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A l’heure de la 4e révolution industrielle et suite à l’épidémie de coronavirus, le secteur minier mondial est en pleine mutation. L’industrie minière de la Nouvelle-Calédonie a donc décidé de réagir en consolidant sa capacité d’innovation et en développant de nouvelles technologies d’automatisation qui intégreront des drones et la géolocalisation des équipements mobiles. Les mines du futur seront également plus sûres et plus respectueuses de l’environnement. Explications avec Hugo Coëff, journaliste pour notre partenaire Actu.nc.
La demande mondiale en matières premières s’accroît en lien avec l’augmentation de la population de la planète et le développement industriel de nombreux pays, et se diversifie avec le développement de technologies nouvelles. « Au regard de ces besoins croissants, l’industrie minière doit donc innover pour améliorer les performances opérationnelles, de sécurité, de santé ainsi que la performance environnementale », a expliqué Jean-Alain Fleurisson, chercheur au Centre de Géosciences de Mines ParisTech. La Nouvelle-Calédonie n’échappe pas à l’ensemble de ces défis avec des gisements de nickel en production de plus en plus complexes et une demande sociale croissante vis-à-vis de la préservation de la biodiversité et en termes de retombées économiques.
Alors qu’un projet de recherche européen a été lancé par la Suède, l’année dernière, le CNRT (Centre National de Recherche Technologique) en a fait de même en lançant un appel d’offre pour l’automatisation des mines et la mutualisation des moyens auquel a répondu un groupement d’ingénieurs français. Une équipe de 10 chercheurs – dont des Canadiens – vont travailler 18 mois à explorer les voies possibles d’automatisation par intégration de technologies innovantes et les possibilités de mutualisation de moyens entre compagnies minières calédoniennes. Un projet – 10 millions financés par le CNRT – de réflexion pour la Nouvelle-Calédonie avec des retours d’expériences français et canadiens.
Remuer moins de terre pour obtenir plus de métal
L’évolution technologique va donc s’incorporer aux travaux miniers pour augmenter la rentabilité financière mais également renforcer la sécurité de ceux qui y travaillent et réduire son impact sur l’environnement. La mise en place des technologies numériques seront basées sur la géolocalisation des engins de chantier – grâce à des capteurs – ou l’automatisation de certaines machines de manière à pouvoir améliorer les performances de l’exploitation. « Elle doit assurer un meilleur contrôle des opérations minières en termes de production par exemple. Nous pourrons avoir une meilleure sélection du minerais », a affirmé Jean-Alain Fleurisson, coordinateur scientifique du projet.
Les compagnies seront donc capables de mieux gérer les opérations minières ce qui aura un impact positif sur l’environnement. « Nous allons pouvoir contrôler les consommations de carburant. L’optimisation globale d’un site minier au travers d’une planification réduira l’empreinte environnementale. Nous allons remuer moins de terre pour obtenir plus de métal », a certifié Didier Grosgurin, gérant du bureau d’études Omega Resources Exploration (ORE), spécialisé en ingénierie environnementale et minière.
En outre, le projet souhaite intégrer l’utilisation des drones sur les sites miniers. Une de leurs principales applications sera la gestion de la topographie des chantiers. « Nous pourrons voir l’évolution de la mine et récupérer des informations géoréférencées de tous les points de mesure pour reconstituer des cartes afin de réaliser des cubatures [calcul géométrique qui permet de réduire un solide donné en un cube équivalent en volume, ndlr] », a-t-il déclaré.
Un réseau de télécommunication à la traine
Ils pourront également être utilisés pour de la surveillance, en particulier sur l’instabilité de certaines zones, les problématiques environnementales liées aux digues à résidus ou encore le contrôle des niveaux d’eau dans des bassins. « Nous recouvrirons, en un temps court, des superficies importantes avec un suivi plus actif ».
Toutefois, quelques réserves sont émises par les acteurs de l’industrie quant au réseau de télécommunication sur le territoire, notamment en milieu isolé. « La 5G pourrait être un moyen de favoriser le déploiement de technologies numérique », a indiqué le gérant de ORE. Encore faut-il que les opérateurs publics fassent le choix stratégique d’implanter des antennes 5G sur les sites miniers, ce qui n’est actuellement pas le cas. La majorité des sociétés minières sont à un niveau de développement numérique très faible en raison notamment du coût d’un tel investissement.
L’intégration de ces nouvelles technologies est aussi un enjeu en termes de montée en compétences des employés. Toute une stratégie doit être mise en place dans les entreprises pour justement donner un accès plus facile aux salariés à ces technologies. Un portrait des compétences numériques des personnels miniers a été établi sur la base d’un questionnaire. « 70% des personnes interrogées voient d’un bon œil la venue de ces changements technologiques dans leur travail ».
Mutualisation des compagnies
D’après cette étude, les capacités technologiques du personnel seraient même sous-utilisées. Les compagnies pourront s’y référer pour mettre en place des formations et identifier les compétences nécessaires au travail demandé.
Enfin, l’industrie minière est confrontée à des défis économiques dans un marché hautement concurrentiel. « Il y une prise de conscience sur le fait que le concurrent ne se trouve pas sur le territoire mais à l’étranger », a soutenu Jean-Alain Fleurisson. Au-delà des enjeux politiques locaux, les compagnies minières calédoniennes doivent bien comprendre qu’aujourd’hui elles ne sont pas concurrentes mais alliées face à l’émergence des marchés en Indonésie, aux Philippines ou en Chine.
L’automatisation pourrait, à condition qu’elle soit maîtrisée, apporter un gain en compétitivité face à des exploitants ayant des coûts de revient très bas. « Il appartiendra aux mineurs de poursuivre sur cette voie, mais nous l’espérons, pour que cette transformation numérique se passe au mieux pour eux, pour l’industrie et pour la Nouvelle-Calédonie », a conclu le gérant du bureau d’études.
Hugo Coëff