Permettre une alternative au tourisme balnéaire, renforcer les revenus des paysans et enrichir l’offre de produits pour les touristes comme pour les ultramarins: le développement de l’agritourisme présente une piste de développement supplémentaire dans les territoires d’outre-mer, à condition d’être correctement accompagné.
« Quand un touriste fait le choix d’aller chez un agriculteur, il veut partager son quotidien, consommer ce qu’il produit. Nous avons les atouts en gastronomie, on sait accueillir, on est au top », assure Véronique Charabie, membre du réseau bienvenue à la ferme en Guadeloupe, lors d’une conférence pour promouvoir ce que l’on appelle aussi « agrotourisme » au salon de l’Agriculture à Paris.
Jusqu’ici, il y avait avant tout un « tourisme balnéaire » mais « les départements d’outre-mer sont les seuls territoires européens en zone tropicale, avec leur biodiversité, les sites inscrits au patrimoine de l’humanité, cela permet de mettre en valeur des produits originaux: le rhum aux Antilles, les plantes aromatiques et médicinalesou encore la canne à la Réunion », souligne Emmanuel Berthier directeur général des Outre-Mer.
La coopérative réunionnaise Provanille a ainsi créé un parcours pédagogique pour présenter la culture de la vanille. Dans un petit sous-bois avec des lianes, « les touristes peuvent toucher les gousses, ensuite ils voient la transformation, ils
peuvent sentir, à l’occasion de la floraison ils peuvent féconder la fleur de vanille naturellement », raconte son président Willy Boyer.
Sur ce site qui reçoit 30.000 touristes chaque année, « on vend un produit agricole mais aussi l’histoire et notre passion pour la Réunion », ajoute-t-il.
Le président du comité de défense du rhum en Martinique, Charles Larcher, explique, lui, son projet de développement collectif du spiritourisme: « on n’a pas de différences sur les plages par rapport aux autres territoires de la Caraïbe, alors l’idée c’est de rendre notre territoire plus attractif et donner une alternative au tourisme balnéaire ».
Pour Babette De Rozières, animatrice culinaire originaire de Guadeloupe et conseillère régionale d’Ile de France, « les touristes sont privés de beaucoup de choses car ils ne voient que l’aspect aseptisé, ils ne connaissent pas l’arrière-pays. De plus, les touristes ont envie de manger local et souvent, dans les hôtels ou les restaurants sur place, nous sommes en manque de produits locaux ».
Or, « l’augmentation du taux d’autosuffisance de chaque territoire peut-être soutenue par des démarches d’agritourisme intelligente qui permettent d’apporter à l’exploitation une ressource supplémentaire », assure M. Berthier.
« Volonté de partager »
Mais « pour faire de l’agritourisme, il faut une forte volonté de partage des exploitants agricoles. Il faut aussi qu’ils soient correctement accompagnés pour construire leur offre. Si jamais ils vont jusqu’au bout, ils vont être confrontés à des touristes étrangers qui ne parlent pas forcément français, il faut donc prévoir des formations », ajoute-t-il.
« C’est plus compliqué de recevoir du parisien que d’élever du cochon, tous les agriculteurs ne sont pas prêts », souligne sur le mode de la plaisanterie Olivier Junot, de la direction générale de l’Outre-Mer. D’un point de vue pratique, « l’agritourisme demande des infrastructures, mais pas celles qui ont été développées pour le tourisme de masse », estime Yves Brossard,directeur général de Primeahôtels. Pour lui, le retard économique et touristique de Grande-Terre, l’île du Nord de la Guadeloupe, « va devenir son atout » pour se convertir à l’agritourisme. Et il a pour cela des propositions concrètes. « Le lien fondamental entre l’agriculture et le tourisme c’est la mobilité douce »: M. Brossard préconise la construction d’un réseau de 200 à 250 kilomètres de pistes cyclables. Il prévoit également de sanctuariser le patrimoine foncier, pour empêcher un développement anarchiques des constructions, tout en permettant aux agriculteurs de proposer des hébergements. Pour cela, il faudra selon lui « une planification et un changement des plans locaux d’urbanisme (PLU) ». « Si vous n’offrez pas d’hébergements dans les structures agricoles, vous allez laisser le champ libre aux acteurs du tourisme de masse. Mais on peut aussi penser à des solutions plus légères: le développement d’un habitat léger de loisir type camping », propose-t-il.
Avec AFP