A cinq mois du référendum sur l’indépendance en Nouvelle-Calédonie, le 4 novembre prochain, la préparation de ce rendez-vous historique est empêtrée dans les querelles politiciennes locales, au risque de raviver les tensions.
« La droite la plus radicale joue un jeu dangereux. A force de provocations et de refus de discuter, ils vont contribuer à durcir les positions des indépendantistes t à tendre encore la situation », a déclaré Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique. Jeudi, une réunion du groupe de dialogue « Sur le chemin de l’avenir », mis en place en décembre à l’initiative du Premier ministre et destiné à préparer l’après-référendum avec les chefs de file des principales formations politiques, a tourné au clash.
Cette instance présidée par le haut-commissaire Thierry Lataste et au sein de laquelle Edouard Philippe dispose d’un représentant personnel, le conseiller d’Etat François Seners, discutait depuis mercredi du bilan de l’accord de Nouméa (1998) lorsqu’un vif échange au sujet des « valeurs partagées » a fait claquer les portes.
Rédigées dans la douleur fin avril, « des propositions de valeurs partagées » sont soumises à une consultation publique jusqu’au 14 juin. Leur objectif étant selon la formule du député Philippe Gomes (Calédonie ensemble, CE centre doit), de constituer « un socle de la paix » face à un « référendum clivant ».
Très critiques sur cette démarche « qui sème le trouble », les dirigeants du Rassemblement-LR ont annoncé jeudi qu’ils quittaient le groupe de dialogue, accusant « CE et le Palika (indépendantiste) d’alliance politique (…) résolue à obtenir un accord quel que
soit le résultat » du référendum. « Je refuse tout document commun, je ne signerai rien », a déclaré le sénateur Pierre Frogier (LR) à propos des « valeurs partagées », ne souhaitant se mobiliser que « pour un NON le plus massif possible à l’indépendance ».
« bataille d’ego »
Leader des Républicains Calédoniens, Sonia Backès, en désaccord avec plusieurs points du document sur les valeurs, a dénoncé « l’agression perpétuelle de certains membres » du groupe de dialogue, qui l’a conduite à quitter prématurément la réunion de jeudi.
Fin février, le propos liminaire d’un texte fixant la date du référendum avait déjà déclenché un psychodrame au sein du groupe de dialogue, que le Rassemblement-LR et les Républicains Calédoniens avaient déjà quitté avec fracas, avant de le réintégrer,après les bons office d’Edouard Philippe.
Ardent défenseur du dialogue avec les indépendantistes « pour accumuler les convergences et être à même de reprendre les discussions sur des acquis après le référendum », Calédonie Ensemble a fustigé l’attitude du courant droitier des loyalistes.
« Ces personnes sont incapables de se montrer à la hauteur des enjeux et n’ont aucune volonté d’aboutir. Ils sont là juste pour faire semblant », a taclé son secrétaire général, Philippe Michel, affirmant sa propre « détermination à poursuivre le dialogue ».
Face aux conflits de la droite, le FLNKS apparaît tenté de radicaliser ses positions. Jeudi, le Palika, l’un des deux poids lourds de la coalition indépendantiste, a indiqué qu’il voulait engager des « discussions bilatérales avec l’Etat afin de savoir comment la France peut nous accompagner dans le cadre d’une indépendance avec partenariat ». Il a dénoncé « un dialogue de sourds » avec « certains dirigeants loyalistes. »
Début mai, la visite en Nouvelle-Calédonie d’Emmanuel Macron avait très momentanément apaisé les esprits. Son discours à Nouméa, savamment équilibré, avait en effet été unanimement salué par les élus. « Il y a eu un effet Macron, qui n’a pas duré. Le président était sur une ligne proche de celle défendue de longue date par le député Philippe Gomes. Les autres partis de droite ont besoin de s’en démarquer pour exister, le tout sur fond de bataille d’ego », analyse Pierre-Christophe Pantz.
Avec AFP