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Alors que la compagnie aérienne domestique Air Tahiti a annoncé être contrainte d’abandonner la desserte de 27 îles déficitaires, le gouvernement de la Polynésie, actionnaire de la compagnie à hauteur de 14%, est monté au créneau pour dénoncer un « chantage », et menace de créer une compagnie concurrente.
Le ton est monté entre la compagnie domestique polynésienne et le gouvernement de la Collectivité. Vendredi, Manate Vivish, directeur général d’Air Tahiti, annonçait une difficile décision pour un pays insulaire aussi vaste que l’Europe : l’abandon de la desserte des 27 îles, sur 47, les moins rentables du réseau. La direction d’Air Tahiti, 2ème employeur de Polynésie, se dit financièrement contrainte au lendemain de la crise sanitaire du Covid-19.
« La question de la rentabilité de la desserte de certaines îles a toujours été posée », a rappelé Manate Vivish. « Nous sommes sur un service public déficitaire et nous n’avons plus les moyens de compenser ces déficits ». « Nous savons à quel point cela va mettre les populations de ces îles en difficulté et c’est un déchirement pour nous (…) mais il en va de la survie de notre compagnie ».
« Ils veulent nous mettre le couteau sous la gorge », a rétorqué le ministre de l’Équipement du gouvernement polynésien. Assimilant cette annonce à du « chantage » et une « prise d’otage des populations » des îles déficitaires, le ministre va convoquer dans les jours qui suivent le Directeur général de la compagnie, qui avait d’ailleurs demandé un rendez-vous avec le gouvernement. « S’il n’y a pas de solutions apportées par Air Tahiti à ses obligations de service public, je me verrai contraint de proposer au gouvernement la création d’une nouvelle compagnie », pointe le ministre Jean-Christophe Bouissou.
En Polynésie, la compagnie domestique Air Tahiti abandonne la desserte de 27 îles
C’est d’ailleurs cette obligation de service public qui est tout l’enjeu entre la plus ancienne compagnie de la Collectivité, 60 ans au compteur, et le gouvernement local. Manate Vivish avait plusieurs fois alerté sur la situation déficitaire de nombreuses destinations que la compagnie assure. Jusqu’ici, elle arrivait alors à maintenir un équilibre financier grâce aux îles plus touristiques, plus peuplées, plus proches de Tahiti et donc, plus bénéficiaires. Mais à la sortie du Covid-19, ces lignes bénéficiaires n’arrivent plus à soutenir les déficitaires. Et Air Tahiti n’a jamais obtenu officiellement la délégation de service public et donc financement des lignes déficitaires. Une prérogative pourtant, celle de maintenir un lien nécessaire entre Tahiti et les populations des îles les plus éloignées.
S’il évoque des pistes pour faire « passer le cap » de la crise à Air Tahiti, Jean-Christophe Bouissou ne répond pas à cette demande récurrente. Dès 2016, pourtant, une loi de Pays prévoyait la création d’une réelle délégation de service publique qui fixerait les obligations des deux parties, rappelle Radio 1 Tahiti. Aucune délibération d’application n’a été soumise au vote depuis lors. La mise en application de cette loi serait toujours à l’ordre du jour, d’après le ministre : « Nous sommes en train de mettre ça en place », répond-il succinctement. « Nous sommes prêts sur les textes, mais cela nécessite aussi la création d’un fonds ».
En attendant, d’après le ministre, une réduction des fréquences vers les petites îles suffirait à limiter les pertes pour Air Tahiti, le temps que le niveau d’activité revienne à la normale. Le responsable rappelle que la compagnie dégage depuis longtemps des résultats « très bénéficiaires » : « entre 1,2 et 1,3 milliards de francs en 2019 » et « plus de 900 millions de francs » en 2018, « avant charges exceptionnelles ». Et avant la crise du Covid-19, donc.