Jeunesse ultramarine : Livio Laurent “Vivre en métropole est une expérience qui nous fait grandir et nous rapproche de notre île” EXCLU

Jeunesse ultramarine : Livio Laurent “Vivre en métropole est une expérience qui nous fait grandir et nous rapproche de notre île” EXCLU

Nombre d’étudiants ultramarins quittent leur île d’origine pour continuer leurs études en métropole. Un choix qui n’est pas toujours évident et un voyage qui s’organise. Livio Laurent fait partie de ceux-là. Pour Outremers 360, il revient sur ses études en Guadeloupe puis en métropole.

Livio Laurent, 29 ans, est Guadeloupéen, originaire du Gosier. Comme beaucoup d’Antillais, il a choisi de continuer et terminer ses études en métropole. “A partir du moment où on veut aller plus loin que le master, viser le doctorat et passer des agrégations, ça devient plus compliqué en Guadeloupe. C’est pour cela que j’ai choisi de venir à Montpellier”, explique-t-il. Diplômé d’un master Staps métiers de la formation et de l’enseignement de la faculté de Montpellier, mais aussi de l’Espe (Ecole supérieure du professorat et de l’éducation) en gestion et management de la vie scolaire, il vit à Montpellier depuis quatre ans. Sportif dans l’âme, il revient pour Outremers 360 sur son arrivée dans le sud de la France et sur ses démarches. Il précise d’ailleurs qu’il a choisi Montpellier, car “c’est la ville dont le climat se rapprochait le plus de celui de la Guadeloupe”.

Comment as-tu cherché la formation ?

J’ai fait des recherches via Internet d’abord mais j’ai également été conseillé par mes professeurs. Ce que je voulais faire n’est pas quelque chose de rare. C’est une formation que tu peux trouver partout en France. C’est seulement par rapport à la ville que j’ai dû faire des recherches et Montpellier s’est avérée être celle qui se rapprochait le plus de mon climat. Étant en Staps et amené à avoir beaucoup d’activités extérieures, je pense que si j’avais été à Paris pour faire de la course d’orientation en plein hiver, je n’aurais pas apprécié.

Était-ce difficile de s’inscrire à la fac de Montpellier ?

Quand j’ai voulu m’inscrire et prendre des informations sur les démarches que je devais effectuer pour pouvoir m’inscrire à la fac de Montpellier, j’ai eu quelques difficultés surtout à cause du décalage horaire. Pour avoir la fac, il fallait que je reste éveillé tard ou que je me lève tôt, ce qui est plus compliqué pour moi. Ensuite, on avait du mal à se comprendre sur mes objectifs, sur le secteur que je voulais suivre parce que les secteurs qu’il y a en licence ne sont pas les mêmes en master. Sur ce point, je n’étais pas très au courant. Et puis la formation [métiers de la formation et de l’enseignement en staps, ndlr] que je voulais suivre n’avait pas le même nom à Montpellier. J’ai donc dû attendre d’arriver sur place pour avoir des informations beaucoup plus précises.

Comment s’est déroulée la recherche d’appartement ?

Ça s’est passé relativement vite avec Internet. J’ai visité deux ou trois appartements à mon arrivée et puis j’ai pu choisir celui qui me plaisait le plus. Par rapport à certains particuliers qui proposaient leur appartement, il m’est arrivé quelques petites bricoles. J’ai une anecdote : dans le quartier de Celleneuve [un quartier de Montpellier, ndlr], il y avait un très bel appartement. J’avais les cautions nécessaires. Une fois sur place, la propriétaire a dit, en me voyant, que l’appartement n’était pas à louer. L’agence l’avait pourtant mis en ligne et l’agent immobilier s’est retrouvé en porte à faux. La propriétaire a alors maintenu que l’appartement n’était pas prêt. On peut supposer que c’était parce que je suis Antillais et noir. Elle n’avait pas confiance et avait envie d’une certaine catégorie de personne chez elle. J’essaie de me dire que c’est plutôt l’aspect jeune étudiant qu’il l’a freinée.

Comment s’est passée l’intégration à la fac ?

L’intégration s’est très bien passée. Bon après c’est vrai que dans la filière Staps, c’est peut être plus simple. Ce n’est pas comme en médecine où il y a une compétition. On s’est très bien entendus, entraidés et une vraie amitié s’est créée. Le climat était favorable. Montpellier est très bien desservi donc je n’avais aucun souci pour me rendre à la fac, ce qui est important.

Le 5 septembre dernier, le Ministère de l'Outre-mer a organisé le premier salon étudiant à destination des étudiants ultramarins (©campusoutremer)

Le 5 septembre dernier, le Ministère de l’Outre-mer a organisé le premier salon étudiant à destination des étudiants ultramarins

T’es-tu tourné vers des associations ou des organismes particuliers en arrivant ?

Je n’ai pas fait appel à une association particulière, je trouve qu’Internet fournit assez d’informations. Il n’y a aucun problème d’intégration d’un point de vue administratif. J’ai eu affaire à la LMDE par exemple, quand on s’inscrit à la fac, il nous accompagne pour les démarches. Pôle Emploi aussi pour tout ce qui concernait les Assedic. Administrativement, il y a une petite différence avec la Guadeloupe mais c’est culturel. Les parents accompagnent souvent, et de plus en plus loin les jeunes en Guadeloupe dans leurs démarches. Du coup, ils sont moins vite lâchés dans le bain et donc ils ont du mal à se lancer et à prendre les choses en main. Je ne sais pas si on peut dire “couve trop” mais il y a ce côté protecteur où ils accompagnent et où tout se fait en famille. Une fois que tu arrives en métropole, tu es livré à toi-même. Il y a forcément un temps d’adaptation. Les jeunes de métropole sont moins couvés. Ils ont des relations téléphoniques, s’ils ont besoin d’un soutien moral ou financier, cela se fait par téléphone. Il y a moins l’aspect “laisse, ton père ou ta mère va s’occuper de ça”. Il me semble que c’est un aspect très intéressant par rapport au développement de l’étudiant antillais quand il arrive en France.

Quelle comparaison peux-tu faire entre les fac de Guadeloupe et de Montpellier ?

Par rapport à la fac, il n’y a pas vraiment de différence à part peut être que les professeurs en France se prennent beaucoup plus au sérieux que ceux en Guadeloupe. J’explique mes propos : je ne dis pas que les enseignants de Guadeloupe viennent comme s’ils allaient à la plage, avec lunettes de soleil et bronzés, pas du tout, ce sont des professeurs très sérieux. C’est juste qu’on a l’impression qu’ils sont beaucoup plus proches de nous.  Malgré tout leur savoir, leur niveau et leurs diplômes, le nombre de bouquins qu’ils écrivent, ils restent proches de nous. J’ai toujours des contacts par mail avec des profs de Guadeloupe. Par exemple, pour mon master à Montpellier, j’ai dû écrire un mémoire. Les trois quarts ont été rédigés non pas avec mon tuteur sur Montpellier mais avec mes professeurs de Guadeloupe alors qu’ils ne me devaient rien.

Comment peux-tu expliquer cela ?

Je pense que c’est dû à la proximité. La fac de Guadeloupe est petite, on se croise souvent. Et l’attitude est vraiment différente. On le ressent en arrivant à Montpellier où les professeurs ne vous calculent pas. On a peut être une chance en groupe mais en amphi, on dirait qu’ils n’ont pas le temps. Ils sont beaucoup axés sur leur vie, leurs recherches, leur réputation plus que sur l’élève. C’est à l’étudiant de puiser ce qu’il a à puiser chez le professeur. En Guadeloupe, le professeur vient partager son savoir. C’est une critique de mon point de vue, je ne dis pas que c’est la vérité mais c’est comme cela que je l’ai ressenti.

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Ayant fait Staps, tu dois être très sportif. Quels sports pratiques-tu ?

En Guadeloupe, je faisais du karaté et du basket. Le sport dans lequel j’étais le plus investi, c’était le karaté et ce, depuis le primaire. Je regardais les films de Jackie Chan, les films d’arts martiaux avec mes parents, ça m’a donné envie. C’est d’ailleurs un sport que je ferais volontiers faire à mes enfants car il permet le contrôle de soi, il éduque et donne une certaine rigueur. C’est assez complet. J’ai démarré tranquillement, j’ai passé les grades, je suis allé jusqu’à la ceinture noire troisième dan. J’ai fait les championnats de France dans l’équipe de la Guadeloupe et puis je suis passé entraîneur. Avant de partir pour Montpellier, j’entraînais l’équipe de Guadeloupe. Puis j’ai dû, sur les conseils de mon prof de sport, choisir un sport collectif pour intégrer Staps. Mes deux parents m’ont toujours fait baigner dans le basket, ils jouaient tous les deux. Je me suis donc lancé et je suis tombé dedans à fond. A Montpellier, j’ai arrêté le karaté par rapport à la distance, j’avais du mal à trouver un club près de chez moi. Quand l’hiver arrivait, c’était compliqué de me déplacer donc j’ai arrêté. Je me suis complètement investi dans le basket et j’ai fait plusieurs clubs. On m’a également confié une équipe de filles séniors. Ca fait donc quatre ans que je coache une équipe.

En tant qu’étudiant, que penses-tu du développement de la culture à Montpellier ?

J’ai vu pas mal d’événements culturels à Montpellier. La métropole, de mon point de vue, je ne sais pas s’il y a qu’une seule culture. Pour moi, c’est un melting pot. Chacun vit son truc au sein de la métropole. C’est un aspect que je trouve très intéressant d’ailleurs, ce n’est pas sectaire. Arrivé en France, je me suis un peu fermé. En Guadeloupe, j’étais très attaché à la culture, le gwo ka, le quadrille, la biguine, connaître l’histoire de mon île. Mais par exemple, je n’ai pas cherché à connaître l’histoire de Montpellier, ce qui fait que la ville est ce qu’elle est, et où elle va ne m’intéresse pas. C’est clairement moi qui y perds mais j’estime que je connais encore tellement peu mon île que je ne peux pas m’attarder à connaître autre chose pour l’instant. C’est un manque d’intérêt de ma part car je ne me sens pas attaché culturellement à Montpellier. Après par rapport à ce que j’y ai vécu ces quatre dernières années, Montpellier est une partie de ma vie.

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui veulent étudier en métropole ?

Si j’ai un conseil à donner, ce serait de garder la tête sur les épaules, de savoir ce qu’ils viennent faire en métropole clairement, d’avoir un départ et d’avoir une arrivée. Quand on arrive en métropole, tout est possible en soi. Toutes les déviances mais également toutes les réussites sont possibles. C’est plus ouvert au niveau déplacement, organisation, administratif etc mais derrière il y a des choses auxquelles on ne s’attend pas. Il faut toujours garder les conseils de la famille et des amis en tête, ne pas se croire plus grand parce qu’on arrive dans un ville seul et qu’on a son appartement, et savoir d’où on part et où on va. Il y a moyen de s’y perdre mais c’est une expérience qui fait grandir et qui nous rapproche aussi de notre île. Quand, comme moi, on a vécu 25 ans sur un île, on a tendance à ne plus s’émerveiller et à ne plus porter attention aux choses essentielles que l’île apporte. Mais en étant loin, cela nous manque et on se rend compte de l’importance de ces choses.