La question avait été posée le 12 février dernier, par le député de Gironde Benoît Simian, également membre de la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale. Il interrogeait alors des représentants de la Banque de France lors d’une audition. N’ayant pas eu de réponse, la rédaction d’Outremers360 a interrogé à ce sujet Marie-Anne Poussin-Delmas, dirigeante des Instituts d’Émission d’Outre-mer (IEDOM-IEOM).
« Les Polynésiens sont des citoyens européens (…), mais ne sont pas passés à l’euro alors que cette zone est aujourd’hui sous une influence chinoise grandissante », déclarait Benoît Simian lors d’une question passée quasi-inaperçue, sauf chez nos confrères de Tahiti-Infos. « La Polynésie et la Nouvelle-Calédonie vont à l’euro, mais ensemble et pas de façon séparée », avait poursuivi le député, reprenant la position de l’ancien président Jacques Chirac. « Compte-tenu du cas calédonien, dans ce contexte de guerre commerciale, quelle est votre position et avez-vous envisagé de renforcer l’influence européenne avec une mise en place de l’euro en Polynésie française ? », a-t-il demandé aux représentants de la Banque de France.
Citant un article de La Tribune paru en 2016, Tahiti-Infos rappelle la position qu’avait le Vice-président polynésien Teva Rohfritsch. Un tel passage pourrait « donner un coup de fouet aux investissements étrangers », plaidait-il. Pour l’ancien président du Medef local, il s’agissait de « ne plus être marginalisé avec une monnaie exotique ». D’un autre point de vue, on soulignait la « complexité » d’un tel changement pour les entreprises et un risque « d’envolée des prix ».
Le Franc Pacifique : « stabilité », « crédibilité », « attractivité »
Le député Benoît Simian n’ayant pas eu de réponse de la part des représentants de la Banque de France, la rédaction d’Outremers360 a interrogé à ce sujet Marie-Anne Poussin-Delmas, Directeur général de l’IEOM, établissement public qui émet le Franc Pacifique (XPF) et met en œuvre la politique monétaire de l’État dans les Collectivités de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et dans les îles de Wallis et Futuna.
« Ce qui m’apparait c’est que le Franc Pacifique qui est à parité fixe avec l’euro, tout en étant une monnaie différente de l’Euro, permet au territoire d’en tirer de nombreux avantages », a-t-elle réagit. En premier lieu, « la parité fixe avec l’euro permet de bénéficier de la stabilité des prix et, plus largement, de la stabilité financière de la zone euro. La parité fixe permet aussi d’apporter de la crédibilité : le franc CFP est considéré comme une monnaie sûre, ce qui permet de conforter l’attractivité de la zone vis-à-vis des investisseurs et d’assurer des conditions de financement favorables aux agents économiques », explique-t-elle.
« Une monnaie différente de l’Euro, permet d’avoir une politique monétaire qui ne soit pas complètement alignée sur celle de l’Eurosystème lorsque cela fait sens ; en particulier pour mieux répondre à l’environnement économique local, les établissements de crédit peuvent présenter au refinancement de l’IEOM des créances sur les petites et moyennes entreprises (…) qui ne sont pas retenues par l’Eurosystème. En contrepartie, ces créances admises au réescompte permettent aux chefs d’entreprises de financer leurs investissements à des taux favorables », a-t-elle poursuivi.
Malgré ces avantages, un passage à l’euro des Collectivités du Pacifique n’est « pas un tabou » assure Marie-Anne Poussin-Delmas. Une possibilité non sans conditions ni conséquences. Pour la dirigeante des Instituts, il faut « que les trois territoires le souhaitent simultanément ainsi que les autorités nationales et européennes compétentes. Telle est la position du gouvernement français exprimée dès 2005 et réaffirmée à diverses reprises ».
« Néanmoins, il faut avoir conscience que ce passage ne sera pas sans conséquences sur certaines spécificités locales, notamment bancaires ou monétaires avec une réglementation bancaire et monétaire strictement conforme aux règles européennes ou encore la suppression du réescompte de crédit aux entreprises », conclut-elle. Reste que la question d’un changement de monnaie pour ces trois collectivités, notamment pour la Nouvelle-Calédonie, pourrait refaire surface à l’issue des deux derniers référendums d’autodétermination et ce, quelle qu’en soit l’issue.