La Réunionnaise Gaëlle Bélem vient de signer chez Gallimard, dans la collection Continents Noirs, son premier roman « Un monstre est là, derrière la porte ». Une saga familiale poignante avec en toile de fond les affres de la vie quotidienne des habitants de l’Est de la Réunion des années quatre-vingt à deux mille. Une description sans concession d’un pan de la société réunionnaise, loin des clichés habituels. Un véritable vent de fraîcheur dans la littérature réunionnaise.
Peut-être est-ce dû à sa fougue et à son énergie débordante, privilèges que confère la jeunesse. Peut-être faut-il aussi invoquer son enthousiasme et son désir ardent et pressant de raconter son île, notamment l’Est de la Réunion et singulièrement Saint-Benoît où elle a vécu jusqu’à son adolescence, avant de s’installer à Toulouse, puis à Paris pour terminer ses études littéraires à la Sorbonne.
Toujours est-il que Gaëlle Bélem ne s’est pas embarrassée de présupposés pour commettre son premier roman « Un monstre est là, il est derrière la porte ». Une gageure car Gaëlle Bélem n’hésite pas à s’attaquer – excusez du peu – à la situation de la classe sociale défavorisée réunionnaise en balayant vingt ans de leur histoire (des années 80 à 2000) pour en dénoncer les inégalités dont elle a été victime.
En effet, à travers l’histoire de la famille Dessainte, dont on ne sait si elle est réelle ou imaginaire, mais décrite comme courageuse et ambitieuse quoiqu’un brin fantaisiste voire carrément cinglée, selon les voisins, ce n’est rien moins que la vie d’une certaine société réunionnaise et singulièrement celle vivant dans l’Est de la Réunion, la région la moins peuplée et la moins dynamique de l’île, qui est passée en revue.
Un roman personnel au cœur d’un univers familier
Un roman personnel car c’est au cœur d’un univers familier que la jeune romancière, âgée de 35 ans, aujourd’hui enseignante après avoir exercé les métiers de journaliste et de chroniqueuse radio, a installé son premier livre.
Un roman qui se construit dans une Réunion où tous les éléments qui font partie de son identité intrinsèque sont réunis. Sa culture, son métissage et son mélange souvent vantés, ses traditions, ses croyances, ses paysages avec les sites naturels qu’elle recèle et qui attirent touristes et visiteurs, sans oublier sa gastronomie, ce roman offre un panorama assez large des us et coutumes de l’île et principalement de l’Est réunionnais, entre Sainte-Marie et Saint-Benoît où les difficultés se posent avec une plus grande acuité.
L’auteur en profite en effet pour dresser un tableau qui peut paraître sombre de la situation de l’île et en particulier de l’Est du territoire où se concentrent tous les maux endémiques et phénomènes d’exclusion sociale (chômage, précarité, drogue, alcoolisme…). Une description certes sans concession, mais pour autant sans misérabilisme car marqué par les velléités et les efforts de certains pour réussir.
Si ce premier roman oscille sans arrêt entre l’imaginaire et le réel, il est néanmoins écrit sur un ton rythmé, vif, parfois décalé et déroutant, empreint d’une certaine dose d’humour, avec ça et là des mots et expressions créoles qui fleurent bien la métaphore, permettant d’imager et d’enjoliver les choses comme sait si bien le faire la langue créole.
Un véritable vent de fraîcheur qui a dû séduire les éditions Gallimard pour en faire la première femme réunionnaise dont le roman est publié dans la collection Continents Noirs qui célèbre ses 20 ans cette année. Et si c’était Gaëlle Bélem, le monstre qui se cache derrière la porte, prête à bondir et occuper nos pensées jusqu’à nous ne relâchions son roman qu’une fois dévoré.