Tourisme en Outre-mer : Dans un contexte mondial morose, la Polynésie française tire son épingle du jeu

Tourisme en Outre-mer : Dans un contexte mondial morose, la Polynésie française tire son épingle du jeu

Près de trois mois après la réouverture des frontières et la reprise de la desserte commerciale depuis et vers la Polynésie française, la ministre du Tourisme de la Collectivité, Nicole Bouteau, est en mission à Paris pour rassurer et mobiliser les prestataires desservant la destination, mais aussi leur dérouler sa stratégie du tourisme à court et moyen termes.

En 2020, la Polynésie enregistre 45% de sa fréquentation de 2019, qui fut une année grand cru pour la Collectivité du Pacifique qui avait alors profité d’un contexte touristique mondial à la hausse avant d’être brutalement freiné par la crise sanitaire. « 2020 devait être une année encore plus exceptionnelle que 2019 », explique la ministre du Tourisme, venue à Paris avec le président de la Polynésie pour, entre autres, rencontrer les prestataires qui desservent et commercialisent la destination : agences de voyages, tours opérateurs, compagnies aériennes.

À quasiment trois mois après la reprise des vols commerciaux sur Los Angeles et Paris, « le bilan est positif » assure Nicole Bouteau, « nous avons réussi en partie à sauver la haute saison ». Un bilan d’autant plus satisfaisant que seuls deux marchés, France et États-Unis, sont à la portée de la Polynésie, tous les autres demeurant fermés : Asie, Amérique du Sud, Pacifique. « L’ensemble de nos partenaires nous disent que nous sommes quasiment la seule destination en capacité d’être commercialisée, toutes les autres destinations balnéaires étant soit fermées, soit avec des conditions d’entrée non commercialisables » explique-t-elle.

Jean-Marc Mocellin, directeur de Tahiti Tourisme, Nicole Bouteau, ministre du Tourisme, Gaston Tong Sang, président de l'Assemblée locale et maire de Bora Bora, et Michel Monvoisin, PDG d'Air Tahiti Nui ©Outremers360

Jean-Marc Mocellin, directeur de Tahiti Tourisme, Nicole Bouteau, ministre du Tourisme, Gaston Tong Sang, président de l’Assemblée locale et maire de Bora Bora, et Michel Monvoisin, PDG d’Air Tahiti Nui ©Outremers360

Et pour cause, avec son dispositif sanitaire mêlant test avant embarquement, ESTA sanitaire, autotest quatre jours après l’arrivée et déploiement de brigades sanitaires, la Polynésie rassure. Et comparée à d’autres destinations concurrentes, on cite les Seychelles, la Collectivité d’Outre-mer montre une constance dans sa réglementation. En outre, selon Jean-Marc Mocellin, directeur de Tahiti Tourisme, la destination est « faite pour la situation actuelle », offrant une « distanciation naturelle » : des îles éloignées, des hôtels spacieux où l’on loge dans des bungalows équipés et une tendance plutôt au « slow tourism » en opposition au tourisme de masse. En somme, l’éloignement de la Polynésie est devenu un avantage et a fait de la destination un « refuge ».

Tahiti Tourisme va également lancé une plateforme de formation à destination de ses partenaires, qui viendra s’ajouter à une plateforme « où les tour-opérators peuvent savoir quel est l’état du tourisme en Polynésie : quel hôtel est ouvert ? quelle pension de famille fonctionne ? quelles sont les fréquences ? C’est une plateforme que nous mettons à jour en temps réel. C’est tout à fait exceptionnel et précurseur par rapport à toutes les autres destinations qui, au contraire, sont plutôt frileuses et restent très discrètes », souligne Jean-Marc Mocellin.

Pour maintenir le cap, Nicole Bouteau est également venue demander « le soutien d’Atout France », l’Agence de développement touristique à l’échelle nationale, « sur le plan markéting, sur le plan de la visibilité de la destination sur nos deux marchés principaux que sont les États-Unis et la France. Nous avons eu un accord et de nombreuses pistes d’accompagnement d’Atout France. Ensuite, on vient parler d’engineering financier avec l’État, les ministères concernés, les opérateurs financiers de l’État pour venir en soutien aux opérateurs touristiques qui pourraient être fragilisés en Polynésie, tant dans l’hôtellerie que dans l’aérien ».

« Aujourd’hui notre préoccupation, c’est la basse saison » qui arrive et qui affiche déjà un niveau de réservation bas, « pas au rendez-vous ». « Nous sommes venus (…) proposer à nos partenaires de mettre en place des campagnes tactiques jusqu’au mois de juin 2021, pour donner encore plus de visibilité à la destination ‘Tahiti et ses îles’ », explique Nicole Bouteau. Localement, la ministre et le directeur de Tahiti Tourisme vont réunir les hôteliers et les compagnies aériennes pour déployer des offres tarifaires et inciter à la commercialisation de la destination, tant sur la clientèle internationale que locale.

Bungalow d'une pension de famille en Polynésie ©Tahiti Tourisme

Bungalow d’une pension de famille en Polynésie ©Tahiti Tourisme

L’autre problématique, ce sont les tests PCR à réaliser 72h avant l’embarquement. Face à la saturation des labos, certains passagers se voient dans l’obligation de reporter leur vol : « un frein à la relance de l’activité » estime Jean-Marc Mocellin. Le gouvernement polynésien a été en partie rassurer ce mardi, lorsque le ministre de la Santé Olivier Véran a confirmé que le gouvernement Castex travaille à la mise en place de test à effectuer directement à l’aéroport, avant embarquement. Il ne s’agira pas de se soustraire au PCR 72h avant l’embarquement, qui restera obligatoire, mais de proposer une alternative dans le cas où celui-ci ferait défaut. « Ce dispositif nous convient », confie le PDG d’Air Tahiti Nui Michel Monvoisin.

Reste une dernière problématique : réassurer la population. La reprise des vols commerciaux et du tourisme a divisé l’opinion locale. « La décision de rouvrir la destination a été courageuse et vitale » insiste Nicole Bouteau. En effet, la Polynésie mise sur le tourisme comme porte-étendard de son économie. « Il fallait trouver un juste équilibre entre la protection sanitaire et la relance du moteur économique », poursuit-elle. Une relance qui aurait finalement eu un « impact positif sur l’ensemble du tissu économique ». La ministre du Tourisme n’en démord pas : « le dispositif sanitaire mis en place fonctionne ». Sur la vingtaine de cas importés détectés, un tiers étaient des touristes. Bien sûr, depuis le 15 juillet, le covid-19 s’est considérablement répandu en Polynésie. On compte aujourd’hui 450 cas actifs mais 1 769 personnes contaminées et sorties d’isolement depuis la reprise du tourisme, et 9 décès.

Pour le long terme, « nous tirons les leçons de cette crise sanitaire » confie Nicole Bouteau. « Il se trouve que 2020 est également l’année d’élaboration de la future feuille de route du tourisme polynésien et nous sommes venus en parler avec nos partenaires, pour avoir leurs regards, leur sens critique, leurs expertises par rapport à la destination », poursuit-elle. « Ils peuvent nous aider à bâtir un tourisme encore plus inclusif qu’il ne l’était, un tourisme encore plus durable, avec toujours au cœur de notre stratégie de développement : notre patrimoine humain et l’authenticité de notre destination. On reste sur ce triptyque patrimoine humain, patrimoine culturel et patrimoine naturel d’une destination refuge » conclut-elle.