Economie: La crevette bleue de Nouvelle-Calédonie, un produit de luxe bientôt rentable?

Economie: La crevette bleue de Nouvelle-Calédonie, un produit de luxe bientôt rentable?

Avec la crevette bleue, la Nouvelle-Calédonie dispose d’un produit original qu’elle a réussi au fil des années à positionner localement comme un produit du quotidien et à l’exportation sur le segment des produits de luxe, rapporte une récente étude de l’Insitut d’émission d’Outre-mer de Nouvelle-Calédonie

Initiée depuis les années 70, l’aquaculture de la crevette bleue débute réellement une dizaine d’années plus tard avec la création de la Société d’Aquaculture Calédonienne (SODACAL) en 1984.

Parmi les différentes espèces en vogue (la crevette tigre ou la crevette à pattes blanches), le territoire choisit la crevette bleue en raison de l’adaptation de cette dernière au climat hivernal relativement frais de la Nouvelle-Calédonie, et donc la possibilité de réaliser deux campagnes annuelles. De ce fait, la Nouvelle-Calédonie a été pendant longtemps le seul pays en mesure de commercialiser la crevette bleue d’élevage.

Le premier marché de la crevette calédonienne a toujours été le marché local. Les atouts de ce marché sont nombreux :proximité, protection (l’importation de crevettes est interdite pour des raisons sanitaires visant à protéger les élevages locaux) et solvabilité (niveau de vie élevé). C’est un marché captif. Il n’y a pas de segmentation de ce marché. Les crevettes sont vendues pour l’essentiel au kilo, en vrac, parfois fraîche en saison, mais le plus souvent congelées dans les poissonneries, la grande distribution ou encore directement à la ferme.

Du marché local à l’export

Quelques années après le lancement de la filière, la marché local de la crevette, autour de 700 tonnes en moyenne depuis dixans, s’est vite retrouvé saturé compte tenu de sa taille limitée. L’exportation est rapidement devenue le moyen incontournable pour la filière de poursuivre son développement. Cette stratégie de positionnement haut de gamme à l’export, notamment au Japon, a permis une augmentation régulière des prix, même si le marché local reste le premier marché et le plus rémunérateur. Sous l’impulsion de ce marché particulièrement exigeant, l’accent a été mis en priorité sur la qualité. La consommation de la crevette crue surgelée en sashimi ou sushi favorise non seulement la mise en valeur des qualités gustatives intrinsèques de la crevette bleue, mais aussi la recherche de la perfection en termes de normes sanitaires et de présentation.

Un virage marketing a été pris au début des années 2010 avec la création de nouvelles marques(Obsiblue notamment) pour des marchés de niche à l’export (restauration et poissonnerie de luxe notamment) et de nouvellesambitions vers l’Europe au travers de la société Prestige seafood. En région parisienne, il est même possible aujourd’hui d’acheter la crevette calédonienne en ligne. Cette stratégie a conduit à une augmentationdes prix de vente à l’export régulière et significative sur les dix dernières années (+34 %). Les exportations hors Japon restent toutefois très limitées (15 % des volumes en moyenne sur dix ans). Elles concernent principalement la France, les États-Unis, les îles Wallis-et-Futuna et l’Australie.

Cette filière mobilise un grand nombre d’acteurs : quatre écloseries, deux provendiers, dix-huit fermes de grossissement et deux ateliers de conditionnement. Le nombre important d’acteurs et leur répartition homogène sur le territoire peuvent être vus comme une force.

Ainsi sur les sept dernières années, les quatre écloseries ont pu à tour de rôle sauver la campagne en assurant une part significative de la production de post-larves, étape primordiale de l’aquaculture de crevettes. Cependant, et malgré une surcapacité de production théorique des quatre écloseries, le déficit de production par rapport aux besoins de la filière est de 20 % en moyenne sur dix ans. Leur santé financière reste par ailleurs fragile.

Une rentabilité encore limitée

L’activité des fermes exige des investissements très importants pour une rentabilité qui reste limitée, mais en progression grâceà l’augmentation continue des prix de vente au kilo depuis 2010. Le soutien de la puissance publique dans le financement des investissements a été déterminant et leur permet de présenter des résultats corrects. Les provendiers et les ateliers contribuent et bénéficient pleinement du développement de cette filière.

Le poids de la filière dans l’économie reste très modeste (environ 0,1 % du PIB) mais plus significatif en termes d’emplois(0,5 % des emplois du secteur privé), soit une masse salariale de 916 millions de XPF en 2017. Dans le secteur agricole,l’aquaculture de crevettes représente la troisième production en valeur (après les fruits et légumes et pratiquement à égalité avec les filières bovines et avicoles) et la première en termes d’exportation.