développé un discours autonomiste souvent rugueux mais n’a jamais voulu une séparation d’avec la France. Et, après avoir été élu après la Libération comme député communiste, il rompt spectaculairement avec le Parti Communiste dans la fameuse lettre à Maurice Thorez.

Pour moi, il n’y a pas de contradiction dans le personnage. En fait, ce qui le motive dans son combat, c’est la volonté d’améliorer la situation de ses concitoyens martiniquais et de les guider sur la voie de leur émancipation. Et les discours des élus du Nord,des occidentaux sont appréciés à l’aune de ce qu’ils impliquent pour les gens du sud.

Après la guerre dans la colonie, c’est leur misère qui le frappe, aussi son combat premier est de les aider à améliorer leur vie quotidienne, et c’est la raison pour laquelle il plaide pour la départementalisation car c’est le moyen d’obtenir des droits sociaux identiques à ceux des autres français. Mais c’est justement, la déception devant la lenteur des évolutions vers l‘égalité, qui le poussera à considérer que le prix à payer en termes de perte d’identité était trop élevé.

Pour autant, il sait que ses concitoyens sont attachés à la France, qu’il se sont levés en masse pour la défendre face à l’Allemagne et à ses alliés et ne souhaitent pas la quitter. Il appliquera donc en l’espèce, sa doctrine selon laquelle l’intellectuel doit précéder le peuple, mais pas de trop loin, si on veut que ce dernier puisse suivre .C’est pourquoi, quand la gauche est arrivée au pouvoir, il a décrété le moratoire pour engranger des progrès sociaux pour les martiniquais.

Nous sommes donc loin d’un théoricien abstrait qui impose sa conception du monde, mais au contraire devant un homme qui a vécu en osmose avec son peuple et qui s’est nourri de ce qu’il était, tout autant qu’il l’a guidé. C’est parce que les martiniquais savaient que Césaire était un homme bon qui s’est passionnément investi pour faire entendre la voix des plus modestes d’entre eux, qu’il a été autant pleuré lors de son décès, il y a dix ans.Ce respect des autres et cette sensibilité à vif qui le caractérisaient, ont trouvé magnifiquement leur traduction dans ce dernier poème :

«  La pression atmosphérique ou plutôt l’historique
Agrandit démesurément mes maux
Même si elle rend somptueux certain de mes mots. »

George Pau-Langevin, Députée de la 5ème circonscription de Paris et ancienne ministre des Outre-mer