Les récifs de Nouvelle-Calédonie « ont une valeur inestimable aux yeux de l’humanité »

Les récifs de Nouvelle-Calédonie « ont une valeur inestimable aux yeux de l’humanité »

©Marc Le Chelard / AFP

Alors que la Nouvelle-Calédonie vient d’annoncer le placement en réserve intégrale ou naturelle de 28 000 km2 des récifs pristines du Parc naturel de la mer de Corail, l’ONG Pew Bertarelli Ocean Legacy, qui fait partie du comité de gestion, se félicite de cette avancée « notable et remarquable », mais ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Une interview de notre partenaire La Dépêche de Nouvelle-Calédonie

Vous avez parlé d’un long et difficile chemin pour en arriver là. Pourquoi ? 

Christophe Chevillon : Depuis la mise en place du comité de gestion du Parc naturel de la mer de Corail, il y a quatre ans, nous avons beaucoup travaillé pour un résultat peu satisfaisant au départ puisque le plan de gestion était plus un cadre stratégique, un schéma directeur qui ne contenait pas d’actions concrètes ni de mesures de protection.

Et aujourd’hui, comment accueillez-vous cette décision du gouvernement ?

Le gouvernement vient d’arrêter des avancées très concrètes, notables et déterminantes dans le processus de conservation du Parc. C’est ce que nous attendions depuis longtemps. Ce ne sont pas des demi-mesures puisqu’on protège à un très haut niveau, les deux plus hauts répertoriés par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), la référence de la protection des aires marines, avec exclusion absolue de toute activité extractive. On protège les récifs de Pétrie et de l’Astrolabe, les atolls océaniques de Chesterfield et Bellona, ainsi que le site inscrit au patrimoine mondial de l’humanité des récifs et atolls d’Entrecasteaux qui font tous partie des derniers récifs isolés, sauvages et en bonne santé de la planète.

Beaucoup ont encore du mal à se rendre compte en Nouvelle-Calédonie de la valeur de ces récifs…

Je vais le rappeler à nouveau et bien insister. Des récifs comme ça, autour de la planète, il n’en reste que 1,5 % et nous en avons presque un tiers en Nouvelle-Calédonie. Ils ont une valeur inestimable aux yeux de l’humanité.

Christophe Chevillon ©La Dépêche de Nouvelle-Calédonie

Christophe Chevillon ©La Dépêche de Nouvelle-Calédonie

Pour vous, ce n’est qu’une première étape ? 

Bien évidemment ce n’est pas encore suffisant ! Nous sommes dans notre rôle d’ONG. Nous venons de protéger 28 000 km2 de ces îles, îlots et lagons éloignés, des écosystèmes récifaux d’une très grande richesse, mais cela ne représente que 2,15 % du Parc naturel de la mer de Corail. Il fait 1,3 millions de Km2 et il recèle encore beaucoup de trésors et d’éléments importants pour la science, de découvertes potentielles, mais aussi pour les populations en termes de ressources. Je pense notamment aux monts sous-marins et il reste beaucoup à faire.

Justement, que reste-t-il à faire ? 

Nous restons convaincus que la Nouvelle-Calédonie peut encore aller plus loin et montrer la voie aux autres pays du Pacifique et pas seulement. L’élan doit être poursuivi afin de continuer à s’inscrire dans l’objectif recommandé par les scientifiques et l’UICN, à savoir protéger 30 % des océans de la planète. Et la démarche planétaire va bien plus loin car en faisant cela on ne protège pas seulement les océans, mais la biodiversité, la vie sur terre. Si nous massacrons nos océans, l’humanité ne s’en remettra pas car il y a une vraie économie derrière. L’océan nourrit des milliards de personnes. Et le parc, de par sa taille, à une place importante à prendre dans ce mouvement mondial. Désormais, au sein du comité de gestion nous devons engager les discussions sur la protection des monts sous-marins qui sont très importants. Nous avons également deux îles volcaniques, une fosse de subduction, un monument marin qui s’appelle la fosse des Mariannes, la fosse océanique la plus profonde actuellement connue, et des écosystèmes profonds qui vont demander beaucoup de travail.

Vous avez remis un courrier au président du gouvernement de la part d’un ambassadeur de marque de votre ONG. Que lui dit-il ? 

L’ambassadeur de notre programme, qui n’est autre que John Kerry, l’ancien secrétaire d’État des États-Unis sous la présidence de Barrack Obama, a tenu à remercier le président du gouvernement, Philippe Germain, pour cette avancée majeure. Il l’encourage à aller encore plus loin et l’a personnellement invité à venir participer à la conférence Our Océan 2018, une conférence mondiale avec les présidents et ministres de l’environnement qui se tiendra à Bali les 29 et 30 octobre prochain.