A l’initiative de la délégation sénatoriale à l’Outre-mer et de la CPME Réunion, s’est tenu le colloque « Révéler l’ancrage local des économies ultramarines » le 21 juin, en présence de nombreux acteurs économiques ultramarins.
Et si l’insularité ou l’étroitesse des marchés des territoires ultramarins, longtemps considérés comme des handicaps à l’échelle de la mondialisation, étaient en réalité les véritables moteurs de développement économique des Outre-mer ?
Sur la base de plusieurs expériences provenant de Polynésie, de Guyane ou de La Réunion, la réponse semble être oui pour les multiples intervenants de ce colloque. A l’instar du sénateur Michel Magras, qui a souligné notamment la capacité d’innovation des économies ultramarines « Nos handicaps nous obligent à trouver des solutions innovantes et d’avenir à tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Ces solutions garantissent également un développement durable ». En effet, ce colloque avait pour objectif échanger sur les bonnes pratiques et les outils nécessaires pour favoriser l’ancrage local des économies locales. Le président de la délégation sénatoriale à l’Outremer a précisé par ailleurs que « l’enracinement local par le biais de l’économie circulaire ne signifie de se replier sur soi mais au contraire, confère plus de stabilité et de robustesse. Il permet de promouvoir un développement sur une dynamique globale en impliquant l’ensemble des acteurs »
Pour l’économiste Vincent Géronimi, l’ancrage local constitue même un enjeu non négligeable pour les économies ultramarines à la condition de mettre en oeuvre le principe de différenciation. « Élaborer et vendre des produits différenciés permet d’échapper à la concurrence des prix et des coûts ». La présidente de la CPME de la Nouvelle-Calédonie affirme pour sa part la nécessité de filiariser les secteurs économiques en Outre-mer. « La structuration du secteur perlicole de Polynésie a permis de dynamiser la commercialisation de la «Perle de Tahiti ».
Chérifa Linossier: « Nous avons besoin d’une #législation au niveau du pays pour relever les #défis à une échelle plus large et mettre en place une stratégie de développement économique pays plus efficace. »#OutreMerSénat #OutreMer pic.twitter.com/9X4VIJ6yII
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Mieux évaluer
Au rang également des outils pour permettre le développement des territoires ultramarins, il est nécessaire de bien évaluer. C’est le cas avec l’étude RÉELLE (Ré-Enraciner l’Économie LocaLE portée par la CPME Réunion, et présentée lors de ce colloque. Cette étude constitue en une analyse de la production et de la demande locale, secteur par secteur. Elle répertorie les fuites économiques, les potentialités de relocalisation, et les opportunités de développement et de croissance des activités sur le territoire réunionnais sur les plans internes (densification) et externes (diversification). « Il n’y a pas une entreprise qui ne parle pas d’ancrage local aujourd’hui. Le « made in local », n’est pas une option. Il y a une nécessité à se tourner vers le ré-enracinement local » a indiqué Arnaud Florentin, économiste au cabinet Utopies et ayant travaillé sur l’étude RÉÉLLE.
Arnaud Florentin du cabinet @Utopies_Paris: « La démarche #EtudeRéelle est une demarche en faveur des territoires à fortes résiliences. Un modele économique qui amène un nouveau souffle et créer un lien entre modèle economique et du devt durable pic.twitter.com/qWtCtQBE7Y
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« Trouver un langage commun »
Dans cette volonté de développer l’ancrage territoriale des économies ultramarines, la sphère publique (collectivités locales) doit pleinement y contribuer, notamment en privilégiant la Stratégie du Bon d’Achat au sein de la commande publique Dominique Vienne, Président de la CPME Réunion et de l’Association SBA Réunion a démontré durant son intervention l’utilité de mettre en oeuvre de ce dispositif adopté récemment dans la Loi EROM (Égalité Réelle en Outre-mer). « La Stratégie du Bon d’achat permet de rassembler et de côtoyer des mondes qui travaillent ensemble mais qui ne se connaissent pas. La Stratégie du Bon d’achats n’est pas un texte de loi, c’est une démarche visant l’équité accès à la commande publique pour les entreprises ». Pour Dominique Vienne, envisager la maximisation des retombées locales ne peut être considéré comme du « nombrilisme » dans des territoires où le chômage est prédominant. « C’est un devoir sociétal d’envisager la commande publique, non plus comme une dépense mais plutôt un investissement pour le bon développement de nos territoires », a déclaré Dominique Vienne.
Dominique Vienne, Pdt de la @CPME974: « Le #SmallBusinessAct n’est pas seulement un article de loi mais un veritable levier économique puissante dans la #commandepublique » pic.twitter.com/rpFODz0afD
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C’est dans ce contexte que la relation entre les collectivités publiques et les entreprises doit s’améliorer et se renforcer. « Nous manquons de langage commun. Il faut réinvestir le langage: qu’est-ce-qu’une stratégie de bons d’achats? Qu’est-ce-qu’une économie locale? qu’est-ce que l’ancrage territorial? Qu’est-ce que la maximisation économique des retombées locales.Sans sémantique, Sans langage commun, on ne peut communiquer les uns avec les autres pour produire du bien commun, un bien profitable aux parties prenantes que sont les acteurs privés et les acteurs publics », a ajouté Dominique Vienne.
A La Réunion, la Communauté Intercommunale du Nord de La Réunion (Cinor) a intégré cette stratégie du Bon d’Achats, comme le souligne son président Gérard Maillot. Une stratégie qui a permis à la collectivité de s’inscrire comme un acteur innovant dans le développement des projets de son territoire. « Nous nous considérons comme des entrepreneurs du territoire, que ce soit public ou privé. En échangeant avec les petites et moyennes entreprises, nous sommes capables de faire tourner la planche à billets, d’utiliser au mieux les ressources que nous possédons. Dans les projets que nous développons au sein de la CINOR, nous veillons toujours à consacrer une partie de nos marchés aux entreprises locales. Notre politique est que dans les marchés que nous signons avec les grands groupes, que ces dernières intègrent aussi des entreprises locales non comme des sous-traitants mais comme des co-traitants», souligne Gérard Maillot. la Communauté intercommunale du Nord de La Réunion (CINOR), attribue désormais plus de 90% de ses marchés aux entreprises du territoire. La dynamique à engager est la création de valeur partagée entre des acteurs économiques et sociaux qui ont en commun la même volonté d’assurer le développement du territoire par l’activité et l’emploi perenne, non délocalisable.Concilier l’entreprise et le territoire, devient possible en orientant les politiques publiques vers cette creation de valeur partagée par l’ancrage territoriale.
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