L’Investissement social pour gagner la difficile bataille de l’emploi en Outre-mer : une expertise de Joël Destom

L’Investissement social pour gagner la difficile bataille de l’emploi en Outre-mer : une expertise de Joël Destom

Illustration ©Pexels

Dans une nouvelle expertise, le directeur Outre-mer d’AG2R LA MONDIALE, Joël Destom, met en avant « l’investissement social » comme « un levier d’avenir » pour gagner la difficile bataille de l’emploi et lutter contre le chômage en Outre-mer. 

L’Insee Focus numéro 160 paru le lundi 24 juin 2019 présente les résultats d’une enquête consacrée à une réalité au cœur des préoccupations de tous les acteurs économiques, sociaux et politiques ultramarins… Les écarts en matière d’emploi et de chômage avec l’Hexagone. D’ailleurs, La Tribune du mercredi 26 juin 2019 n’hésite pas à utiliser l’adjectif « vertigineux » pour le titre d’un article mettant en relief ces travaux.

Dans une expertise du 6 mai 2019, intitulée « Chômage en Europe : Rien n’a changé pour les Outre-mer ! », nous relevions plusieurs points saillants, confirmés par les études de l’Insee, et concluions sur l’absence d’émergence d’une croissance équilibrée et pérenne, nécessaires à un rattrapage économique. La lettre éco n°342 du samedi 29 juin 2019 du CERCLE DE L’EPARGNE, partenaire d’AG2R LA MONDIALE, propose un regard complémentaire.

Si la situation de l’emploi s’améliore progressivement pour l’ensemble de la France, elle reste très tendue au sein des territoires d’outre-mer. Les crises sociales des années 2000, une faible diversification de l’activité, le maintien de position de rentes freinent le retour à la normale. Les prestations sociales jouent, avec encore plus d’acuité que dans l’Hexagone, un rôle d’amortisseur tout en générant un cycle vicieux de dépendance.

Pour rappel, en 2017, les cinq départements d’outre-mer (DOM) font partie des 10 % des régions européennes enregistrant les plus forts taux de chômage. Dans ces régions, le taux de chômage est supérieur à 17 %, contre 7,6 % en moyenne dans l’Union européenne. Le taux de chômage à Mayotte (30 %) est le plus élevé de l’Union, légèrement supérieur à ceux des régions grecques de Macédoine et de Grèce occidentales, et de l’Estrémadure en Espagne. Depuis 2014, le taux de chômage a reculé dans l’ensemble des DOM sauf à Mayotte. L’écart avec l’Hexagone ne réduit que faiblement. Il est selon les DOM de 9 à 26 points.

Le taux d’emploi dans les DOM est particulièrement faible. Il ne dépasse 50 % qu’en Martinique. Il a baissé ces quatre dernières années en Guyane et à Mayotte. Il est resté stable à La Réunion et en Guadeloupe quand il a progressé de deux points pour la France Hexagonale. Les taux d’emploi des personnes de 15 à 64 ans dans les DOM sont parmi les plus faibles des régions européennes avec ceux des régions du sud de l’Italie et de la Grèce.

Marquée par une population en âge de travailler très jeune et peu formée, Mayotte est la seule région européenne où le taux d’emploi est en dessous des 35 %, soit 6 points de moins qu’en Sicile ou en Calabre. À l’inverse, dans certaines régions d’Allemagne ou du Royaume-Uni, le taux d’emploi atteint près de 80 %.

Le défi du chômage ou plutôt de la bataille de l’emploi en Outre-mer demande certainement, de penser la définition adaptée d’une notion permettant d’établir des liens, aujourd’hui insuffisants, entre protection, croissance et emploi. Et si « l’investissement social » devenait une nouvelle perspective ?

Il s’agirait, sur ces territoires, de préparer l’avenir pour avoir moins à réparer. Cela suppose de prévenir, de soutenir en investissant de façon précoce et de façon continue dans l’éducation (pensée à façon), la formation (conçue sur mesure) et la santé.

Il pourrait être question de miser différemment sur l’accès et l’utilisation du numérique pour minorer les vulnérabilités, sur la créativité, l’innovation, la montée en gamme des économies ultramarines pour renforcer la fierté, sur l’optimisation des garanties de protection sociale pour fidéliser. Le but serait moins la préservation des « acquis sociaux » que la projection vers de « nouvelles conquêtes sociales », mots qui résonnent d’une façon particulière sur ces territoires.

Ne faudrait-il pas risquer de mettre à mal les pseudo-évidences et les faux consensus ? Par exemple, et s’agissant de la protection sociale, ne pourrait-on pas imaginer l’articulation astucieuse entre des enveloppes allouées aux exonérations de charges et des dispositifs dédiés à l’aide à la sécurisation des parcours, à l’amélioration de l’attractivité des emplois, à l’augmentation de la productivité ?

Joël Destom, Directeur Outre-mer d’AG2R LA MONDIALE.