Dans une tribune adressée en exclusivité à la rédaction d’Outremers360, Éric Leung, président de la CPME Réunion, présente le « contrat Boussole », « pour favoriser l’inclusion des Réunionnais les plus éloignés de l’emploi ». « L’avantage principal du contrat de professionnalisation Boussole est d’offrir un véritable sas d’intégration à la vie active, pour un public dit « éloigné de l’emploi » et en difficulté ».
Nous offrons à la France et à l’Europe un ancrage océanique sur toute la planète, avec 2,7 millions de personnes (4 % de la Nation française) vivant dans la France Océanique. Notre dynamisme économique est réel alors que notre population particulièrement jeune nous expose à des taux de chômage et de précarité élevés avec de profondes inégalités, plus importantes que dans l’hexagone.
L’emploi représente, sans surprise, une question sociale prioritaire pour nous ultramarins confrontés à ce « chômage structurel de masse » depuis de nombreuses décennies. Certes le taux de chômage a baissé dans les 4 DOM historiques entre 2014 et 2018. Mais dans le même temps, faute de dispositifs de formation ou d’offres d’emplois adaptés, les personnes plus diplômées partent souvent étudier ou travailler dans l’hexagone dans une fuite des cerveaux mortifère pour nos territoires.
Construire un futur désirable pour les territoires de la France océanique
La Réunion, et la France Océanique en général, font aujourd’hui face à l’impérieuse nécessité de se doter d’un nouveau projet de société qui valorise nos richesses. Nous pensons en effet que la France est riche de ses Outre-mer. Nos territoires ne sont pas une « marge de la République », ni un confetti de l’Empire », ou même une demi-République. Nous sommes LA République, partie intégrante et constitutive de la communauté nationale.
Et parce que les choix de nos aînés ont été générateurs de croissance et de progrès pour nos territoires, il nous appartient d’innover pour trouver de nouveaux relais de croissance et de développement. Il nous faut refaire Nation et par ailleurs pérenniser certaines mesures spécifiques aux outre-mer telles que la LODEOM ou l’octroi de mer, dans le cadre du droit européen qui reconnaît les spécificités des Régions ultrapériphériques (RUP).
Notre ambition est de construire un futur désirable pour cette France océanique afin de répondre aux enjeux de développement de nos sociétés. Il s’agit d’une part d’assurer la transition vers un nouveau modèle de développement sociétal plus durable, plus équitable et adapté aux enjeux des changements climatiques. Nous souhaitons aussi contribuer à une meilleure inclusion des plus fragiles et nourrir la solidarité intergénérationnelle. Nous allons, enfin replacer l’entreprise comme moteur du développement sociétal.
Sur ce dernier point, il est toujours utile de rappeler que le tissu économique de la France est constitué à 99 % de TPE-PME. Ces entreprises représentent l’essentiel de l’emploi salarié et c’est la part la plus porteuse de promesses de créations d’emplois. A La Réunion, ces entreprises dynamiques s’engagent aujourd’hui dans le cadre d’un CAP – Contrat pour un avenir partagé à mobiliser leur énergie pour accompagner la mutation de nos sociétés.
Accompagner les besoins de recrutement des entreprises
En cohérence avec les objectifs du Livre Bleu, le Gouvernement a défini une stratégie pour les outre-mer autour de cinq objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Cette « Trajectoire outre-mer 5.0 » pose ainsi l’objectif « Zéro Exclusion » pour des sociétés inclusives et luttant contre toutes formes de discrimination et d’inégalité.
C’est le sens de notre engagement à recruter le plus grand nombre possible de personnes dans nos entreprises. Pour 2019, un tiers des entreprises réunionnaises ont l’intention de recruter soit 7400 employeurs potentiels pour un total de 31700 recrutements (3% de plus qu’en 2018). Les services couvrent 68% des besoins dans l’action sociale, les activités associatives, l’administration publique et l’enseignement.
On constate toutefois trop souvent qu’une embauche sur trois est jugée difficile à recruter, particulièrement dans l’hôtellerie, la restauration, la construction, l’industrie et la sécurité. Une des raisons est l’inadaptation comportementale de certains demandeurs d’emploi qui ont une culture d’entreprise limitée voire inexistante. Pourtant, 60 % des employeurs jugent les soft skills bien plus importantes que les compétences techniques des candidats. Les principales compétences attendues : s’exprimer oralement de façon claire, savoir argumenter oralement ou débattre et enfin savoir lire et comprendre une notice ou un document. Si certains en doutaient encore, il est évident que nos entreprises ont besoin de compétences comportementales autant que professionnelles.
Une Boussole pour l’inclusion
La CPME Réunion s’engage avec l’AGEFOS-PME pour favoriser l’inclusion des Réunionnais les plus éloignés de l’emploi avec le contrat Boussole. Nous pensons en effet que l’orientation et la qualité de la formation professionnelle sont deux points clés pour rapprocher la demande et l’offre en matière d’emploi.
Boussole est un contrat de professionnalisation expérimental, d’une durée de 6 mois, introduit par la loi Avenir Professionnel du 5 septembre 2018. L’expérimentation sur ce contrat de professionnalisation est entrée en vigueur depuis le 28 décembre 2018, pour une durée de 3 ans. Le dispositif Boussole autorise une formation non-certifiante, non qualifiante mais liée à des compétences recherchées pour le poste à pourvoir. L’avantage principal du contrat de professionnalisation Boussole est d’offrir un véritable sas d’intégration à la vie active, pour un public dit « éloigné de l’emploi » et en difficulté. Outre une insertion en entreprise, il repose sur une formation aux Savoir-être et Savoir-vivre Professionnels.
A la CPME nous partageons l’idée qu’il est urgent de passer d’une logique d’insertion à une logique d’inclusion qui, elle, implique une responsabilité collective. Nous souscrivons à la philosophie du Pacte national d’ambition pour l’insertion par l’activité économique qui passe d’une logique de dépenses publiques à une logique d’investissement social. Ainsi, les moyens alloués à l’inclusion ne seront plus perçus comme un « coût » pour la société mais un investissement efficace de long terme. Investir aujourd’hui pour faciliter le retour à l’emploi, c’est réduire demain le chômage de longue durée et les dépenses directes et indirectes liées. C’est aussi se donner de nouveaux clients pour les biens et services que nos entreprises produisent.
Et parce que nous sommes convaincus de la pertinence de notre expérimentation, nous souhaitons encourager l’ensemble des outre-mer à nous rejoindre dans cette voie de l’inclusion par l’activité économique. En suivant l’exemple de la Stratégie du Bon Achat (SBA), où nous faisons cause commune avec la Nouvelle-Calédonie, et bientôt peut-être avec le reste de la France Océanique. C’est notre façon de refaire Nation et de nous conforter dans un syndicalisme de projets et de proximité et non d’appareil.
Eric LEUNG, Président de la CPME Réunion