L’Après en Outre-mer : Et Maintenant ? par Bruno Robert, 1er Vice-président de la Chambre d’Agriculture de la Réunion

L’Après en Outre-mer : Et Maintenant ? par Bruno Robert, 1er Vice-président de la Chambre d’Agriculture de la Réunion

Outremers360 vous donne la parole et partage le sentiment des acteurs socio-économiques des territoires d’outre-mer, à la veille de la période post-pandémie. Aujourd’hui, nous donnons la parole à Bruno Robert, Président du syndicat des Jeunes Agriculteurs et 1er Vice-président de la Chambre d’Agriculture de la Réunion.

Je me présente, Bruno Robert, agriculteur de 36 ans sur la commune de Ste-Anne, producteur de canne à sucre et de légumes.

J’ai vécu le confinement en restant positif avec l’idée que la santé n’avait pas de prix. En effet pour moi, « qui veut aller loin, ménage sa monture ». Sur l’exploitation, les circonstances ont fait que je n’avais pas de production de légumes pendant cette crise, ce qui m’a permis de travailler entièrement au service des agriculteurs avec mes collègues de la chambre et des syndicats sans oublier bien sûr nos collaborateurs.

Je pense qu’être agriculteur implique de savoir faire preuve de résilience car notre activité par définition est inconstante, il y a les bonnes périodes qu’il faut apprécier mais il y a aussi des périodes plus difficiles qu’il faut pouvoir gérer.

J’essaie donc de concevoir les crises comme des défis qu’il faut savoir relever, voire même des opportunités de construire plus solidement ce qui a été menacé.

Pour l’agriculture la crise covid-19 implique de nombreux défis, à commencer par la réorganisation brutale des circuits de commercialisation rendue nécessaire par la fermeture des places de marchés et le confinement de la population.

Sachant qu’on estime à 2000 T hebdomadaires les volumes de fruits et légumes péi consommés par les réunionnais, ce sujet à été prioritaire. 

Nous l’avons abordé sous deux angles.

Le premier a été de travailler avec les services de l’Etat à la réouverture de nouveaux marchés de producteurs capables de permettre l’écoulement des productions agricoles tout en garantissant des mesures de sécurité sanitaires égales voire supérieures à la grande distribution.

Le deuxième à été d’accompagner et d’encourager toutes les initiatives de mise en place de circuits de distributions courts et innovants. Notre contribution à été surtout de communiquer envers nos agriculteurs pour leur montrer que la livraison de paniers, les bazars mobiles, les drives fermiers ou encore la vente en ligne avaient toute leur place au vu du contexte et sûrement même après la crise.

Sur ce sujet on peut aujourd’hui dire que c’est un succès, même si on est encore en phase de développement, notamment pour les marchés de producteurs et en phase de structuration pour les nouveaux circuits de distribution.

Je pense aussi qu’en temps de crise il y a deux façons de réagir, on peut soit se replier sur soi et penser égoïstement. Au contraire, on peut faire preuve de solidarité et se serrer les coudes collectivement.

Bruno Robert 2

Avec la Chambre d’Agriculture, la solidarité est au cœur de notre action.

En ce sens nous avons été force de propositions, notamment avec nos partenaires élus du conseil départemental.
Cette solidarité s’est exprimée par le biais des CCAS envers les plus démunis qui ont pu recevoir un colis de légumes frais. Nous avons aussi pensé à nos personnels soignants qui ont pu se faire livrer un brin de muguet ou même avoir à disposition un marché de producteurs au pied de l’hôpital.

Bien sûr nous travaillons aussi pour nos agriculteurs qui souffrent de la crise. L’agriculture ne pouvant bénéficier du fond de solidarité régional, il a fallu travailler avec le conseil départemental pour amortir les difficultés des filières les plus durement touchées.

A ce jour, les filières horticoles et équines bénéficient d’une aide et nous avons bon espoir de valider très vite un dispositif d’accompagnement pour la filière agritouristique.

Une crise est aussi souvent révélatrice de malaises profonds de notre société que l’on peut soit ignorer en se disant que ça passera ou bien au contraire en tenir compte et tenter de changer les choses positivement.

Le sujet des prix notamment en lien avec la sécurité alimentaire et énergétique de la réunion mérite à mon sens d’être entendu et écouté. Très brutalement une partie des Réunionnais a exprimé son refus de subir la loi de l’offre et la demande qui impose une augmentation des prix des produits qui se font rares. Je pense aux produits d’importation comme l’ail, l’oignon et la pomme de terre.

Nous avions déjà anticipé ce sujet avec la chambre d’agriculture et le conseil départemental car l’augmentation de la production locale vivrière est au cœur de notre projet avec une stratégie agripéi qui ambitionne de mobiliser 2000 Ha supplémentaires pour les fruits et légumes.

Ce sujet des prix nous rappelle aussi la fragilité des ménages réunionnais et devrait nous orienter vers la recherche du meilleur compromis sur notre modèle agricole pour viser la meilleure qualité possible tout en permettant des prix acceptables pour le consommateur.

D’ailleurs je pense que ce modèle Réunionnais basé sur la diversité continue à faire ses preuves, une diversité de productions sur les exploitations qui sécurise les revenus des agriculteurs tout en garantissant l’accès à des produits de qualité pour les consommateurs.

N’oublions pas que La Réunion est le DOM avec la plus grande part de production locale de frais avec un taux de couverture de 70%.

Une diversité de circuits de commercialisations qui vont de la vente directe ou du circuit court plébiscité par les ménages modestes à la grande distribution ou aux artisans et qui à l’avantage de créer de l’emploi sur une île qui en manque cruellement.

Pour conclure, je constate qu’en situation de crise beaucoup cèdent  à la division et expriment beaucoup de colère.

Pour avancer je préfère retenir les valeurs de solidarités qui font l’unité du peuple Réunionnais.

Si on est debout c’est que chacun a joué son rôle, et je remercie nos agriculteurs car depuis le début de la pandémie ils n’ont jamais cessé de se lever aux aurores pour que l’assiette des Réunionnais ne soit pas vide.

Bruno Robert

© Bruno Robert

© Bruno Robert

 

Président du syndicat des Jeunes Agriculteurs et 1er Vice-président de la chambre d’Agriculture de la Réunion.