Biodiversité en Guyane: Le fleuve Maroni miné par l’extraction aurifère

Biodiversité en Guyane: Le fleuve Maroni miné par l’extraction aurifère

© Jacky Brunetaud

Une étude menée sur le fleuve Maroni en Guyane par des chercheurs de l’IRD a révélé une forte concentration de flux sédimentaire dans ce cours d’eau depuis l’an 2000.

« La concentration de particules de terre, ou sédiments, en suspension dans le Maroni a augmenté de façon spectaculaire depuis une décennie. Cela, à cause de l’activité minière aurifère accrue dans la région drainée par le fleuve et ses affluents » souligne l’étude publiée récemment dans la revue Land Degradation & Development.
Le fleuve Maroni constitue une frontière naturelle entre le Suriname et la Guyane, le Maroni serpente sur 612 kilomètres au milieu de l’une des plus grandes forêts tropicales du monde. Crucial pour l’exceptionnelle biodiversité de cette région, ce cours d’eau permet aussi d’alimenter et de transporter les populations riveraines. Toutefois le Maroni se situe également en aval des mines d’or qui se sont multipliées dans l’intérieur des terres depuis les années 1990.

+ 239% de sédiments en suspension

Une extraction aurifère qui n’est pas sans conséquences: elle induit une déforestation, une destruction des sols des versants et du lit du fleuve, le tout accentuant alors les mécanismes d’érosion. Résultat, l’apport de sédiments dans le fleuve, par les eaux de pluies, augmente.
Il est apparu qu’entre 2001 et 2015 la concentration des sédiments en suspension dans le Maroni a augmenté de… 239%, passant de 10 mg/L en moyenne en 2001 à près de 36 mg/L en 2015 ! « Nous avons travaillé sur plusieurs fleuves importants, comme le Mékong en Asie ou le Niger en Afrique ; mais jamais nous n’avions observé un changement si important …  » a déclaré Jean-Michel Martinez.

© Marjorie Gallay Les barges d’orpaillage utilisées dans le bassin du Maroni entrainent la destruction du lit du fleuve : des tuyaux aspirent le sol et l'eau et rejettent sables, graviers et matières en suspension le long des cours d’eau.

© Marjorie Gallay
Les barges d’orpaillage utilisées dans le bassin du Maroni entrainent la destruction du lit du fleuve : des tuyaux aspirent le sol et l’eau et rejettent sables, graviers et matières en suspension le long des cours d’eau.

A titre comparatif, les chercheurs ont analysé également les bassins versants du fleuve Oyapock.la concentration moyenne de sédiments en suspension a diminué (33%) dans le fleuve Oyapock (seuil critique en 2008). Ces différences s’expliquent par le pourcentage plus élevé de déforestation en raison d’activités minières dans le bassin du Maroni (0,37%) par rapport à celui d’Oyapock (0,06%). Dans la rivière Maroni, la tendance à la hausse de la production de sédiments (2000‐2015) coïncide de manière significative avec l’augmentation de 400% des zones minières.

Dans leur étude, les chercheurs ont pris en compte plusieurs facteurs susceptibles d’expliquer leur observation : l’évolution des précipitations dans la région, les changements d’occupation des sols liés à l’agriculture et à l’urbanisation, et l’avancée de la déforestation due à l’exploitation minière. Seule cette dernière a varié significativement : alors qu’en 2000 sa surface cumulée n’était que de 4 821 hectares, en 2016 elle a quintuplé pour atteindre 24 463 ha. D’où la conclusion que l’augmentation des sédiments en suspension dans le Maroni est principalement liée à l’activité minière.

© SPOT Images Vue aérienne des impacts de la déforestation minière sur les sols et le lit des cours d'eau dans le bassin versant du Maroni (sept. 2011)

© SPOT Images
Vue aérienne des impacts de la déforestation minière sur les sols et le lit des cours d’eau dans le bassin versant du Maroni (sept. 2011)

Biodiversité et navigabilité menacées

Les chercheurs expliquent que ce surplus pourrait conduire à plusieurs problèmes comme la diminution de la transparence des eaux et ainsi nuire à la survie des espèces peuplant le fleuve. « Il pourrait limiter la navigabilité du Maroni. Enfin, les sédiments apportent avec eux des éléments traces notamment du mercure, susceptibles de polluer le fleuve, et de contaminer les populations sur ses berges » ajoutent-ils. « Nos résultats appellent des mesures urgentes pour préserver le Maroni », alerte Marjorie Gallay en rappelant la nécessité de continuer à évaluer l’évolution de la teneur en sédiments dans le Maroni et ses possibles conséquences.