Unique fabricant français d’éoliennes, Marc Vergnet a imprimé sa marque dans le monde, plus particulièrement en Outre-mer et en Afrique.Ces vingt dernières années, cet ingénieur a permis à 60 millions de personnes d’être alimentées en eau par l’hydropompe Vergnet et a installé 700 éoliennes anti-cycloniques dans le monde.
La journaliste Dominique Martin-Ferrari, directrice de Métamorphoses Outremer nous trace le parcours de ce pionnier en terme de transition énergétique.
En 1993, nous filmions Marc Vergnet sur l’île de Marie Galante , le maire de Capesterre venait de lui donner l’autorisation de construire ses premières éoliennes anticycloniques. Nous venons de le retrouver en 2018 à Chartres en compagnie d’un ingénieur capverdien, à la veille d être recompensé par Nicolas Hulot au nom de la société Mascara pour laquelle il travaille, en partenariat avec la commune de DESOLSA au Cap Vert… Une unité de dessalement solaire d’une capacité de 20 m3/j prototype d’unités de petites capacités à faible coût, robustes et largement diffusables, vient d’être sélectionnée par la « mission innovation » lancée à la COP 21 par la France et l’Inde pilotant conjointement un challenge sur les innovations pour l’accès aux énergies renouvelables hors réseaux.
Trente cinq ans entre ces deux rencontres , la même voix grave et gouailleuse, reconnaissable, et toujours la même passion pour l’air et l’eau. Cet homme relève du miracle.
Sous le souffle d’éole
« Les fabricants d’éoliennes ont opté pour la puissance du chêne, j’ai préféré la logique du roseau », nous explique-t-il. Il y a bien longtemps que les premières éoliennes anticycloniques que nous avions filmées ont été démantelées car trop petites. Mais bien d’’autres avaient été érigées à Petite place, à Petit canal puis au Moule. En Guadeloupe, Vergnet Caraïbes a installé 237 machines de 250 à 275MW , rabattables et adaptées aux conditions cycloniques, soit un parc avoisinant 25MW. Fort de son succès, Il avait conquis la Réunion puis la Nouvelle Calédonie, apprécié des îliens qui se souviennent comment, au printemps 2003, le cyclone ERIKA dévastant le parc d’éoliennes Vestas du Mont Dore en Nouvelle Calédonie, avait seulement soufflé sur le parc Vergnet couché , qui sorti indemne de la catastrophe. Exploit renouvelé le 16 août 2007, à l’approche du cyclone Dean, quand les 27 éoliennes de Guadeloupe, sanglées au sol, ont subi des rafales de plus de 250 km/h. Une fois le cyclone passé, la centrale a repris la production, sans difficultés ni contretemps affichant un remarquable taux de disponibilité de 97%.
Toujours attiré par les extrêmes, en 2010 Marc Vergnet part en Ethiopie, à Ashegoda près de Mékélé dans la région de Tigray, à environ 780 km au nord de la capitale éthiopienne Addis-Abeba. Avec Alsthom et Engie, il y construit un parc éolien de 120 MW, le plus grand de l’Afrique subsaharienne. Il fournit de l’électricité à plus de 3 millions d’Éthiopiens. Pas besoin de grandes grues intransportables dans le bled, les éoliennes Vergnet arrivent en kit au bout des chemins les plus sinueux, escarpés et cabossés, par convois ordinaires dans des conteneurs standards, puis elles sont assemblées au sol, dressées et entretenues par du personnel local. « La force de Vergnet réside dans l’appropriation des projets par les hommes, dans le partage d’un rêve, d’une ambition. » Aujourd’hui les machines marchent à la perfection. C’est le génie de Marc Vergnet, son côté « tiers-monde » d’ingénieur inventeur altruiste qui lui a permis d’imaginer la technologie dont les pays du Sud avaient besoin, ces pays qui le concernent, quand les grands groupes s’intéressent au « nordwind ».
Retour à ses amours : de l’eau pour tous
Un coup dur venu des contradictions des législations françaises manque de l’anéantir. « Deux lois sont adoptées et elles se contredisent: la loi littorale qui nous impose une continuité de construction urbaine et la loi Grenelle qui va nous interdire de construire à moins de 500 m des habitations. En trois mois tous les projets sont arrêtés dans les DOM, 68% de notre marché tombe par terre ».
Une période difficile s’ouvre. Il s’arrête, mais peu de temps. Il décide de mettre ses économies dans une nouvelle société, de travailler avec des PME africaines, et reprend ses vieils amours. N’oublions pas que Vergnet est l’inventeur de l’hydropompe , une pompe à eau super simple installée en milliers d’exemplaires en Afrique
Or une nouvelle ère s’ouvre : « l’humanité va manquer d’eau. En 2030, 1/3 de l’humanité sera en stress hydrique. Des zones sont déjà en rupture. J’ai prouvé ma conscience hydraulique et suis formé au développement des renouvelables »
Le monde se penche sur une solution, le dessalement . Mais il est coûteux en énergie et donc en CO2 et surtout « on ne sait pas faire fonctionner les osmoses avec des énergies intermittentes (solaire/eolien ndlr)». Avec l’aide de financiers, il crée Mascara Renewable Water et développe la première technologie au monde de dessalement solaire photovoltaïque par osmose inverse, sans batterie, pour donner accès à l’eau potable, à tous et partout, à un prix compétitif et sans aucune émission de CO2 . Le pilote fonctionne depuis un an à Aboudhabi. Il a répondu à un appel d’offre auquel personne n’a répondu car les critères imposés n’étaient pas compatibles avec le dessalement conventionnel. La ville lui a offert la possibilité d’installer une plate forme de sa nouvelle technologie de déssalement à Mazdar ; Sur 180m2 (emprise foncière très restreinte) la pompe fournit 40m3/J.
Totalement autonome , cette unité est la première installation solaire de dessalement au monde et reçoit la consécration de ses pairs à l’international Water Summit de Janvier 2018
A nouveau c’est le succés. Marc Vergnet ne s’arrête pas. Il veut mettre des pompes partout. « Il y a un besoin. J’y réponds et tente de le satisfaire. Mais c’est nouveau, il y a de la méfiance et de l’attente. Mon rêve est que dans dix ans soient recréés en Mauritanie les anciens oasis ». Il reconnaît qu’il faut être un mégalo « Dieu a inventé la mer , le soleil , l’évaporation et la pluie. Comme Dieu je veux réinventer l’eau renouvelable ».
Demain le déssalement part vers le Pacifique sud : Fidji, Tonga, Wallis…l’océan indien avec l’équipement de Rodrigues, l’Afrique du Sud, le Mozambique, le Sénégal… Avec une pompe et du solaire, de la mer à proximité ou non.
Par Dominique Martin-Ferrari