Économie : Le nickel, une industrie d’avenir pour la Nouvelle-Calédonie ?

Économie : Le nickel, une industrie d’avenir pour la Nouvelle-Calédonie ?

Mine de Thio dans le sud calédonien ©Martial Dosdane

Le nickel a donné naissance à l’économie du Caillou. Aujourd’hui, il représente 10 % de son PIB (produit intérieur brut) et fait travailler environ 15 000 personnes si l’on inclut les emplois induits, soit plus d’un quart de la population active. En résumé, le Territoire est riche de son nickel. Mais pour combien de temps encore ? Une enquête de notre partenaire Actu.nc.

Le “Roi Nick”, comme on le surnomme, constitue aujourd’hui, avec les transferts publics de l’État, la principale richesse de l’économie du territoire.  Et le potentiel reste immense. Le Caillou détiendrait 7 % des réserves de nickel de la planète, ce qui en fait la 5e réserve mondiale, après l’Indonésie, l’Australie, le Brésil et la Russie. Une appréciation qui prend en compte la faisabilité des investissements nécessaires à l’exploitation des gisements identifiés. Pourtant, certains s’inquiètent de la longévité de cette ressource au rythme de l’exploitation minière.

 La ressource est-elle inépuisable ?

En rappelant que « le tiers de l’île est fait de péridotites et donc potentiellement de nickel », Jacques Leguéré, docteur en géologie et fondateur d’A2EP, ne partage pas les inquiétudes de ceux qui pensent que les jours du nickel sont comptés et qu’il faut créer un fonds pour les générations futures en prévision : « Le Caillou a devant lui des siècles de réserves, notamment si les teneurs de coupure continuent de descendre ».  Un sentiment partagé par Pierre Kolb, président de NCE : « La limite ne sera pas géologique, mais économique. La question à se poser est à la suivante : ce qu’on va sortir de terre va-t-il continuer à intéresser quelqu’un ? », s’interroge-t- il. Une question d’actualité puisque le marché du nickel connaît aujourd’hui un rebond avec l’opportunité offerte par le développement des batteries de véhicules électriques. Mais qu’en sera-t-il demain ?

Les batteries de voitures électriques, une opportunité durable ?

« En matière de marché, difficile d’avoir des certitudes, il faut se contenter de convictions ».  Pour Pierre Kolb, le débouché des batteries électriques est aujourd’hui une réalité pour l’or vert : « Le plus grand constructeur de véhicules électriques, Tesla, est à la recherche de sources d’approvisionnement sûres en nickel. Et pas n’importe lesquelles. La voiture électrique porte l’image de la transition énergétique et de la propreté. Donc Tesla, par cohérence pour son public, va devoir prouver que ses ressources en matériaux, et en particulier de nickel, proviennent d’usines propres, environnementalement et socialement responsables ». Le constructeur américain a appelé récemment à une montée en puissance de l’extraction mondiale d’or vert. « Message à toutes les sociétés minières, veuillez extraire plus de nickel. Où que vous soyez dans le monde, veuillez extraire plus de nickel, mais du nickel propre et éthique », a demandé Elon Musk, le PDG de Tesla, en juillet.

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En mars dernier, un contrat a d’ailleurs déjà été signé avec Vale NC qui répond à ces critères. L’usine du Sud fournit depuis son produit mixte de nickel-cobalt éthique à l’usine allemande de Tesla. Patrick Dupont, co-gérant du cabinet Auclair-Dupont, est pour sa part plus nuancé quant aux perspectives offertes par les batteries électriques face à l’évolution des voitures à hydrogène « qui n’ont pas forcément besoin de nickel ». Jacques Leguéré estime, lui, qu’il n’y a pas à s’inquiéter quant aux perspectives pour l’or vert : « On a déjà connu ces inquiétudes à l’époque avec les pare-chocs de voiture en plastique. Finalement, on se rend compte qu’on a toujours besoin de nickel ». De son côté, Patrick Dupont en est convaincu : « La Nouvelle-Calédonie doit développer ses capacités de recherche sur le nickel. On doit être acteurs de ces évolutions technologiques plutôt que de les subir ».

Le pari du nickel éthique

« Le nickel propre, c’est une opportunité à saisir pour la Nouvelle-Calédonie », estime Pierre Kolb, en pensant notamment à la construction de la nouvelle centrale pays à Doniambo. Sous la pression de l’opinion publique et des investisseurs, la tendance mondiale est à davantage de vigilance quant aux processus d’extraction et de production. D’après le président de NCE, le Caillou a sa carte à jouer en la matière car il est notamment l’un des seuls pays producteurs de nickel, avec le Canada, en mesure de répondre aux exigences à venir, notamment celles de l’Union européenne. Dès 2022, les métaux importés en Europe devront répondre à des normes de production éthiques, sociétales et environnementales. Et en 2023, la Bourse des métaux de Londres imposera à ses utilisateurs des critères d’approvisionnement responsables pour éviter par exemple que les minerais vendus soient produits par des enfants. La création d’un label pour les métaux éthiques, le CERA, est également à l’étude en Allemagne.

L'usine SLN de Doniambo ©SLN

L’usine SLN de Doniambo ©SLN

Aujourd’hui, les producteurs les plus vertueux ont donc tout à y gagner. Et en matière de nickel vert, la filière minière calédonienne a une longueur d’avance. Qualifiée de « responsable et éthique » par les investisseurs londoniens, elle intègre déjà la plupart de ces normes sociétales et environnementales. « Mettons le nickel au service du développement de la Nouvelle-Calédonie et mettons ce temps au profit de la diversification et de la sortie du tout-nickel », lance Pierre Kolb, convaincu qu’il faut valoriser aujourd’hui le nickel propre et responsable, au lieu de créer une taxe sur les générations futures. Autant de sujets qui seront au cœur des Assises du nickel, programmées d’ici la fin de l’année par le gouvernement, et qui promettent de faire des vagues.

 Le cas de la centrale-pays

Une solution de centrale au « gaz naturel » semblait être arrêtée pour la centrale-pays basée à Doniambo.  Mais finalement, NCE (Nouvelle-Calédonie Energie regroupant les trois actionnaires : Agence calédonienne de l’énergie, Enercal et la SLN) a lancé en parallèle deux appels à manifestation d’intérêt pour la construction de cette nouvelle centrale, l’un orienté sur les énergies fossiles et l’autre sur les énergies renouvelables. Lequel gagnera la compétition ?

Pour l’heure, certains doutent des capacités de l’ENR à faire face à un besoin d’électricité tel que celui requis par l’usine pyrométallurgique (200 MW). Néanmoins, Pierre Kolb, directeur de NCE, ne ferme pas la porte aux projets hybrides qui s’intègrent à la mouvance actuelle du nickel vert. Il estime que le biais de cette nouvelle centrale, la Nouvelle-Calédonie pourrait montrer l’exemple et donner le ton. Les résultats des appels à manifestation d’intérêt seront communiqués d’ici la fin de l’année 2020.