En cette fin d’année, il est temps de dresser un bilan de 2019 et d’entrevoir des perspectives pour l’année 2020. Ainsi, Outremers360 a rencontré le président de la CPME Réunion, Éric Leung, qui revient sur une année marquée par son élection en mars dernier, la poursuite de la stratégie de l’organisme, la visite du président de la République ou encore, les derniers chiffres plaçant l’île au bas du tableau des régions ayant créé le plus d’emploi en 2018.
Outremers360 : Pouvez-vous nous dresser un bilan de l’année 2019, quels ont été les moments importants pour La Réunion et pour la CPME ?
Éric Leung : Depuis mon élection en mars 2019, j’inscris mon action dans les pas de mes prédécesseurs, tout en déployant de nouveaux axes de travail. J’ai donc repris le flambeau de notre engagement pour la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) avec l’ancrage territorial (via notamment la Stratégie du Bon Achat et la dynamique REELLE- Ré Enraciner l’Économie Locale) et la promotion de la qualité de vie au travail (QVT). La CPME sera toujours plus en pointe sur ces questions avec la désignation de Dominique Vienne à la présidence du Haut Conseil de la Commande Publique (HCCP).
En outre, parce que la CPME est un syndicat d’idées autant que de combat, et non pas d’appareil, j’ai annoncé vouloir être au plus près de nos TPE/PME. J’entends témoigner de ce que le chef d’entreprise réunionnais est un moteur essentiel du dynamisme économique et social de notre île. J’ai lancé les Rencontres de proximité que je vais rendre plus régulières en 2020. Car il me semble que la situation économique (mais aussi sociale) réunionnaise, si elle n’est pas catastrophique, est grave. Tant sur le territoire qu’au national, la dynamique économique qui porte la croissance est cassée. On voit que les budgets de l’Etat et des collectivités locales sont contraints.
Dans ce contexte, nous entendons répondre au Président de la République qui nous a invités lors de sa visite fin octobre 2019 à être toujours plus résilient. Venu dire au monde de « Choose La Reunion », pierre angulaire d’une stratégie Indopacifique, nous lui avons répondu que les réponses au développement des Outre-mer seront aussi trouvées au sein de nos territoires où ne devons faire preuve d’intelligence collective.
Au niveau social, pour apaiser de futures tensions, nous nous engageons fortement en faveur du dialogue social territorial (DST) en prévision notamment de l’application progressive des conventions collectives nationales. Un accord de méthode a été signé en fin d’année avec les partenaires sociaux.
Nous allons poursuivre notre engagement en faveur de l’inclusion, engagé notamment avec la mise en place du Contrat Boussole porté par l’AGEFOS. Un contrat de professionnalisation dont l’État a reconnu la pertinence puisqu’il est intégré au Plan PETREL, « Priorités et rassemblement pour l’emploi local », annoncé par le Président de la République. Il nous faut passer d’une logique d’insertion à une logique d’inclusion, d’une logique de dépenses publiques à une logique d’investissement social. Ainsi, les moyens alloués à l’inclusion ne seront plus perçus comme un « coût » pour la société mais un investissement efficace de long terme. Investir aujourd’hui pour faciliter le retour à l’emploi, c’est réduire demain le chômage de longue durée et les dépenses directes et indirectes liées. C’est aussi se donner de nouveaux clients pour les biens et services que nos entreprises produisent.
Une récente étude a placé La Réunion au bas du tableau des régions ayant créé de l’emploi en 2018, avec -1% d’emploi créés. Comment se porte l’île économiquement ? Les annonces faites par Annick Girardin pour désamorcer la crise des gilets jaunes et le président de la République lors de sa visite vous-ont-elles convaincu ?
Même si les chiffres de l’emploi ont été mal orientés à La Réunion en 2018, ils ne doivent pas cacher notre courage et notre détermination. Certes La Réunion fait partie des 4 régions françaises ayant perdu des emplois en 2018, avec une diminution de 1% de ses emplois par rapport à 2017, mais ce mauvais chiffre est porté par la diminution des emplois publics (secteur tertiaire non marchand) et à une fin d’année 2018 morose, avec la crise des gilets jaunes. A contrario, selon l’ACOSS, depuis le début 2019, ce sont 7 600 emplois qui ont été créés à La Réunion dans le secteur privé.
Certes, notre taux de croissance est passé de plus de 5% avant la crise de 2008, à 3,2 % jusqu’en 2017, puis 1.7 % en 2018 (avec une inflation mesurée à 1,8%). Certes la crise des Gilets jaunes aura été le révélateur de tensions économiques et sociales trop longtemps étouffées et qui demandent des réponses fortes de notre part, notamment en faveur du pouvoir d’achat des Réunionnais et pour plus de concurrence. Mais nous restons optimistes sur l’avenir de notre économie et ne croyons pas à une spirale négative.
Nous disons en revanche, que nos entreprises se développent, dans un environnement de plus en plus contraint, et qu’il nous faut une plus grande visibilité réglementaire fiscale et sociale à moyen et long terme. Pour lutter contre le chômage, relancer l’économie réunionnais et la consommation des ménages, souvenons-nous que la création d’emplois ne sera pas le fait des emplois aidés ni des recrutements dans la fonction publique mais bien du courage et de l’ambition de nos chefs d’entreprise.
Notre résilience et notre grande adaptabilité sont toutefois fragiles et il est de plus en plus difficile pour les entreprises de résister aux chocs multiples. Nous devons faire preuve d’intelligence territoriale pour trouver les voies d’une meilleure pérennité économique.
Nous n’attendons aucune solution miracle du Gouvernement car nous savons qu’il nous appartient de dessiner notre voie vers un nouveau modèle de croissance à même notamment de répondre aux enjeux de développement durable et d’adaptation aux changements climatiques. C’est à l’échelle de chaque territoire d’outremer, que de façon unique et singulière, se dessinera une voie originale et adaptée. Mais c’est ensemble, à l’échelle nationale et surtout européenne, que nous devons préserver les outils contribuant à compenser nos contraintes nées de l’ultra-périphéricité et de l’insularité.
Quelles sont les vos grands enjeux et priorités pour La Réunion et la CPME en 2020 ?
Pour 2020, Nos ambitions s’incarnent dans un DEFI : Développer Être Faire Incarner. Nous serons d’abord, toujours plus à l’écoute de nos adhérents et allons cultiver cette relation d’interlocuteur privilégié dans une relation de proximité avec eux. La CPME Réunion s’attachera à améliorer la qualité de vie des chefs d’entreprise réunionnais. Car s’assurer de l’avenir de nos entreprises ce n’est pas seulement les défendre sur le plan réglementaire ou leur donner des leviers financiers ; c’est aussi les accompagner sur le plan humain. La qualité de vie au travail s’applique autant aux salariés qu’aux chefs d’entreprises. La vraie richesse de nos entreprises, outre ses actifs matérielles, c’est sa richesse humaine.
Par ailleurs, avec les déclinaisons de l’étude REELLE pour l’ancrage territorial, nous serons les acteurs de notre ambition pour le territoire. Le troisième axe, vise à faire de La Réunion, un territoire de référence avec les initiatives SBA (Stratégie du Bon Achat) et notre engagement continu pour la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Dernier point, et non des moindre, nous serons toujours à la pointe pour le dialogue social territorial avec, comme enjeu majeur, les modalités d’application des conventions collectives nationales à La Réunion.
Mais d’autres sujets plus techniques seront aussi sur nos tablettes. Nous porterons une contribution en faveur d’une nécessaire réforme de l’octroi de mer pour plus de transparence et plus de proximité. La future Programmation des fonds structurels européen 2021 – 2027 ainsi que la réforme de la formation professionnelle seront au centre de nos travaux. Nous veillerons aussi à ce que la concurrence soit préservée dans les outremers et notamment face à la concurrence du commerce en ligne. C’est à l’échelle de nos îles et ensuite de façon collective que nous devons nous parler et nous écouter pour construire ensemble un futur désirable. Il nous faut mieux nous connaitre et reconnaitre nos diversités, afin de mutualiser le meilleur de nous-même.
Les acteurs économiques, moteurs de développement sociétaux, seront les premiers à lancer cette dynamique en entrainant les acteurs publics et les responsables politiques. Nous y veillerons dès le début de l’année 2020 en allant au-devant des candidats aux municipales. Nous y mettrons d’autant plus de conviction que nous pensons que nos mots et actions peuvent aider à résoudre certains maux de notre société, si nous choisissons d’agir collectivement.
Propos recueillis par Marie-Christine Ponamalé.