Covid-19 : La Polynésie se prépare à un pic épidémique entre décembre et janvier

Covid-19 : La Polynésie se prépare à un pic épidémique entre décembre et janvier

©Présidence de la Polynésie

Vendredi 18 septembre, le ministre de la Santé en Polynésie, Jacques Raynal, s’est efforcé de refaire le point sur la stratégie sanitaire de la Collectivité d’Outre-mer. Enquêtes et tests plus ciblés, isolement plus court, citoyens « responsabilisés » … Les autorités se préparent en fait à une gestion de l’épidémie de Covid-19 sur le long terme. Le point avec notre partenaire Radio 1 Tahiti

241 « cas actifs », et 25 hospitalisations

Avec 318 confirmés en 7 jours, dont 47 dans les dernières 24 heures, les chiffres de l’épidémie – 1 209 cas depuis le 15 juillet – continuent de gonfler au fenua. Surtout, le CPHF a connu de nouvelles arrivées, faisant monter à 25 le nombre de personnes hospitalisées, dont 5 en réanimation. Des chiffres qui montrent que, loin d’être stoppé, le coronavirus se propage en Polynésie. Y compris dans certaines îles : 1 cas a été confirmé et isolé à Raiatea et un autre à Tubuai, dans l’archipel des Australes.

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Mais comme l’a pointé le ministre de la Santé, le nombre de « cas actifs », donc en isolement, n’est que de 241 personnes ce vendredi. C’est que la définition même de ces cas actifs a évolué, au niveau national comme en Polynésie : les personnes testées positives sont considérées comme « guéries » après 7 jours sans symptômes, contre 10 jours auparavant. « On estime qu’après cette période, la charge virale a suffisamment baissé pour que la personne ne soit plus contaminante », précise Jacques Raynal.

Les déplacements vers les îles « à éviter »

Sans surprise, le ministre a de nouveau insisté sur les gestes barrières. « Nous devons les appliquer plus que jamais, de manière scrupuleuse », explique-t-il, parlant de mobilisation générale. « Les interactions sociales doivent être réduites dans la mesure du possible avec les amis, les collègues, les oncles, les tantes ou les cousins… ». Ces recommandations s’appliquent dont aux regroupements festifs, de voisinage ou de famille, mais aussi aux voyages.

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Les autorités recommandent désormais d’éviter les déplacements non indispensables entre les îles du Vent (dont Tahiti), principal foyer de l’épidémie, et les autres archipels. Sont notamment visés les « déplacements groupés » – cela avait été le cas lors d’un enterrement ces derniers jours, aboutissant à des contaminations. Alors que le Pays a beaucoup communiqué, entre juin et août, sur la reprise du tourisme intérieur, il est désormais conseillé, à moins de « rester dans un périmètre restreint », de repousser son séjour dans les îles à plus tard.

Jacques Raynal a aussi parlé de « mobilisation communautaire », qui consisterait à s’adresser à des « leader communautaires » – dans un quartier ou une congrégation – pour promouvoir les gestes barrières.

« Pas de changement de cap » mais un ajustement de la stratégie sanitaire

Le ministre a aussi présenté des adaptations de la stratégie sanitaire du gouvernement. « On ne change pas de cap », insiste-t-il. « On adapte juste l’allure ». Pour économiser les moyens matériels et humains, le bureau de veille sanitaire va concentrer son action sur des « clusters à risque ». Les enquêtes sanitaires compteront aussi en partie, sur la « responsabilité » de chacun : le BVS demandera aux cas positifs de prévenir eux-mêmes les personnes avec qui ils ont été en contact. Ces personnes, dont les noms et numéros seront tout de même transmis aux autorités par précaution, devront appeler le 40 455 500, pour recevoir des instructions en fonction de la date de contact et d’éventuels symptômes.

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« Jusqu’à présent on faisait l’inverse, mais on passait notre temps à pister des gens qui ne savaient pas quel type de contact ils avaient eu avec une personne », explique Jacques Raynal. « Mais celui qui est positif est le mieux à même de savoir avec qui il a été dans les 48 heures ». Les professionnels de santé libéraux seront eux aussi davantage sollicités : « Ils pourront être amenés à soigner leurs patients en effectuant des visites à domicile, soit pour la poursuite des soins habituels, soit pour la surveillance sanitaire liée au Covid ». Normalement dotés d’équipements de protection individuels par le Pays, ils seront aussi à même, désormais, de prescrire des tests de dépistage aux personnes présentant des symptômes inquiétants.

La Polynésie se trouve depuis plusieurs semaines en niveau 3 d’alerte épidémique. Le niveau 4, qui implique des restrictions de circulation beaucoup plus fortes et qui pèseraient sur l’activité économique « n’est pas juste là » rappelait récemment Édouard Fritch.

Beaucoup de cas et beaucoup de malades prévus entre octobre et février

Le Dr Henri-Pierre Mallet, épidémiologiste, a présenté une courbe de « ce à quoi pourrait ressembler l’épidémie dans les prochains mois ». La prévision étant « un exercice périlleux » dans le contexte actuel, les chiffres avancés sur le graphique doivent être pris avec des pincettes, explique-t-il. Mais le spécialiste estime tout de même qu’il est probable, vu l’évolution de l’épidémie dans d’autres zones, que la Polynésie connaisse une accélération de la propagation dans les prochains mois. Le ralentissement ne se ferait qu’à partir de janvier prochain.

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« On aura des cas, on aura des malades », insiste-t-il, « l’idée étant de rester en dessous de notre capacité de prise en charge hospitalière ». La courbe qu’il a présentée fait passer le nombre d’hospitalisations, si ce n’est celui des réanimations, au-dessus de ce seuil pendant une brève période. Pourtant il estime que cette probable hausse – « d’autres scénarios sont possibles », explique-t-il – doit être envisagée « sereinement », du fait du degré de préparation du Pays.

Radio 1 Tahiti.