Aquaculture en Outre-mer ©Eric Volto
À l’aube d’une nouvelle année et d’une nouvelle décennie, Outremers360 a rencontré d’Alexandre Luczkiewicz, Responsable des relations et des actions Outre-mer au Cluster Maritime Français, en charge de la coordination des Clusters maritimes d’Outre-mer. Il dresse ainsi le bilan et les perspectives du secteur maritime ultramarin, définitivement tourné vers l’avenir et le développement en accord avec les entreprises, l’environnement et les populations d’Outre-mer.
Outremers360 : 2019 semble avoir été une année intense pour les activités maritimes en Outre-mer, particulièrement avec les événements de la fin de l’année (voir notre article Économie de la mer : Une séquence maritime annuelle pour réunir les Outre-mer), quel bilan tirez-vous ?
Alexandre Luczkiewicz : Des choses très positives, tout d’abord, avec une réelle prise en compte par les territoires d’Outre-mer que la mer est un vecteur de croissance durable pour les régions ultramarines. Nous travaillons à la sensibilisation du fait maritime en Outre-mer depuis 2008 environ, soit deux ans après la création du Cluster Maritime Français, et cette prise de conscience est en marche…
Cette prise de conscience passe entre autres par la création des clusters maritimes d’Outre-mer depuis 2011 (Sept à ce jour : Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Saint-Pierre et Miquelon, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie) qui rassemblent les entreprises et organisations du maritime, pour porter leurs projets et développer le secteur maritime local ; mais aussi par la création de « Direction de l’économie de la mer » au sein des régions d’Outre-mer, qui souhaitent se saisir des opportunités et mettre en place de stratégies économiques. Un exemple, avec la Semaine de l’économie Bleue organisée en mars 2019 par la Région Réunion, autour de thématiques fortes telles que la formation aux métiers de la mer, les possibilités de développement local des entreprises liées au tourisme nautique, à la croisière, à la réparation et maintenance navale.
Des signaux forts, comme la nomination en Nouvelle-Calédonie de Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge de l’économie bleue, à l’instar de Teva Rohfristch, Vice-Président du gouvernement de la Polynésie française, lui aussi en charge entre autres de l’économie bleue, nous montrent que tant sur le volet politique qu’administratif, le secteur maritime en Outre-mer est devenu un enjeu. On peut aussi citer la création pour la XVe législature d’un nouveau groupe d’études parlementaire au sein de l’Assemblée nationale appelé « économie maritime », et au sein duquel participent David Lorion (co-président du groupe et député de La Réunion), Maina Sage (député de Polynésie française), ou encore Stéphane Claireaux (député de Saint-Pierre-et-Miquelon), sans oublier la Team maritime présidée par Sophie Panonacle.
Autre signal pour finir sur un bel exemple, la Nouvelle-Calédonie a été lauréate du programme Territoire d’Innovation, parmi les 24 dossiers finalistes, seule Région d’Outre-mer et la seule avec un programme presqu’exclusivement tourné vers des projets maritimes. Ce seront donc 15 millions d’euros au bénéfice des entreprises du territoire qui se consacreront à l’expérimentation en matière d’observation océanique et de sa préservation. Une très belle victoire collective, mais d’abord des entrepreneurs calédoniens qui ont travaillé dur pour ce dossier.
Enfin, cette année aura été l’occasion de continuer les ateliers du Comité France Maritime en Outre-mer avec des visites dans les territoires, et de travailler sur des mesures règlementaires pour lesquelles il est honnête de dire que le bilan est contrasté.
Vous voulez sans doute évoquer les mesures du Conseil Interministériel de la Mer de 2017 et le Projet de Loi de Finances 2020 ?
Effectivement, nous sommes -avec la FEDOM avec laquelle nous avons un fort partenariat- toujours en attente de la parution des arrêtés fixant les pays bénéficiant de visas Schengen au bénéfice des passagers de croisière en Outre-mer, ainsi que le sort des touristes de nationalité US qui ne disposent pas de passeport mais escalent dans la Caraïbe. Ce sont deux points très pénalisants pour le secteur de la croisière et au détriment de l’économie des territoires.
Par ailleurs, si on peut se féliciter des adoptions d’amendements dans le PLF2020, par exemple de la mise en place d’une expérimentation de zones de vente « duty free » pour les croisiéristes à Pointe-à-Pitre et à Fort-de-France, ou de la diminution du critère de durée d’exploitation sur zone de 15 à 10 ans pour les activité de croisière Outre-mer, d’autres mesures n’ont pas été retenues comme l’intégration des activités du nautisme dans le dispositif des zones franches d’activité de nouvelles génération (ZFANG), ou encore de l’assouplissement du critère d’exploitation au sein de la Zone Economique Exclusive pour l’obtention de l’aide fiscale à l’investissements pour les navires de croisière.
Mais ce sont des combats de longue haleine que nous reprendrons bien sûr avec la FEDOM pour le PLF 2021 !
Vous évoquiez les activités du Comité France Maritime sur l’Outre-mer …
Oui, et pour commencer, juste rappeler ce qu’est le Comité France Maritime (CFM) : créé début 2017, instance informelle, sa philosophie est d’être une plateforme opérationnelle. Co-présidée par le Président du Cluster Maritime Français et le Secrétaire Général de la mer, il a pour but de lever les obstacles qui freinent le développement de l’économie maritime. Il repose sur un principe de co-construction, qui est à la fois interministériel, avec les filières du secteur privé maritime et les Régions. Ce schéma vise à assurer une meilleure réactivité face aux défis du développement de l’économie bleue, de produire des mesures pour les grandes lois programmatiques ou au Conseil Interministériel de la Mer, d’en assurer la mise en œuvre et les évaluer.
Dès la création du CFM, nous avons souhaité mettre en œuvre un volet Outre-mer, afin de répondre aux spécificités ultramarines. Cela se traduit concrètement par une réunion annuelle, généralement dans la continuité des Assises de l’économie de la mer, pour lesquelles les représentants des Clusters maritimes d’Outre-mer, des Régions d’Outre-mer et des personnalités politiques se déplacent), qui se tient au Ministère de l’Outre-mer en présence de la Ministre Annick Girardin, afin de faire le point sur les dossiers engagés dans l’année et se projeter dans l’année à venir, mais aussi et surtout cela se traduit par des ateliers dans les territoires afin, pour la délégation du Comité France Maritime de se rendre compte de la réalité du terrain t d’aller à la rencontre des acteurs locaux.
Sur place, ce sont des visites de sites, des rencontres bilatérales avec les entreprises du maritime, et une réunion de travail sur des thématiques bien identifiées (formation maritime, développement du tourisme et de la croisière, infrastructures portuaires, etc.).
Ainsi en 2019, trois ateliers ont eu lieu, un atelier en Martinique en février, suivi par un atelier en Guadeloupe, et enfin un atelier en Nouvelle-Calédonie en septembre dernier. En 2018, il y avait eu deux ateliers, un à St Pierre et Miquelon et un en Guyane.
Cela veut dire qu’en 2020, il y en aura d’autres ? C’est l’heure de parler de l’avenir !
Absolument ! En 2020 deux ateliers sont pour le moment prévus, très prochainement mi-février à La Réunion, et fin juin en Polynésie française. Il faut préciser que ces ateliers sont construits entre les équipes du SGmer et du Cluster Maritime, avec les préfectures/haussariat et directions de la mer, ainsi que les clusters maritimes d’Outre-mer.
Outre ces ateliers du CFM en Outre-mer, avez-vous d’autres perspectives à nous annoncer ?
Je ne sais pas si ce sont des annonces, mais effectivement nous continuons nos travaux pour développer l’économie maritime durable en Outre-mer, au bénéfice des entreprises, de l’environnement, et du social.
Avec le Comité France Maritime et son atelier « croisière », nous préparons une action d’envergure à l’occasion du salon Seatrade Global à Miami, « grand-messe » du secteur de la croisière, pour mettre en lumière les destinations françaises hexagonales et en Outre-mer.
En juin prochain, se tiendront les premières Assises de l’Economie de l’Outre-mer, consacrée à l’économie de tous les territoires d’Outre-mer, avec bien évidemment une séquence « maritime ». Cet événement, organisé par le groupe Ouest-France, l’hebdomadaire le marin et l’agence de communication Ilago, se tiendra à Paris la première année, puis en Outre-mer l’édition suivante avec une alternance ensuite ; construites en partenariat avec la FEDOM et le Cluster Maritime Français, elles bénéficient d’un très fort soutien du Ministère des Outre-mer.
Enfin, nous avons depuis quelques temps une demande par de multiples acteurs, d’aider à la création d’un Cluster Maritime à Mayotte. Depuis novembre 2018, le Conseil départemental de Mayotte a manifesté sa volonté de s’inscrire la croissance bleue dans ses priorités. Une équipe projet est en charge d’élaborer la stratégie économie bleue de Mayotte. Un travail qui se fait en concertation avec les acteurs locaux du domaine de la mer. D’ailleurs la filière pêche se réorganise, la Chambre de Commerce se penche sur les sujets des infrastructures portuaires et logistiques, autant de signaux qui nous font penser que le projet semble bientôt mûr.
En tout cas de belles perspectives pour les années à venir !
Propos recueillis par Marie Christine Ponamalé.