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Avec ses couleurs tape-à-l’oeil et ses nageoires en éventail, il fait le bonheur des plongeurs. Mais aux Antilles, le poisson-lion n’est pas chez lui et vampirise les écosystèmes, comme de nombreuses autres espèces invasives.
L’animal aux rayures verticales blanches et rouges ou marrons, appelé aussi rascasse volante, vit normalement dans la région indo-pacifique. Mais depuis moins de dix ans, il colonise les Antilles. Après s’être « échappé d’un aquarium de Floride », « il est maintenant installé durablement dans l’écosystème » des Caraïbes, explique Pierre-Yves Pascal, enseignant chercheur en biologie marine à l’université des Antilles, en Guadeloupe.
Sans prédateur connu, ce carnivore vorace aux épines venimeuses fait des ravages sur les récifs coralliens, se nourrissant de juvéniles d’espèces utilisant ces sites comme nurserie et subtilisant les proies habituelles d’espèces indigènes. « On ne connaît pas toute la biodiversité du milieu marin et donc l’impact d’une invasion comme celle du poisson-lion est difficile à évaluer », note Pierre-Yves Pascal. Malgré tout, l’inquiétude est grande. En 2015, une étude du cabinet VertigoLab estimait à 10 millions d’euros par an le coût de l’invasion de la rascasse volante pour les Antilles françaises, notamment en raison des pertes dans le secteur de la pêche.
« Quand il est arrivé en masse tout le monde a paniqué, personne n’en voulait et on en avait plein », se souvient Pascal Molza, marin-pêcheur à Terre-de-Haut, dans l’archipel des Saintes. Mais avec un brin de déception, il constate aujourd’hui une diminution de la présence du poisson à la chair savoureuse alors que « les clients l’ont goûté et que tout le monde en veut » désormais. Le poisson-lion est loin d’être le seul intrus dans les écosystèmes ultramarins, particulièrement touchés par ces espèces introduites par l’homme, volontairement ou non, en dehors de leur habitat naturel.
Ainsi, selon l’Observatoire national de la biodiversité (ONB), en 2016, l’Outre-mer français comptait 60 des 100 espèces considérées par l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) comme les plus envahissantes au monde. Comme le miconia et le rat noir, particulièrement problématiques en Polynésie française.
Des îles plus vulnérables
Le premier, petit arbre aux jolies feuilles vertes et pourpres originaire d’Amérique du Sud, a été introduit à Tahiti dans les années 1930 par un botaniste. Aujourd’hui, le miconia s’est si bien acclimaté qu’il a conquis les vallées polynésiennes, étouffant le reste de la végétation. « A cause du miconia, on a perdu beaucoup de variétés de nos espèces endémiques ou introduites par nos anciens, notamment nos plantes médicinales », se désole Noëlla Tutavae, présidente de l’association de défense de l’environnement Te rau atiati.
Autre introduction, involontaire cette fois, le rat noir qui s’est échappé des navires approvisionnant les îles. Ce prédateur est particulièrement redoutable pour les oiseaux. Son arrivée sur Rimatara, Ua Huka, et certaines îles des Tuamotu et des Marquises, « où des oiseaux endémiques rares subsistent (vini ura, pihiti, monarque), pourrait provoquer leur rapide déclin, voire leur extinction », s’inquiète la Direction de l’environnement de Polynésie française. Alors certaines îles utilisent des chiens ratiers pour inspecter les navires à leur arrivée et éviter tout débarquement.
L’Outre-mer compte au total plus de 370 espèces exotiques envahissantes sur 509 en France, selon l’ONB. Un chiffre inquiétant parce que leurs impacts « sont plus forts et visibles dans les îles, du fait de la fragilité de ces écosystèmes en relation avec leur isolement », souligne l’Observatoire, et parce que l’Outre-mer abrite 83% des espèces endémiques françaises. Mais l’Hexagone n’est pas non plus épargnée.
Le célèbre frelon asiatique à pattes jaunes arrivé en 2004 dans le Lot-et-Garonne, probablement dans des poteries importées de Chine, a désormais envahi 95% de la France métropolitaine, selon l’ONB. Prédateur notamment des abeilles domestiques, il fait partie de la quarantaine d’espèces invasives jugées « préoccupantes » par l’Union européenne. Tout comme l’écureuil à ventre rouge débarqué sur le Cap d’Antibes dans les années 1960 en provenance d’Asie. Le gouvernement présentera mercredi ses mesures pour tenter d’enrayer le déclin des espaces naturels et des espèces.
Avec AFP.