Selon l’IRD, les eaux souterraines de l’Amazone enfin quantifiées

Selon l’IRD, les eaux souterraines de l’Amazone enfin quantifiées

©Daniel Moreira / CPRM

Le bassin de l’Amazone étant difficile d’accès, l’état de ses nappes phréatiques restait quasi inconnu. Mais le mystère est levé grâce à une évaluation mise au point par une équipe internationale liée à plusieurs unités de l’IRD et menée par des chercheurs du LEGOS, indique l’Institut de recherche et développement sur son site

« Les mesures satellites de la mission GRACE (pour Gravity Recovery and Climate Experiment), récemment analysées, nous donnent la totalité des réserves terrestres. Dans le bassin de l’Amazone, les eaux de surface sont également mesurées par satellite. Enfin, des modèles numériques permettent d’estimer l’humidité renfermée dans les sols », explique Fabrice Papa, spécialiste de l’étude du cycle de l’eau et du climat grâce aux observations spatiales, au LEGOS. « Par une simple soustraction, nous avons donc pu en déduire la part des eaux souterraines et ses variations mensuelles, de janvier 2003 à septembre 2010 », ajoute-t-il.

Les chercheurs font plusieurs constats. Le premier de l’évaluation montre une baisse dans les nappes phréatiques en 2005 qui pourrait être la signature de la sécheresse de cette année-là. Ce déficit reste visible jusqu’à la fin de leurs observations, en 2010, au niveau de l’aquifère d’Alter do Chão, situé au centre du bassin de l’Amazone. « De fait, on ne sait pas en combien de temps les réserves se reconstituent », complète Frédéric Frappart, également du LEGOS. Toutefois, cette observation permettrait de mieux cerner les liens, faussement évidents, entre eaux de surface et souterraines : quand il y a peu de pluie, il y a moins d’eau en surface, ce qui impacterait la quantité d’eau en profondeur. Autrement dit, l’eau en surface viendrait alimenter les nappes phréatiques.

Autre résultat, les eaux souterraines contribuent en moyenne à hauteur de 20 à 35 % à la variation de la totalité du stock d’eaux terrestres. Mais cette participation diffère d’une zone à l’autre, indique encore l’IRD. Elle monte jusqu’à 70 % dans les bassins de Solimões, Xingu et Tapajos, qui sont des bassins versants peu inondés. « Le stock total d’eaux terrestres d’une zone donnée dépend des précipitations que cette zone reçoit d’une part, et de l’eau qu’elle perd par évaporation et ruissellement d’autre part. Donc, dans les zones peu inondables, c’est-à-dire là où les eaux de surface varient peu, comme au niveau des bassins cités, les nappes phréatiques seraient la principale origine de variabilité de la totalité du stock d’eaux terrestres ».

Dernier constat, « la variation du réservoir d’eaux de surface est synchrone avec celle du stock total, mais pas avec celle du réservoir des eaux souterraines, qui est décalée parfois de plusieurs mois ». Cette évaluation indirecte des nappes phréatiques est une première mondiale dont l’intérêt va au-delà de l’Amazone. « Une grande partie de l’eau douce utilisée pour les activités humaines provient de ces réservoirs souterrains et l’accès à cette eau est un enjeu mondial », indique Fabrice Papa. « Or, notre méthode est applicable globalement. Il faudrait maintenant faire cette évaluation dans le monde entier, et notamment en Inde et au Sahel où les nappes phréatiques sont régulièrement affectées par la sécheresse et fortement influencées par la pression anthropique ».