Le Brésil entre en action contre les incendies en Amazonie

Le Brésil entre en action contre les incendies en Amazonie

Un secteur brûlé de la forêt amazonienne, près de Porto Velho, le 25 août 2019 au Brésil ©Carl de Souza

Sous la pression internationale, le Brésil a fini par entrer en action dimanche en Amazonie, deux avions C-130 Hercules larguant les premières dizaines de milliers de litres d’eau au-dessus de la forêt tropicale où le nombre des incendies progressait.

Des manifestations ont eu lieu dans diverses villes brésiliennes en défense du « poumon de la planète », tandis que les pays du G7 annonçaient une aide à l’Amazonie « le plus vite possible ». Le président Jair Bolsonaro, auquel l’allié américain a offert son aide, a remercié dans un tweet non pas le G7 mais « les dizaines de chefs d’État qui (…) vont nous aider à surmonter la crise qui n’a d’intérêt que pour ceux qui veulent affaiblir le Brésil ». Il a à cet égard annoncé dans la soirée avoir accepté la proposition d’Israël de fournir un avion dans le cadre de la lutte contre les incendies.

Peu après, tandis que la sphère bolsonariste se déchaînait sur Twitter contre Emmanuel Macron, le ministre de l’Éducation Abraham Weintraub traitait de « crétin opportuniste » le président français, qui a été en pointe dans les pressions sur Jair Bolsonaro pour qu’il agisse en Amazonie. Dans la capitale Brasilia, une quarantaine de personnes ont manifesté contre Emmanuel Macron devant l’ambassade de France.

Manifestation pour exiger que le gouvernement brésilien agisse contre les feux de forêt en Amazonie, le 23 août 2019 à Brazilia ©Sergio Lima

Manifestation pour exiger que le gouvernement brésilien agisse contre les feux de forêt en Amazonie, le 23 août 2019 à Brazilia ©Sergio Lima

Mais à Rio de Janeiro, quelque 2 000 personnes ont protesté dans le quartier d’Ipanema, deux jours après les manifestations en Europe. « Bolsonaro va-t’en, Amazonie reste ! », scandaient-elles. Un protestataire était équipé d’un masque à gaz, déguisé en arbre avec un feuillage fourni, des animaux en peluche et une pancarte clamant : « Vive la nature ! ». « On est en train de détruire la nature », a dit Teresa Correa, de l’État amazonien du Para. « La situation a empiré depuis que Bolsonaro est devenu président (en janvier), il veut tout détruire ».

Première action concrète du gouvernement : deux C-130 Hercules capables de larguer 12 000 litres d’eau et de produit retardant ont été déployés par la Force aérienne brésilienne (FAB), a annoncé le ministère de la Défense. Ces bombardiers d’eau opèrent à basse altitude à partir de Porto Velho, la capitale de l’État de Rondônia (nord-ouest), qui s’est encore réveillée sous un inquiétant couvercle de fumée.

« Cela fait 20 ans que j’habite ici et j’ai vu beaucoup d’incendies », a dit Welis da Claiana, une habitante de cette ville, « mais je n’ai jamais rien vu de tel ». Le nombre des incendies a augmenté de 1 130 dans tout le Brésil en 24 heures, selon l’Institut national de recherche spatiale (INPE). Les derniers chiffres arrêtés samedi soir font état de 79 513 feux de forêt depuis le début de l’année dans ce pays, dont un peu plus de la moitié en Amazonie.

43.000 soldats 

Au-dessus de Rondônia, un État frontalier de la Bolivie, des feux de forêt envoient des colonnes de fumées avec leurs énormes quantités de carbone. Parfois, un seul arbre resté debout au milieu d’un paysage de cendres, mais totalement calciné, témoigne de la destruction en marche dans la plus grande forêt tropicale de la planète.

Jusqu’à présent, sept États, dont celui de Rondônia, ont fait appel à l’armée. Quelque 43 000 soldats basés en Amazonie sont disponibles pour combattre les incendies, a déclaré le ministre de la Défense Fernando Azevedo e Silva. Les gouverneurs des États touchés ont demandé d’urgence un « soutien matériel » à Jair Bolsonaro qui les avait accusés cette semaine de « connivence » avec les auteurs d' »incendies criminels ».

Des pompiers militaires attendent d'embarquer pour se rendre à Rondonia et lutter contre les incendies en Amazonie, le 24 août 2019 à Brasilia ©Sergio Lima

Des pompiers militaires attendent d’embarquer pour se rendre à Rondonia et lutter contre les incendies en Amazonie, le 24 août 2019 à Brasilia ©Sergio Lima

Le gouvernement a débloqué des fonds d’urgence de 38 millions de réais (8,2 millions d’euros) pour les opérations de lutte contre l’incendie effectuées par le ministère de la Défense. Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Sergio Moro, a donné son feu vert au déploiement d’effectifs policiers contre la destruction illégale de forêts en Amazonie. La déforestation accélérée sous le gouvernement de Jair Bolsonaro qui encourage les cultures et l’élevage bovin en Amazonie, corrélée à la saison sèche, explique l’ampleur de ces incendies.

« Utilisation politique » 

Dimanche, le pape François s’est dit « inquiet » pour « ce poumon vital pour notre planète ». Au sommet du G7 à Biarritz (sud-ouest de la France), les sept pays occidentaux les plus industrialisés se sont dits dimanche d’accord pour « aider le plus vite possible les pays frappés par les feux ». Environ 60% de l’Amazonie se trouve en territoire brésilien. « Il y a une vraie convergence pour dire ‘on se met tous d’accord pour aider le plus vite possible les pays qui sont frappés par ces feux’ », a rapporté le Emmanuel Macron.

Samedi, le président Bolsonaro avait posté une vidéo sur Twitter dans laquelle il clame « une tolérance zéro » pour les crimes environnementaux et affirme : « nous allons agir fermement pour contrôler les incendies en Amazonie ». Il assure toutefois que les « incendies cette année ne sont pas plus nombreux que la moyenne de ceux des 15 dernières années » et fustige « l’utilisation politique de ces incendies » et « la désinformation ». Il y a quelques jours, il avait provoqué un tollé en évoquant ses « soupçons » sur une responsabilité des ONG dans les incendies.

« On est dans l’urgence »

Toujours dimanche, la ministre des Outre-mer Annick Girardin ainsi que des élus de Guyane demandaient dans une tribune la création d’un Fonds international « contre les feux de forêt et pour le reboisement ». Un fonds « qui ne serait pas directement dépendant des États, et qui pourrait, en fonction des montants rassemblés, lancer des actions de lutte concrètes, ponctuelles, ciblées directement sur les acteurs locaux, contre les feux de forêt et pour le reboisement ».

« On n’en est plus au stade des proclamations, on est dans l’urgence », a lancé de son côté Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice originaire de Guyane. « Il faut des fonds, donc il faut faire un appel à donateurs. On peut organiser très vite et très sérieusement une conférence de donateurs », a-t-elle poursuivi, interrogée par franceinfos. « Il y a très longtemps que l’on sait qu’il y a une déforestation assez mal contrôlée, notamment au Brésil, y compris sous Lula d’ailleurs. Mais ces incendies sont un facteur d’accélération, d’inquiétude profonde et peut-être d’une prise de conscience qui ne me paraît pas si manifeste que cela ».

Fustigeant « les économies capitalistes (…) prédatrices », l’ancienne Garde des Sceaux se demande « à quoi sert la diplomatie si elle ne règle pas les conflits, si elle ne permet pas à des gens qui ne s’entendent pas de se parler et de prendre des décisions pour l’intérêt supérieur ? ». « La priorité, c’est de savoir quelle initiative sera prise », a-t-elle ajouté, rejetant l’idée de sanction à l’encontre du Brésil.

Avec AFP.