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« Plutôt de dépenser l’argent public pour financer le surcoût du fret, je préfère mettre de l’argent public à la structuration des filières locales comme le lait, les oeufs…» avait lancé Emmanuel Macron lors du Grand Débat national le 1er février dernier. Dans les faits, que représentent ces filières dans l’agriculture en Outre-mer ? A l’occasion du Salon international de l’Agriculture, Outremers 360 vous propose un état des lieux de ce secteur.
L’agriculture en outre-mer se structure autour de deux filières traditionnelles exportatrices : la filière canne-sucre-rhum et la filière banane. Filières historiques dans les départements ultramarins, elles sont dotées d’une forte valeur culturelle et d’une haute technicité acquise après de nombreuses années de recherche-développement.
A titre d’exemple, la filière de la canne occupe plus de 40 000 hectares, tous DROM confondus, soit plus du tiers de la surface agricole utile (SAU). La Réunion et la Guadeloupe concentrent l’essentiel des surfaces. On observe toutefois une régression des surfaces en canne depuis plusieurs années sous la pression de l’étalement urbain. Quant à la banane aux Antilles, le secteur est le premier employeur privé des Antilles françaises avec 56% des salariés agricoles en Guadeloupe et 77% en Martinique.
Néanmoins, ce sont des filières d’exportation qui se retrouvent en forte concurrence directe sur le marché international avec des produits issus de pays tiers aux coûts de production nettement moins élevés. En effet, l’Union européenne a conclu des accords de libre-échange avec des pays tiers producteurs de banane (notamment l’Équateur), ce qui expose la filière française. Les tarifs douaniers applicables à la banane dollar (hors ACP) diminuent depuis la signature de l’accord de Genève avec les pays d’Amérique latine, passant de 176 €/tonne en 2009 à 114 €/t en 2017. Dans le cadre des négociations commerciales bilatérales, comme celle entamée avec le Mercosur, l’UE abaisse encore ce droit pour atteindre un plancher de 75 €/t.
Les filières de diversification encore à la peine
Hormis La Réunion, les filières de diversification peinent à se développer et les taux d’autosuffisance alimentaire ont encore des marges de progression importantes. Pourtant selon l’ODEADOM (Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer), les filières végétales se caractérisent par une grande diversité de produits et de systèmes de production. Les cultures légumières (légumes frais, secs et tubercules) sont prédominantes tant en surface qu’en nombre d’exploitations avec environ 21 000 ha en production sur l’ensemble des DROM, suivi des cultures fruitières qui représentent près de 13 000 ha (hors banane). Viennent ensuite les productions florales (500 ha) et les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (estimées à plus de 900 ha), peu quantifiables du fait de l’activité importante de cueillette, à l’exception de Mayotte et de La Réunion qui soutiennent trois productions patrimoniales : la vanille, le géranium et l’Ylang-ylang. Si on inclut les jardins et vergers familiaux et les surfaces dédiées à la production de riz, les cultures végétales de diversification mobilisent une surface totale de près de 50 000 ha, soit 30 % de la SAU totale ultramarine, devant la canne à sucre et la banane.
En termes économiques, les productions végétales de diversification représentent 55 % de la production totale de biens agricoles, contre 23 % pour les grandes cultures (bananes et canne à sucre) et 22 % pour les productions animales. C’est donc un pilier majeur de la production agricole ultramarine.
Autre secteur de diversification de l’agriculture ultramarine, la production animale. Cette dernière est fortement dépendante de l’approvisionnement en céréales importées, denrées que les départements et régions d’Outre-mer ne produisent pas. Cependant, « le niveau d’approvisionnement des DOM à partir de la production locale est plus important pour les œufs et les viandes fraîches bovines et porcines ; il est plus faible pour le lait et les volailles de chair, à l’exception du département de La Réunion où ces productions sont bien développées » souligne l’ODEADOM. À Mayotte, l’élevage est conduit selon des modes traditionnels tandis qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, il s’agit d’une activité économique récente. La filière élevage est notamment confrontée à un certain nombre d’handicaps comme l’incidences négatives du climat tropical sur les performances d’élevage (températures et taux d’humidité élevés une grande partie de l’année), l’existence de pathologies particulières (exemple : tique sénégalaise aux Antilles, vecteur de transmission d’hémoparasitoses – piroplasmoses, cowdrioses – et de dermatophiloses) sans oublier les handicaps liés à l’insularité et à l’isolement (prix des intrants), qui ont pour conséquence des coûts de production élevés et un manque de compétitivité vis-à-vis des produits importés.
Le développement des filières de diversification constitue donc un enjeu à la fois politique et économique important qui nécessite entre autres la poursuite de la structuration de la profession et la mise en place de structures d’appui technique. Le niveau de technicité dans ces filières étant encore loin d’atteindre celui des filières banane et canne.