Mangrove de la baie de Génipa (L. JUHEL)
Face à l’impact humain et les aléas naturels sur ces milieux naturels, les mangroves sont de plus en plus fragilisées. C’est le cas de la mangrove de la baie de Fort-de-France qui subit des dégradations plurielles. Quelles solutions pour ralentir les effets de cette dégradation? Une expertise de Pascal Saffache, Professeur des Universités en Aménagement, et de Jihane Sicou, titulaire d’un master de géographie de l’UQAM.
Le 14 mars 2017 a été inaugurée la « Maison de la mangrove » aux Trois-Ilets (Martinique) ; il s’agit d’une structure ayant pour objectif de valoriser et de préserver les milieux humides et particulièrement les mangroves.
Écosystèmes aux caractéristiques particulières et véritables niches écologiques, les mangroves de la Martinique sont fragilisées par les aléas naturels et l’anthropisation. Si aujourd’hui les acteurs locaux et la population souhaitent préserver la biodiversité, c’est le fruit d’un long et lent travail de conscientisation. Bien que cette prise de conscience soit salutaire, ce patrimoine naturel et culturel est en danger, aussi convient-il d’appréhender les actions de conservation potentielle.
La mangrove de la baie de Fort-de-France en quelques éléments clés
Emblématique pour ses racines en arceaux, la mangrove est une forêt littorale qui a pour fonction de protéger les zones côtières, de faciliter la reproduction des espèces (en créant les conditions favorables à l’installation de véritables nurseries) et de produire des ressources susceptibles d’assurer la survie de toutes les espèces qui y vivent. Couvrant une superficie de 1200 hectares environ, la mangrove de la baie de Fort-de-France représente 65 % des mangroves martiniquaises. Il est possible de la scinder en trois zones, suivant les activités anthropiques qui s’y développent (figure 1) :
– la zone du cohé au Lamentin (1) est le siège des activités portuaires et nautiques ;
– la zone centrale (2), concentre les activités aéroportuaires et industrielles;
– la baie de Genipa (3) accueille prioritairement les activités touristiques et/ou ludiques.
Depuis plusieurs décennies, la mangrove de la baie de Fort-de-France subit des dégradations plurielles : pollutions, prélèvements sélectifs, entassement d’encombrants … destructions diverses.
La dégradation de cet écosystème a commencé par la suppression de la zone marécageuse du nouveau chef-lieu, Fort-de-France 1 , juste après l’éruption de la montagne Pelée (8 mai 1902). La ville de Fort-de-France a en effet été bâtie sur une partie de la mangrove qui enserrait jusqu’alors la baie de Fort-de-France. Puis, par effet aréolaire, de vastes surfaces furent grignotées au profit d’un port, d’un aéroport, de surfaces commerciales, de routes, d’une autoroute, etc. Les fonctions urbaines de Fort-de-France prirent progressivement le pas sur l’écosystème naturel qui années après années se replia. Aujourd’hui, la mangrove de la baie de Fort-de-France n’est qu’un écosystème relictuel, appauvri par des décennies d’anthropisation.
Si l’homme est responsable de la dégradation de la mangrove, les aléas naturels y sont aussi pour beaucoup. En effet, le positionnement géographique de la Martinique expose l’île à des phénomènes météorologiques paroxysmiques (tempêtes tropicales et ouragans) dont les effets directs (vents violents) et indirects (marées de tempête et sursalure) sont extrêmement nocifs pour les mangroves. L’exemple du cyclone Dean (2007) est très parlant : 50 % de la surface couverte par la mangrove – dans la Baie de Fort-de-France – a été impactée (palétuviers brisés, déracinés, ou brûlés par le sel, apparition d’étangs bois secs quelques mois après, etc.).
Quelles sont les conséquences de tout cela ?
Bien évidemment, la dégradation des mangroves à un fort impact environnemental. Les dommages causés aux palétuviers augmentent le risque d’érosion, par exemple. De plus, réunissant des milliers d’espèces (particulièrement faunistiques), l’habitat de ces dernières est menacé, et c’est une partie du patrimoine naturel qui est ainsi mise en danger. C’est aussi une partie du patrimoine culturel et économique qui l’est, car lorsque que l’habitat des crabes est affecté, c’est toute la filière de la pêche aux crabes (durant les vacances de Pâques) qui est impactée. Rappelons que d’après une étude publiée en 1986, 60 % des poissons pêchés dans le Golfe du Mexique naissent dans les mangroves antillaises. Il n’est même pas nécessaire ici d’évoquer l’impact paysager de la dégradation des mangroves, et encore moins son impact touristique…
Existe-t-il des solutions ?
Si les aléas climatiques demeurent incontrôlables, le développement d’une conscience écologique semble un des biais susceptible d’aider à la protection du milieu. Ce travail de conscientisation devrait d’abord être initié chez les plus jeunes, car ils représentent l’avenir. Une autre solution serait de créer des espaces protégés pour : sauvegarder les espèces, réglementer l’activité humaine et effectuer un véritable suivi écologique. C’est l’objet de la réserve naturelle de la baie de Genipa qui tarde à voir le jour.
Peu connues et appréciées, les mangroves sont aujourd’hui confrontées à un problème de taille, celui d’une dégradation rapide. Bien que ces forêts littorales disposent d’une importante capacité de reconstitution naturelle, il semble important de soutenir ce processus par la mise en place de procédures adaptées. Ainsi, l’outil législatif associé à une politique de suppression des facteurs de pollution et la mise en place de parcs intégrant à la fois protection et divertissements, semblent répondre à l’objectif final qui est de protéger le milieu naturel tout en le valorisant.