Trajectoire Outre-mer 5.0: Pour parvenir à zéro carbone, le moment de faire connaître les industriels qui ont réussi

Trajectoire Outre-mer 5.0: Pour parvenir à zéro carbone, le moment de faire connaître les industriels qui ont réussi

© Brune Poirson Twitter

« Zéro carbone». Parmi les défis proposés par Annick Girardin lundi 8 Avril dans sa présentation de la trajectoire 5.0 pour l’Outre-mer, ce sera un objectif bien difficile à assurer. Si les engagements ultramarins d’atteindre le 100% autonomie énergétique à horizon 2030 sont ambitieux, il est difficile d’en dire autant des résultats. Pour l’instant on parvient difficilement à prendre connaissance des premières Programmation pluriannuelles de l’Energie PPE ultramarines.

Les territoires reviennent de loin. Ils ont dû assurer la contrainte des 30% de renouvelables, pas plus, que la France imposait pour protéger sa production nucléaire. Pour l’instant les mix énergétiques sont au mieux à 32% et au pire à 98%. Le chemin sera long.
Mais il semblerait que les choses changent : les territoires prennent la mesure de leur capacité. Ils ont le vent, la mer, le soleil la chaleur de la terre. Il leur reste à soulever le poids des modèles et des normes venues d’ailleurs.

Grands témoins et acteurs du changement

Symboles de l’urgence, preuves de la capacité de résilience, condamnés à l’innovation permanente, lesOoutre-mer sont au cœur du problème mondial.
Laurence Tubiana, ambassadrice de l’accord de Paris et désormais Directrice de la Fondation européenne pour le climat rappelait que « l’outre-mer était là pour nous rappeler l’urgence du dérèglement climatique. Ce n’est pas demain, mais aujourd’hui qu’il convient de s’en soucier ». 40 accidents climatiques graves ont en effet été dénombrés en 2018 Outre mer, et c’est grâce aux îles que l’accord de Paris et ensuite le GIEC, ont travaillé sur une hypothèse à 1°5 au lieu de 2°, comme seuil des catastrophes.

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Sur le terrain les acteurs ont fait la preuve des possibles
Eric Scotto, industriel des énergies renouvelables, membre fondateur d’AKUO en 2007 devenu premier producteur français d’énergie renouvelable indépendant, est un des acteurs qui avait fait le bon pari. Sa PME, née à la Réunion est aujourd’hui implantée dans 14 pays étrangers. Elle alimente 1 million 400 000 foyers dans le monde, développe et exploite des centrales de production d’électricité issue de ressources renouvelables. « Nous avons immédiatement sentis que nous étions sur des territoires sensibles, dont le problème principal était l’espace fini » L’atout principal d’Akuo a été d’aller au delà de la simple production énergétique, de maitriser toute la chaine et de créer des bénéfices sociaux.

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Son expérience la plus médiatisée par la COP 21 a été la prison de Bardzour à la Réunion. Mais le photovoltaïque au service des cultures sous serre, largement expérimenté à la Réunion (vanille, fleurs, agriculture biologique, abeilles, aquaculture…) s’est développé un peu partout et la société investi désormais dans le sud de l’Hexagone, toujours en partenariat avec la société Agriterra : « Nous avons réconcilié les deux défis : Celui de la transition énergétique et celui de la transition agricole. C’est sur le terrain, ça fonctionne, on est loin du laboratoire. »

En 2018, Akuo Energy et Naval Energy essuyaient l’échec de NEMO à la Martinique, le seul projet français de centrale thermique des mers. « Encore trop coûteux et pas assez maitrisé. » jugea l’Assemblée Territoriale de Martinique. Et tandis que Naval Energy poursuit ses recherches avec son prototype construit à terre à la Réunion, Akuo est passée à un autre
développement. Il développe le solaire flottant. En 2018, après huit ans de recherches, la première centrale photovoltaïque flottante est construite dans le sud de l’hexagone, en PACA sur le lac artificiel de Piolenc , grâce à un financement bancaire complété par du financement participatif . Résultats : 50ha couverts de 47 000 modules PV. Le tout est réparti sur quatre ilots ancrés à la terre ferme et reliés à des postes électriques protégés des éventuelles inondations. L’investissement se monte à 16 millions d’euros.

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La prudence reste ancrée au sein de la PME : « nous connaissons mal les effets de la couverture d’un plan d’eau sur la faune et la flore aquatique il faudrait tenter de rester à 50% de couverture pour l’instant ». En 2019 , Eric Scotto entend bien proposer cette solution à la Guyane sur le barrage de Petit Saut. La Guyane qui pourrait être la première collectivité à répondre au défi de l’autonomie en 2030 si elle est capable de mobiliser sa biomasse , et son hydraulique encore trop mal exploitée « mais sans toucher à la forêt qui représente les puits de carbone qui font de la France un bon élève au niveau mondial » rappelle Laurence Tubiana.

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Signification japonaise d’Akuo
Akuo est un nom d’origine Japonaise dont l’orthographe a été modifiée: Hakuhoo. Il fait référence à deux choses : un oiseau mythologique qui renaît de ses cendres (le Phoenix blanc) et la période impériale Hakuhō (白鳳時代 Hakuhō jidai) dite période du Phoenix blanc qui a duré de 672 à 686. Le terme Hakuhō est plus généralement employé pour désigner une large période historique et artistique de la fin du VIIème siècle, principalement dans l’histoire de l’art. Elle marque une période de renouveau et de renaissance politique, morale, spirituelle, sociale et artistique.

L’Etat aussi commence à jouer sa partition

Tout cela n’aurait pu se faire sans l’évolution des règles de la CRE qui reste le gardien du bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz en France, au bénéfice des consommateurs finaux. Les verrous se débloquent sur l’Outremer.

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Dominique Jamme, Directeur des services de la Commission de Régulation de l’Energie décrit une nouvelle orientation. « Oui dans les îles, la production d’électricité coûte cher et pollue dix fois plus que dans l’hexagone. 7 milliards de tonnes de CO2 sont émises qui coutent 1milliard 9 au budget de l’état. Ce n’est plus une fatalité. La baisse des prix phénoménales dans le solaire, l’éolien doit faire basculer vers les ENR » Il faudra emporter dans le mouvement les grosses structures de productions thermiques et qu’elles acceptent de se diversifier à échelle territorial. Mais le message de la CRE se radicalise « Nous devons arrêter de faire du thermique et lancer massivement les économies d’énergie. 800.000 tonnes peuvent être évitées par an ».

Dominique Martin-Ferrari, Outremers Métamorphoses