Biodiversité, vers la refonte du concept ?

Biodiversité, vers la refonte du concept ?

© Unesco

Ce lundi 29 Avril, à l’UNESCO à Paris, a eu lieu une ouverture très « onusienne » de la rencontre IPBES (plate forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services éco systémiques,) présentée comme le GIEC de la biodiversité.

Devant les 800 délégués représentant 130 Etats et les grandes ONG, un groupe de 14 enfants âgés de 7 à 14 ans s’est lancé dans « steps of the change » une danse, expression artistique née d’une collaboration entre la chercheuse Yunne –Jai Shin , chercheuse à l’IRD, une des auteurs de l’évaluation mondiale et la chorégraphe Emily Lartillot directrice de l’école de danse « Les arts en scène »de Montpellier. Un ballet très rythmé et symbolique restituant les menaces qui s’accentuent : réchauffement climatique, pollutions, espèces invasives….

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Une semaine de travaux pour proposer des actions aux politiques

Après un moment d’émotion quand les jeunes danseuses ont rejoint les travées sous une standing ovation des délégués, les travaux ont pu commencer. Sir Robert Waston grand ordonnateur de l’exercice qui va se dérouler jusqu’au 4 mai, a fixé les enjeux de cette semaine. « C’est avec un grand bonheur que je lance « le tournant parisien » pour la nature…». « L’adoption de l’accord de Paris en 2015 a marqué un tournant décisif dans la lutte contre les changements climatiques…Ce mois d’avril peut marquer le début d’un moment historique similaire pour la biodiversité ». « Les preuves des destructions sont incontestables … Nous allons rédiger le premier rapport ayant pour objectif d’engager les politiques dans une action formelle des gouvernements, mais aussi des entreprises et de la société civile »… « J’en appelle à un new deal de la biodiversité en 2020 …Des actions transformatrices doivent être menées dans le monde entier. Des actions contre le réchauffement et contre la disparition de la biodiversité, de gravité égale, doivent être conduites ensemble. » « Il nous faut sortir de cette semaine de négociations avec cinq engagements : un budget durable, un nouveau bureau qui permettent d’assurer l’avenir de l’IPBES, un bilan chiffré des dégâts et reconnus par tous les états, des propositions d’action , une réactualisation des relations biodiversité et activités humaines »

A son tour Audrey Azoulay , directrice générale de l’UNESCO a pris la parole :
« cette maison de l’UNESCO est la vôtre, vous y êtes chez vous» rappelant ainsi le caractère onusien de l’enceinte parisienne . « L’UNESCO est la maison de la diversité On y protège notre patrimoine matériel et immatériel qui dépendent du vivant ….En 2005, ici a été conçu le groupe d’expert (l’IPBES) , né d’un long dialogue entre experts et société civile sur l’urgence d’agir… ». « Cette semaine sera un moment historique et c’’est l’histoire qui nous dira ce qui sera retenu de ce travail. … »

Le rapport attendu sera la première évaluation partagée qui engagera les états. Il s’appuie aussi sur les savoirs autochtones et locaux, la protection des espaces, des cultures, de l’éducation. Au delà des enjeux scientifiques il écrira enfin les enjeux politiques et moraux. Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas.
Le docteur Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES remercia la France pour sa générosité et le soutien reçu pour la préparation de cette session « Ici en France nous associons toujours culture et nature ….. Avec l’appauvrissement du monde vivant, avec la disparition des campagnes naturelles c’est un peu de notre âme, de notre raison d’être que nous perdons. Tous les chercheurs ont travaillé de façon bénévoles répondant à plus de 20.000 questions posées par leurs pairs. Nous portons l’espoir que ce travail fera de la biodiversité une grande cause universelle. »

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L’ambassadeur auprès de l’UNESCO Laurent  Stefanini a rappelé qu’à la fin de la semaine, nous disposerons d’un socle scientifique partagé : « Le défi est réel, des changements structurels sont nécessaires pour modifier nos modes de vie . 2020 sera l’année de la biodiversité comme l’a été l’année 2015 pour le climat.
Encore une fois, le monde va devoir adapter ses régles. Entre une démographie, galopante, une planète finie, et des ressources qui s’épuisent, il faut retrouver de l’ordre et ce sera le rôle de l’iPBES de proposer aux politiques des scénarios de transition ou d’adaptation.

Il y a une trentaine d’années, le concept de diversité biologique a mené à celui de biodiversité. Puis ce fût la prise en compte des relations entre les humains et de leurs sociétés avec les autres habitants de la planète qui aboutit à la conception actuelle de la biodiversité.
Au moins provisoirement car au cœur de ces réflexions mouvantes, deux positions se font jour que l’IPBES va tenter de rapprocher : les radicaux, ils constatent l’effondrement permanent, parlent de la sixième extinction, de la disparition des espèces que nous n’avons même pas eu le temps de découvrir et de l’impact sur les sociétés humaines. Ils annoncent la fin de ce monde qui repose sur la biodiversité. Très pessimistes et un tantinet désabusés des promesses passées, des engagements pris et non respectés, ils restent très environnementalistes. A leurs côtés, les transitionnistes : ils ne remettent pas en question l’effondrement, n’ont pas d’attitude de déni face à l’hécatombe mais retrouve l’humilité d’un vivant parmi les vivants. Si l’homme est incapable de choisir entre l’économie et la protection, d’équilibrer ce qu’il nomme le développement durable, alors il doit regarder en face ce qui arrive et être capable de s’adapter, comme les autres espèces.

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Une chose cependant s’affirme : si nous ne savons pas tout, nous commençons à savoir ce qu’il ne faut pas faire. Et il faut revenir sur les conclusions de Nagoya avant la Cop 15 en Chine en 2020 : certaines ont vu le jour : la mise en œuvre des aires protégées (il était demandé 17% en zone terrestre et 10% en zone marine), la création de l’APA (le premier bilan va en être fait), la prise en compte des atteintes immatérielles (rien n’est encore fait en ce sens, on attend la mise en œuvre des internalisations que ne peut remplacer le ERC : éviter, réduire, compenser) et enfin la suppression des subventions nocives (agriculture et pêche): de ce côté rien n’a été fait. L’IPBES apportera-t-il quelques conseils ?

Dominique Martin-Ferrari, Métamorphoses Outremer