Energies Renouvelables : La centrale géothermique de Bouillante au coeur de la discorde

Energies Renouvelables : La centrale géothermique de Bouillante au coeur de la discorde

Le rachat en mars dernier de l’unique centrale géothermique de la Caraïbe et de la France par une entreprise américano-israélienne a provoqué l’ire de plusieurs collectifs et de mouvements politiques. Cette semaine, c’est la voix du « pour » qui s’est fait entendre en la personne d’Harry Durimel. 

Jusqu’ici, il est le premier à s’exprimer en faveur du rachat de la centrale géothermique de Bouillante en Guadeloupe. Harry Durimel, avocat mais aussi chef de file du parti Les Verts en Guadeloupe, oppose aux partisans du « non »  un regard empreint de réalisme et de pragmatisme dans un dossier qu’il qualifie « de complexe et délicat ». Dans sa contribution, il avance les intérêts économiques et écologiques. Économiques car Ormat Technologies (la société en passe de racheter la centrale de Bouillante) apporte des fonds propres dans le budget déficitaire de la Sageos, filiale du BRGM  qui détient près de 98% du capital de la centrale. Les 2% restants appartiennent à EDF, qui depuis la mise en place de cette centrale, s’est peu à peu désengagée du projet. « La Guadeloupe a plus à gagner dans l’optimisation de la ressource géothermique que son exploitation en bas régime par l’Etat français, comme il le fait depuis près d’un demi-siècle, dans la plus grande indifférence populaire et politique. Si l’Etat avait été un bon gestionnaire, on n’en serait pas là aujourd’hui à chercher désespérément des fonds privés », tacle Harry Durimel. Des fonds privés qui permettront de maintenir l’emploi des 17 agents chargés de la production mais également de créer des emplois  sur le long-terme.

L’avocat évoque comme troisième argument, le prix de l’électricité. « Aujourd’hui les guadeloupéens payent l’électricité à un prix largement inférieur à son coût de production, grâce au système de solidarité nationale appelé CSPE (contribution au service public de l’électricité). Le MWh d’énergie géothermique est racheté 165 € par EDF, alors que le MWh au fuel coûte 230 €. Quels que soient sa source et son coût de production, les guadeloupéens payent l’électricité 150 euros le MWh, soit 12,70 centimes le KWh. Un prix avantageux qui est voué à disparaître. « La Commission européenne a déjà sonné le glas des systèmes préférentiels, tels les quotas dont bénéficient encore les producteurs de banane, sucre et rhum ultramarins. Le surendettement de l’Etat français, couplé à l’inexorable privatisation généralisée de l’économie, augure de jours difficiles pour les entreprises et les ménages guadeloupéens si nous ne sortons pas de la dépendance au fuel et au charbon. De 12,70 centimes aujourd’hui, le coût d’achat de l’électricité passerait à 35 voire 40 cts par kwh, si la CSPE venait à disparaître ».

Et puis écologiquement, comme le soutient  le militant écologiste, le rachat de la centrale géothermique par Ormat Technologies conduira à quadrupler la production énergique par le biais de cette énergie renouvelable d’ici 2021. « L’arrivée d’ORMAT et de l’argent frais qu’elle promet permettront de passer de 10 MW, à 14,5 MW dès 2017 et 40 MW à l’horizon 2021 », souligne-t-il.

Pourquoi la centrale géothermique fait l’objet d’une levée de boucliers ?

Mise en service en 1986 par EDF qui a arrêté la production à la suite de problèmes techniques en 1993, cette unité de production a été reprise par le groupe BRGM en 1995, à travers l’entreprise Géothermie-Bouillante, une filiale du BRGM (97,8 %) et d’EDF (2,2 %). Elle fournit actuellement 6% de la production électrique et alimente plus de 15 000 foyers. Face à la demande croissante en besoins électriques, la société Géothermie Bouillante nourrit l’ambition de développer un nouveau site de production: le projet Bouillante 3. Mais ce projet nécessite un investissement estimé entre 80 et 90 millions d’euros. La société américaine Ormat Technologies a signé en décembre 2015 un protocole d’accord pour le rachat au BRGM de 85 % de la société d’exploitation de la centrale géothermique de Bouillante ; le document fixant les modalités du rachat à été signé fin février 2016 : Ormat prend la direction de Géothermie Bouillante en détenant tout d’abord 80 %, puis 85 % des parts au bout de deux ans, avec rachat des parts d’EDF et augmentation du capital. L’entreprise américaine, dans le protocole d’accord, prévoit de verser 22 Millions d’euros à SAGEOS pour une prise de participation au capital de Géothermie Bouillante SA. De plus, ORMAT s’engage à investir environ 10 Millions d’euros dans les 2 ans à venir, notamment à Bouillante dans la centrale existante, mais également dans le développement de Bouillante 3.  Ormat est un des leaders mondiaux du secteur, qui fournit de l’énergie géothermique dans 23 pays.

Depuis l’annonce du rachat par cette entreprise au printemps dernier, deux collectifs sont montés au créneau. Il s’agit de la fédération guadeloupéenne du Parti de Gauche et Collectif pour la défense de la géothermie  de Bouillante mené par Alain Plaisir (Président du CIPPA, Comité d’Initiative pour un Projet Politique Alternatif). Ces derniers affirment que l’Etat « brade sans vergogne le patrimoine du peuple guadeloupéen ». Comme alternative, ils proposent deux solutions : le maintien de cette structure industrielle dans le cadre public ou favoriser un partenariat public-privé s’appuyant sur une participation du Conseil Régional et un « actionnariat populaire « . De plus, le Collectif pour la défense de la géothermie de Bouillante cite un autre potentiel repreneur. » Depuis quelques jours, une entreprise métropolitaine et guadeloupéenne – le groupe AAMEN –  crée par Gérard Bougrer, serait en contact avec des membres du gouvernement pour proposer une reprise éventuelle dans le cadre d’une société d’économie mixte. », précise le document.La balle semble désormais dans le camp de l’Etat. Mais peut-il revenir sur un protocole d’accord déjà signé au nom de la préférence guadeloupéenne?