Le boum du numérique prend aussi dans le Pacifique, peut être même plus que dans d’autres régions du monde. L’augmentation exponentielle des échanges de données nécessite de nouveaux besoins d’infrastructures adaptées. La Polynésie française va donc se relier à un nouveau câble numérique relié à la Nouvelle-Zélande. Mais au fond, c’est la liaison Asie-Amérique du Sud qui fait frémir les ambitions numériques de la Polynésie.
Depuis 2010, les polynésiens disposent d’une connexion haut débit grâce à la pose du câble sous-marin de communication Honotua, reliant les îles Hawaï à la Polynésie française. Dès lors, les prix ont chuté, les offres et la concurrence ont fleuri mais l’efficacité de la connexion et la main-mise de l’Office des Postes et Télécommunication (OPT) sur le débit sont souvent remis en cause. Quoiqu’il en soit, la demande ne fait qu’augmenter sur le territoire polynésien et l’augmentation des échanges de données pousse les autorités gouvernementales à se pencher sur de nouvelles liaisons. Dans la région Pacifique, les projets de liaisons par câble sous-marins existent, en bon nombre. Plus de huit câbles seraient en cours de construction. Mais la Polynésie française pourrait se placer uniquement sur l’un d’entre eux. Nommé Moana, ce câble partira de la Nouvelle-Zélande pour rejoindre Hawaï via les îles Samoa, Niue, Tokelau, les îles Tonga, les îles Cook et la Polynésie française. Cette nouvelle connexion permettrait de sécuriser la connexion actuelle de la Polynésie au réseau mondial sans cependant remplir le câble actuel Honotua avec du nouveau trafic, car le débit provenant des îles du Pacifique est trop faible. Un projet « à la charge des internautes polynésiens » estime Tahiti-infos.
Pour autant, le projet Moana ne semble pas satisfaire les ambitions polynésiennes, ou du moins celles du gouvernement. Depuis l’ouverture de Honotua (peut-être même avant), les gouvernements successifs souhaitent faire de la Polynésie française un « centre névralgique du web dans le Pacifique Sud ». En d’autre terme, un hub numérique. Le potentiel est là, un câble qui relierait la Polynésie à l’Amérique du Sud (par le Chili) permettrait de remplir Honotua avec du nouveaux trafic et surtout, de positionner la Polynésie sur de nouvelles connexion avec le Japon et la Chine. Ce serait la première liaison entre ces deux continents, « moteurs de la croissance mondiale » et aussi, un bon moyen de rentabiliser le câble Honotua, « tout en sécurisant sa connexion ». La Polynésie française serait alors reliée à Hawaï, à la Nouvelle-Zélande (avec le projet Moana), au Chili, à l’Asie. Pour les consommateurs, les prix chuteraient, le débit augmenterait considérablement et pour les investisseurs, « une vraie économie du numérique pourrait se développer en Polynésie ». Mais alors, qu’est-ce qui coince ?
Une vraie occasion manquée pour la Polynésie
Depuis 2010, beaucoup de projets de câble ont été présentés en Polynésie, par des consortiums privés et des gouvernements étrangers. Petit obstacle, non moins gênant : le gouvernement polynésien. « Les opérateurs sud-américains et asiatiques sont très intéressés, la Présidence a des contacts avec eux. Mais on (ndlr, le gouvernement) est obligé de prendre le leadership sur ce projet parce qu’on ne veut pas laisser le privé prendre le contrôle. On dit maîtriser les tuyaux ou on risque de se trouver avec un câble hors contrôle de toute régulation », a expliqué une source administrative anonyme. Une position confirmée par le ministre polynésien de l’économie, Teva Rohfritsch, mettant en exergue la volonté de tous les Pays et gouvernement de maîtriser leur infrastructures hautement stratégiques. Du coup, les opérateurs et gouvernements sud-américains penchent sur un autre projet de câble, le South America Pacific Link, qui relierait l’Amérique du Sud à Hawaï, en longeant la côte Pacifique du continent. Le projet concurrent, et enterré suite aux refus successifs des gouvernements polynésiens, voulait relier le Chili à l’Australie ou la Chine, en passant évidement par Tahiti (profitant ainsi de Honotua pour joindre Hawaï) et en raccordant l’île de Pâques. « Une vraie occasion manquée pour la Polynésie ».
La solution ? « Attendre un projet polynésien qui puisse convaincre les investisseurs internationaux ». Le coût d’un câble trans-pacifique serait trop élevé pour l’OPT, il faudrait donc faire appel au financement des grands opérateurs internet qui seraient capables de remplir un nouveau câble avec du trafic, grâce notamment à leurs nombreux clients. « C’est ce trafic, qui sera facturé aux opérateurs partenaires, qui génèrera du chiffre d’affaire et permettra de rentabiliser ces nouveaux câbles sur le long terme ». L’une des faiblesses de l’actuel câble Honotua est d’ailleurs ce manque de trafic qui ne rentabilise pas son coût. Mais une source industrielle semble pessimiste face à un tel projet, il explique : « tous les grands scénarios est-ouest ne sont plus à notre portée, plus personne ne veut entrer dans un projet de la Polynésie après les coups qu’on a fait sur le projet SPIN, qui devait nous relier à Nouméa, ou sur les projets chiliens ». Teva Rohfritsch, ministre polynésien de l’économie, est plus optimiste. Soulignant qu’études, consultations et prises de contact avec des opérateurs internationaux sont en cours. Mais pour l’heure, pas d’annonce, hormis une décision sur un éventuel deuxième câble avant fin 2016.
Avec Tahiti-infos.