Post-Covid-19 : «Il faut « panser » le présent et repenser l’avenir», dit Paul Néaoutyine, président de la Province nord en Nouvelle-Calédonie

Post-Covid-19 : «Il faut « panser » le présent et repenser l’avenir», dit Paul Néaoutyine, président de la Province nord en Nouvelle-Calédonie

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Dans la publication mensuelle de la Province nord Le pays, Paul Néaoutyine, le président de la Province nord, s’exprime ce mois-ci sur la gestion de la crise sanitaire mais aussi partage son regard sur l’avenir économique et sociétal de la Nouvelle-Calédonie.

Comparée au reste du monde, la Nouvelle-Calédonie a été plutôt épargnée par la crise sanitaire. Avec seulement 20 personnes touchées par le coronavirus, et un mois de confinement de la population (du 23 mars au 20 avril dernier), l’archipel est à l’heure du bilan.

Interviewé par la rédaction du magazine mensuel calédonien Le Pays, Paul Néaoutyine rappelle sa posture durant la crise, privilégiant « la cohésion et l’unité entre institutions face à la menace commune : celle du Covid-19 ». Le bilan de gestion de la crise par la Province est selon lui « positif », notamment avec un contact étroit avec la cellule de crise du Gouvernement et les acteurs mobilisés tant dans le domaine médical, associatif ou administratif. Selon lui, la crise révèle que « nous sommes capables de gérer notre propre pays ». La décision prise par le Gouvernement local de fermer les frontières dès le premier cas de contamination en Hexagone a été soutenue par la Province nord. Paul Néaoutyine souligne ensuite ses prises de position fermes telles que sa demande du respect strict des protocoles sanitaires lors des rapatriements des résidents mais aussi sa reprise scolaire différée par rapport aux autres Provinces.

Concernant le dispositif financier et économique mis en place par l’Etat en direction de la Nouvelle-Calédonie durant la crise, Paul Néaoutyine estime qu’il ne s’agit pas d’un « cadeau ». « Il consiste à refinancer les banques via l’IEOM afin qu’elles puissent consentir des prêts aux entreprises dans le besoin, prêts que ces entreprises devront rembourser« , rappelle-t-il.
Le Fonds de solidarité en mars et avril devait être abondé par les Provinces, ce que Paul Néaoutyine juge « normal », comme un « donnant-donnant », avant de rappeler que la Province nord a injecté 14 millions de francs pacifique, soit 116 000 euros. Pour lui, la crise aurait néanmoins pu être gérée sans intervention de la France. « Quand notre pays sera indépendant, en quoi serait-il empêcher d’emprunter, lui aussi à l’international, auprès d’une banque française ou d’autre pays pour faire face à une situation de crise ? »

Alors que le PIB a chuté de 3,6% durant le confinement (source CEROM – comptes économiques pour l’Outre-mer), le président de la Province nord relève l’importance du tissu économique local. Il entend en favoriser ses acteurs, notamment ceux de l’industrie de transformation ou des nouvelles technologies afin « d’optimiser localement la valeur ajoutée sur nos produits et de réduire notre dépendance des importations et de l’économie de comptoir…C’est dans ce cas que je continue de préconiser la maîtrise de nos ressources naturelles, minières et biogénétiques ainsi que leur valorisation dans des joint-ventures à majorité publique calédonienne ou au travers de conventions adossés au protocole de Nagoya », martèle-t-il.

Relancé sur la thèse d’une possible relation de dépendance avec la Chine en cas d’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, Paul Néaoutyine rappelle que seul le nickel les intéresse. « Et c’est pour­quoi j’ai eu à négocier avec des auto­rités chinoises en vue de MOU (Memorendum Of Understan­ding) et de pactes d’actionnaires permettant des « joint-ventures » à majorité publique calédo­nienne pour la transformation de minerais de « petites teneurs en nickel » et qui jusqu’il y a peu n’étaient valori­sés que par QNI en Australie… ». La Province nord n’a pas été soutenue par les deux autres provinces et le gouvernement dans son opposition à l’exportation de 4 millions de tonnes de minerai de nickel brut par an, notamment vers la Chine.

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Paul Néaoutyine regrette « le lobbying concerné (qui, ndlr) vient de récidiver, puisqu’un avant-projet de Loi de Pays est passé par le Gouvernement collégial (…) pour modifier le code minier calédonien et autoriser la SLN et Vale Nouvelle-Calédonie à aussi exporter du minerai à partir de leurs réserves métallurgiques pourtant dédiées exclusivement à la transformation locale ! » Il se dit fermement opposé au « bradage des ressources minérales nickel du pays sans aucune perspective de pérennisation confirmée de ces deux complexes métallurgiques en Nouvelle-Calédonie ».

Pour le président de l’institution provinciale, « la folie serait de persister dans ce système qu’il faut bien nommer par son nom, le capitalisme à son stade mondialisé et financiarisé (…). Il faut « panser » le présent et repenser l’avenir ».

Enfin, il attire l’attention sur le fait que la crise de la Covid-19 est une opportunité selon lui à « reconsidérer la souveraineté de chaque nation », non comme un « repli souverainiste ou nationaliste« , comme peut en user l’extrême droite mais dans un « esprit de fraternité et de coopération entre les peuples », conclut-il.

Amélie Rigollet