PLF 2019 : «Les Outre-mer d’abord», Olivier Serva s’abstient sur le vote de l’ensemble du projet de loi de finances

PLF 2019 : «Les Outre-mer d’abord», Olivier Serva s’abstient sur le vote de l’ensemble du projet de loi de finances

Le Président de la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale et rapporteur spécial sur le budget des Outre-mer s’est abstenu lors du vote solennel sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2019 qui s’est tenu le 20 novembre 2018 à l’Assemblée Nationale. Olivier Serva a indiqué avoir voté « en âme et en conscience» et en plaçant «les Outre-mer avant les considérations de politiques nationales». Le Député de la Guadeloupe revient sur ce vote en exclusivité pour Outremers360.

Outremers 360 :Quelles mesures concernent particulièrement les Outre-mer dans ce projet de loi de finances ? Quelle portée leur accorder ?

Olivier Serva: Le projet de loi de finance pour 2019 comporte dans sa première partie des mesures avec lesquelles je suis en désaccord et qui touchent uniquement les Outre-mer et singulièrement mon territoire, la Guadeloupe. Il s’agit notamment de l’article 4 qui comporte la réforme du plafond de la réfaction de l’impôt sur le revenu. Je me suis déjà largement exprimé sur cette mesure qui est impopulaire en Outre- mer et qui a pour effet de cliver les territoires sur l’autel d’une prétendue solidarité nationale. Je n’y reviendrai donc pas.

Le texte comporte également un article 5 qui prévoit la suppression du dispositif de subventionnement des entreprises que constitue la Taxe sur la Valeur Ajoutée Non Perçue Récupérable. C’est la fameuse « TVA NPR » dont on entend souvent parler. Or, je considère que la suppression de cette aide fiscale aux entreprises est prématurée. En effet, le Gouvernement prévoit de la transformer en un mécanisme de subvention qui serait à la main d’un organisme étatique. Ce choix induit un alourdissement des procédures et emportera mécaniquement un frein brutal pour les économies ultramarines.

S’agissant ensuite de l’article 6 du projet de loi, il prévoit la suppression des dispositifs zonés au profit de zones franches d’activités nouvelle génération. L’idée peut paraître séduisante. Cependant, dans la pratique, cette nouvelle transformation comporte un risque important. D’une part, elle aboutit à délaisser le mécanisme des zones franches urbaines qui permettait de dynamiser économiquement les quartiers les plus défavorisés comme certains quartiers de Pointe-à-Pitre ou des Abymes ou encore des territoires endurant une double insularité comme c’est le cas par exemple des îles du sud comme Marie-Galante en Guadeloupe. S’agissant de la réforme parallèle de la transformation du CICE majoré en Outre-mer en exonération de charge… Le compte n’y est pas.

Or, nos outre-mer ont déjà des structures économiques et sociales fragiles. Il leur faut de la stabilité, de la lisibilité et pas une réforme brutale et inaboutie des dispositifs dont ils bénéficient. Je rappelle que j’ai voté contre ces trois mesures pour marquer mon désaccord à ce sujet.

Que dire alors du budget des Outre-mer ?

La seconde partie du projet de loi de finances n’est guère rassurante de ce point de vue. Le budget du ministère des Outre-mer est certes stable dans un contexte global de restriction budgétaire. C’est d’ailleurs la raison principale qui explique que je l’ai voté. Cependant, la parution tardive du document de politique transversale n’a pas permis au parlement d’avoir une parfaite lisibilité de l’ensemble des moyens déployés par l’Etat pour les Outre-mer. C’est particulièrement regrettable, car les parlementaires n’ont pas été mis en mesure de voter les crédits de manière éclairée.

Comment faire mieux ?

Cette réforme est impopulaire car victime de son impréparation et du manque de concertation notamment sur la réforme de l’abattement fiscal dans les DOM. La ministre des outre-mer a avancé sur le sujet de manière trop isolée.
A l’avenir, le ministère des Outre-mer devra trouver les moyens d’associer les élus nationaux, les élus locaux mais aussi les socio-professionnels qui sont aux prises avec la réalité concrète du terrain. Il faut que nous puissions déployer dans les faits, une stratégie du bottom up. Une stratégie qui ne se paie pas de mots ou d’assises !
Les socio-professionnels se plaignent encore de la méthode et du fond alors que les dispositions ont d’ores et déjà été votées à l’Assemblée et vont être examinées dès cette semaine au Sénat. C’est regrettable. Le texte manque son effet tant sur la forme que sur le fond !

Votre position ne tranche-t-elle pas avec l’ambiance du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale ?

Vous l’aurez compris, ce sont des considérations éminemment locales qui ont guidé le vote que j’ai fait en mon âme et conscience. En effet, je ne veux pas trahir l’opinion de ceux qui m’ont donné mandat, ni travestir leur parole.
Les considérations de politiques nationales ne m’empêcheront jamais d’agir au service des Outre-mer d’abord et singulièrement de mon territoire la Guadeloupe. Je continue de croire en l’exigence de transformation de notre pays. Celle-ci doit toutefois
s’inscrire dans le respect d’une méthode de travail qui associe tout un chacun réellement à la décision.
Il faut plutôt voir mon abstention comme un encouragement de l’exécutif à emprunter pleinement « le chemin de réconciliation entre le peuple et ses gouvernants », qu’a tracé le Président de la République le 14 novembre 2018.