©Hubert Bataille
Naguère localisées dans le nord de l’Atlantique, les sargasses, microalgues brunes toxiques, se sont déplacées vers le Sud entre Amérique latine et Afrique. A Marseille, un laboratoire étudie cette « nouvelle mer des sargasses », aux conséquences environnementales inquiétantes, notamment aux Antilles.
En juin et octobre 2017, deux expéditions scientifiques ont été menées à bord d’un bateau-laboratoire par les chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Marseille, des îles du Cap Vert aux Antilles, particulièrement frappées par l’échouage des algues, aux émanations toxiques. La sargasse est une microalgue brune équipée de flotteurs naturels qui lui permettent de coloniser la surface de la mer et de s’y multiplier. Elle abrite une multitude de poissons et même d’insectes, explique Thomas Changeux, ingénieur à l’IRD affecté à l’Institut méditerranéen d’océanologie (MIO), qui a participé à ces expéditions. Mais après échouage, en se décomposant, elle dégage un gaz toxique, de l’hydrogène sulfuré, qui peut affecter l’appareil respiratoire des humains et des animaux et, à partir d’un certain niveau de concentration, attaque les métaux, détruisant aussi bien motos, voitures qu’ordinateurs.
Basé à Marseille, dans l’enceinte du site universitaire de Luminy, l’Institut méditerranéen d’océanologie travaille en réseau avec le Laboratoire des sciences de l’environnement marin (Lemar) de Brest, ainsi qu’avec des chercheurs brésiliens, américains et antillais pour comprendre l’origine de la nouvelle mer des sargasses dont les échouages sont hautement problématiques sur l’arc antillais. Depuis février, ces algues arrivent en masse sur les côtes de Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin, et de Guyane.
« Radeaux de sargasses »
« C’est un phénomène global » qui affecte tout l’Atlantique nord tropical », souligne M. Changeux. Sur place à Marseille, il dispose d’un herbier, d’échantillons prélevés lors des expéditions. Un volet de l’étude consiste à analyser les courants marins. « Il reste environ deux années de travail pour faire parler les échantillons prélevés », précise le chercheur. Parallèlement, une nouvelle méthode d’observation satellite a permis de gagner en précision et en efficacité. « On repère mieux les ‘radeaux de sargasses’ (…) Ca permet de prévoir et donc de prévenir », dit-il. D’après les études scientifiques, le phénomène « n’est pas continu » et l’échouage connaît des interruptions, comme en 2013. Mais à moyen terme, « il prend une ampleur globale » et l’on peut parler d' »une nouvelle mer des sargasses à partir de 2011″, selon M. Changeux.
Le chercheur évoque plusieurs hypothèses pour l’expliquer : « les alizés et les courants font des tapis roulants » aux algues. Il y a aussi « les apports de l’Amazonie en nitrates et phosphates » avec la surexploitation agricole, voire le réchauffement de l’eau. Mais « je serai très prudent avant de responsabiliser tel ou tel pays, ou telle et telle pratique. Il faut encore beaucoup d’études pour établir des preuves. Lelien avec la déforestation et l’activité minière n’est pas clairement établi », précise M. Changeux. Le 12 juin, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, a annoncé la tenue d' »évènements internationaux » aux Antilles, notamment, début octobre en Martinique, sur la problématique des sargasses. Le gouvernement a aussi décidé de débloquer 10 millions d’euros pour renforcer le ramassage de ces algues et lutter contre leur propagation.
Avec AFP.