La biodiversité du Bassin atlantique, une source de richesse exceptionnelle mais vulnérable

La biodiversité du Bassin atlantique, une source de richesse exceptionnelle mais vulnérable

Appelé « cancer vert » à Tahiti, le Miconia est arrivé en Martinique où il suscite aussi des inquiétudes ©Wikicommons

Le 6 Juin 2019 a eu lieu la 2ème rencontre du cycle triennal sur la biodiversité au Sénat, mettant l’accent sur la biodiversité du Bassin atlantique, un gradient latitudinal source de richesse exceptionnelle mais vulnérable. 

Les dernières rencontres sur la biodiversité de la délégation aux Outre-mer avaient en 2018 mis en vedette le Pacifique. Le 6 Juin 2019, la deuxième étape mettait l’accent sur l’axe Atlantique de Saint-Pierre et Miquelon à la Guyane, en passant par les îles de la Caraïbes. « La grande rencontre de l’IPBES en Mai dernier a lancé un appel alarmiste sur l’état de la biodiversité dans nos îles. Mais il ne doit pas occulter l’immense richesse dont nous avons la responsabilité », rappelait le sénateur Michel Magras, président de la Délégation Outre-mer au Sénat.

Déjà des travaux sont engagés en lien avec l’AFB : début d’installation de l’agence en Guyane, poursuite des luttes contre les envahissantes avec l’UICN, lancement d’un appel d’offre communal , fusion de l’AFB avec l’ONC (Office national de la chasse), création de 2400 emplois pour janvier 2020, projet de création d’un institut caribéen de la biodiversité insulaire (le CBI) à Saint-Martin, lieu d’accueil et de formation, institut de recherches chargé de sensibiliser à la fragilité des milieux (budget de 10M d’euros) et projet réservé aux 3 millions de touristes qui visitent l’ile chaque année.

Importance de la poursuite des recherches et d’un lien actif avec les élus

Alors que les organismes de recherches poursuivent leurs inventaires, que 70% des espèces marines restent à découvrir, les élus font l’apprentissage de la complexité de ces dossiers transversaux qui touchent tous les secteurs.

La première table ronde, modérée par Dominique Théophile, sénateur de Guadeloupe, a permis de rappeler l’importance de la recherche à poursuivre son travail, « il reste beaucoup à découvrir », et de revenir sur l’urgence du dossier sargasses. « La lutte contre les sargasses est un exemple de complexité. Depuis 2011 les échouages massifs isolent nos îles et atteignent les côtes de la République dominicaine et du Mexique. Tourisme, économie portuaire, transports, pêche…  Que de secteurs touchés ! Sans oublier les aspects sanitaires sur lesquels la France est très en avance. Nous attendons de la conférence internationale en Octobre prochain en Guadeloupe un partage des savoirs et la création d’un réseau d’acteurs ».

©CNRS / IRD

©CNRS / IRD

En Martinique, se mène une autre lutte. Miconia Calvescens envahissante bien connue des forêts polynésiennes est apparue sur l’île aux fleurs. À Tahiti, on l’appelle aussi « cancer vert ». C’est une espèce d’arbre originaire du Mexique et d’Amérique centrale et du sud devenu un des cas les plus spectaculaires et catastrophiques d’invasion biologique. Le Miconia semble avoir été introduit en 2017 dans un jardin aujourd’hui abandonné à quelques kilomètres de la Montagne Pelée en cours d’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO.

En 2018 est lancée une opération coup de poing : dix agents ONF traitent 6ha en 10 jours : on coupe les arbres, on les brûlent pour éviter toute contamination, outils et vêtements sont lavés à l’eau de mer. Il va falloir de années pour épuiser la banque de graines qu’est devenu le sol. Un travail de sensibilisation de la population est entrepris et les équipes s’inscrivent dans un processus pérenne

A Saint-Pierre et Miquelon, l’inquiétude persiste concernant la gestion des stocks de poissons. Sur l’archipel les habitants se remettent mal de la disparition de la morue, de quatre cents ans de pratiques économiques et culturelles disparues définitivement.

Guy Claireaux chercheur à l’université de Bretagne, originaire de Saint Pierre, mène en lien avec IFREMER et les instituts de recherches québecois un travail de repérages sur les stocks de flétan noir ou blanc. Le poisson ne fait pas partie des accords de pêche. Il nous met à nouveau en gade.  « Pour l’instant nous ne disposons pas assez d’informations pour une méthode de gestion simple du stock. Devrait-on déjà s’adapter, se réformer ? Nous ne savons pas ».

Sans titre

Le projet de recherche Flamenco avec utilisation de balises satellites a été mis en place par l’’institut maritime de St John’s, l’université de Québec à Rimouski et l’université de Bretagne à Brest. Ils ont signé un partenariat pour étudier l’espèce présente dans la région. Le projet est ambitieux : contrôle des habitudes alimentaires et migratoires, zones de reproduction…des balises ont été positionnés sur plusieurs spécimens.

Réorienter la recherche utile au territoire

Le chercheur a d’ailleurs profité de ce dossier pour signaler à la Ministre Annick Girardin, présente, qu’il « faut défendre la recherche locale souvent utile au territoire et pas seulement les objectifs nationaux et internationaux ». Cette dernière rebondissait à cette demande en assurant de la mise en œuvre de recherches par Bassin maritime, de plate forme de pré configuration afin de mieux prendre en charge la recherche. Elle reconnaissait par ailleurs que malgré les promesses, la recherche outre-mer n’est prise en charge par personne : « Il va falloir prendre les choses en main… Je ne doute pas que des parlementaires, comme les sénateurs Dominique Théophile, Victorin Lurel, Gérard Poadja vont bousculer l’existant et veiller à être au rendez vous. Il faut une nouvelle vie à l’IFRECOR, s’engager avec l’AFB… ».

Comme le faisait remarquer Antoine Karam dont le texte fût lu par son camarade martiniquais le sénateur Maurice Antiste, la synthèse entre protection et développement n’est pas encore trouvée : « On ne peut plus se contenter de vœux pieux… Le lien entre biodiversité et savoirs autochtones doit émerger dans le respect du protocole de Nagoya pour être catalyseurs du décollage de la Guyane ».

La prise en compte de la biodiversité reste également un moteur de la Coopération régionale. Au cours des nombreuses rencontres internationales l’ambassadeur Jean Bernard NILAM ne cesse de valoriser dans un environnement souvent dépourvu de moyens les atouts de la recherche française.

Dominique Martin-Ferrarri, Métamorphoses Outremers.