Desserte aérienne en Polynésie : « Quand on veut générer de la croissance (…), il faut que les infrastructures suivent », Michel Monvoisin, PDG d’Air Tahiti Nui

Desserte aérienne en Polynésie : « Quand on veut générer de la croissance (…), il faut que les infrastructures suivent », Michel Monvoisin, PDG d’Air Tahiti Nui

Michel Monvoisin, au centre, a présenté les nouveaux appareils de la compagnie au marché hexagonal et européen ©Outremers360

Alors que la compagnie polynésienne a présenté son premier Boeing 787-9 Dreamliner, reçu en octobre dernier, à la presse hexagonale et européenne ce mardi 26 mars, le Président directeur général d’Air Tahiti Nui, Michel Monvoisin, a répondu aux questions de la rédaction d’Outremers360.

Il évoque, entre autre, l’ouverture du ciel polynésien à la concurrence et souligne le « problème d’encombrement » à l’aéroport international de Tahiti-Faa’a. Si la compagnie envisage de nouvelles routes, celles-ci ne devraient pas être annoncées avant des concrétisations, tant en termes hôtelières qu’aéroportuaires. 

Outremers360 : Comment fait-on pour passer de 20 ans d’Airbus à une nouvelle ère avec Boeing, notamment en termes de formation du personnel ? 

Michel Monvoisin : C’est un gros challenge. Le premier c’est effectivement la formation du personnel car on est parti d’une feuille blanche pour réécrire la compagnie. Et le sujet ce n’est pas tant de passer d’Airbus à Boeing mais davantage d’avoir un avion nouvelle génération qui va nous permettre de voir différemment l’exploitation de nos routes. Cela nous a permis de monter en gamme et redéfinir complètement le produit.

Le renouvellement de votre flotte est bien entamé : vous avez reçu les deux premiers et vos deux prochains Boeing arriveront en mai et en août. Quelles sont vos perspectives désormais ? Envisagez-vous de nouvelles routes ? 

Au bout de 20 ans, il devenait indispensable de renouveler notre flotte. On l’a fait en fonction des routes. Air Tahiti Nui exploite des routes qui sont du très long courrier, longues et fines, avec des vols de 8 heures, 9 heures, 13 heures. Quand on a fait le choix de l’avion, on l’a fait par rapport à ce cahier des charges. Ensuite, c’est sûr, on a regardé quelle route on pourrait ouvrir dans le futur mais aujourd’hui, la problématique de la Polynésie c’est surtout le réceptif : avant d’ouvrir de nouvelles routes, on reste très vigilants sur l’augmentation de la capacité réceptive, notamment en termes de chambres d’hôtel. Depuis six ans, on connait une croissance assez forte en matière de fréquentation touristique. Mais, ça à moins suivi au niveau des chambres.

Deux de vos quatre nouveaux avions sont en acquisition propre. Vous avez fait une demande de défiscalisation nationale pour les financer, en partie. Qu’en est-il de votre demande ? Avez-vous eu des retours de Bercy ?

Nous avons des échanges réguliers avec Bercy. Nous sommes sur la fin, on a fourni les quelques derniers contrats la semaine dernière et nous sommes dans une attente plutôt positive. A priori, on devrait avoir les dernières réponses du bureau des agréments début avril. C’est une instruction qui s’est déroulé dans de bonnes conditions, on a eu des échanges positifs.

Sur les quatre avions, on a fait le choix d’en louer deux et la location a aussi ses avantages en termes de souplesse et dans la mesure où on pouvait bénéficier de la défiscalisation, on a présenté deux appareils. Il s’agit des deux prochains : le premier arrivera en mai, en acquisition propre via le dispositif que permet la Lodeom.

2018 a été une année importante pour l’aérien en Polynésie : Air Tahiti Nui a fêté ses 20 ans et deux compagnies concurrentes sont arrivées sur le marché via San Francisco. Selon vous c’est plutôt un défi ou une menace pour votre compagnie ? 

C’est un peu des deux. Nous sommes nés avec la concurrence donc ce n’est pas quelque chose de neuf pour nous. Quand on a été créé il y a 20 ans, il y avait Corsair et AOM qui venaient. Ces deux nouvelles compagnies, French Bee et United Airlines, sont déjà concurrentes entre elles puisqu’elles opèrent sur San Francisco tandis que nous sommes sur Los Angeles avec Air France.

Mais le défi n’est pas tant la concurrence mais les possibilités de croissance, car la concurrence est plus facile lorsqu’il y a de la croissance. Et c’est ce que je disais précédemment, le défi de la croissance est principalement lié au réceptif : il y a les hôtels mais aussi l’aéroport international de Tahiti-Faa’a qui devient un véritable sujet. Il y avait un appel d’offre en cours lancé par l’État, qui a pris initialement du retard et qui vient d’être reporté car une partie des aéroports de l’État en Polynésie vont être rétrocédés au Pays. Et aujourd’hui, ça devient un vrai sujet car il y a un problème d’encombrement et le gestionnaire n’investit plus car il ne sait pas s’il va être renouvelé. Pour les compagnies aériennes cela devient un vrai sujet.

Il faut l’agrandir ? 

L’agrandir, le rénover. Du jour au lendemain, on a rajouté 40% de sièges d’avion en plus sur la Polynésie, mais il n’y a pas eu 40% de sièges en plus dans la salle d’embarquement, ou 40% en plus de tapis bagages. Il y a toujours que deux tapis bagages alors que le samedi soir on a quatre compagnies qui arrivent en même temps avec ces deux tapis bagages. De même, le nombre de guichets au contrôle de la PAF n’a pas augmenté et les services de douane sont toujours en effectif assez réduit. Donc quand on veut générer de la croissance, attirer les compagnies aériennes, il faut aussi que les infrastructures suivent. En ce moment ce n’est pas le cas et le vrai défi, il est là.