Théâtre : Mata Gabin interprète «Sur la route» le 26 mai !

Théâtre : Mata Gabin interprète «Sur la route» le 26 mai !

© MarieMC

Mata Gabin a sans aucun doute le talent d’une grande comédienne. Elle peut tout jouer, chanter la fantaisie, écrire et mettre en scène des drames ou de l’humour et même lire au milieu d’un orchestre symphonique. Après Avignon en 2018, le 26 Mai, elle sera à la Halle Pajol pour la pièce « Sur la route ». Entretien.

Mata Gabin depuis quelques mois, vous êtes régulièrement à l’affiche, selon vous est-ce que cela fait écho à votre engagement dans le livre « Noire n’est pas mon métier » initié par votre consoeur et amie Assaï Maïga ?

Je pense que c’est une réunion de plusieurs choses, une sorte d’alignement de constellation. Le livre a un effet certain sur ma carrière. Ce qui est le plus agréable c’est que ce qui passait pour de la plainte il y a quelques années est aujourd’hui du militantisme. Il a des années que je dis que l’on est en France et qu’il est étrange de dire Black. Il y a un sous-entendu là dessous qui suggère que dire noir ce n’est pas « bien ». Pour le moins grave. Et puis, le livre m’a permis de faire des rencontres et de me confronter à l’écriture, autre que théâtrale.
En ce qui concerne ma carrière de comédienne, je récolte des graines plantées il y a quelques années, et j’en plante d’autres pour le futur. La vie professionnelle ressemble à la vie. C’est un cycle et parfois les planètes s’alignent. C’est le cas pour moi en ce moment et je souhaite que l’univers continue de me regarder avec cette bienveillance.

Khadja Nin, le collectif des 16 actrices "Noire n'est pas mon mÈtier" : Nadege Beausson-Diagne, Mata Gabin, MaÔmouna Gueye, Eye HaÔdara (bijoux Boucheron, chaussures Louboutin), Rachel Khan, AÔssa MaÔga, Sara Martins (chaussures Louboutin), Marie-PhilomËne NGA, Sabine Pakora, Firmine Richard, Sonia Rolland, Magaajyia Silberfeld, Shirley Souagnon, Assa Sylla, Karidja TourÈ, France Zobda (HabillÈes en Balmain) - MontÈe des marches du film ´†Burning†ª lors du 71Ëme Festival International du Film de Cannes. Le 16 mai 2018 © Giancarlo Gorassini / Bestimage

Khadja Nin, le collectif des 16 actrices « Noire n’est pas mon mÈtier » : Nadege Beausson-Diagne, Mata Gabin, MaÔmouna Gueye, Eye HaÔdara (bijoux Boucheron, chaussures Louboutin), Rachel Khan, AÔssa MaÔga, Sara Martins (chaussures Louboutin), Marie-PhilomËne NGA, Sabine Pakora, Firmine Richard, Sonia Rolland, Magaajyia Silberfeld, Shirley Souagnon, Assa Sylla, Karidja TourÈ, France Zobda (HabillÈes en Balmain) – MontÈe des marches du film ´†Burning†ª lors du 71Ëme Festival International du Film de Cannes. Le 16 mai 2018
© Giancarlo Gorassini / Bestimage

Selon vous, qu’est-ce qui a changé depuis la parution de votre ouvrage et de la montée des marches des 16 auteurs et artistes lors du Festival de Cannes 2018 ?

Beaucoup de choses, le regard de certains professionnels sur nous, le regard de certains noirs sur leur propre communauté. Certains comprennent que notre métier nous oblige à la double lutte, et puis on a pu montrer qu’on est des courageuses des guerrières de la lumière, des amazones complètes, des oh la la, bon j’arrête. Mais sérieusement nous avions toutes la possibilité grâce à Aïssa Maïga de dire ce que l’on tait depuis des années. On passait pour des paranos chacune dans son coin, mais la réunion de nos paroles a fait prendre conscience à beaucoup que ça n’en est pas, mais bien que nous étions victimes de préjugés et de racisme. Mais les choses changent et certaines à une vitesse vraiment intéressante. Je suis profondément contente que nous, actrices noires françaises, nous nous soyons emparées de cette lutte car cela va délier des langues, ouvrir la voix et les voies. Notre projet est d’inciter les autres à prendre des initiatives et ça c’est magnifique parce que chaque action positive en engendre de nouvelles.

Vous êtes également à l’affiche de « Blanc, Bleu, Rouge de mes cheveux », le court-métrage de Josza Anjembe, de quoi cela parle t’il ?

J’ai adoré tourner avec cette réalisatrice, j’aimerai beaucoup travailler à nouveau avec elle. Le sujet est fort, c’est l’histoire d’une jeune fille qui veut à ses 18 ans prendre la nationalité française, et qui se voit obligée de changer son apparence physique pour rentrer dans le cadre afin de faire la photo qui est nécessaire à l’administration. Par le biais de ce prisme qui parait anodin, la réalisatrice soulève une question puissante autour de l’identité. Mais moi, je jouais la maman de cette jeune fille. J’ai 22 ans, alors ça ne collait pas pour le rôle… (rires)…

Le 18 avril, vous avez au côté du jeune baryton martiniquais Edwin Fardini, offert une prestation prestigieuse au Musée d’Orsay, l’avez-vous acceptée par engagement culturel ou par conviction qu’il fallait que les choses changent ?

Oui, c’était dans le cadre des soirées autour de l’exposition Le Modèle Noir. J’ai accepté pour ces deux raisons et parce que j’aime profondément la musique classique. J’en écoute chez moi, j’aime les envolées lyriques, j’aime danser chez moi et me défouler sur les doubles croches, et que ce soit du rap ou du classique, cela me galvanise. Et puis aussi le Tumulte Noir nom du spectacle auquel je participais, rentrait dans un cycle appelé le Modèle Noir, alors quand Clément Mao-Takacs, le chef d’Orchestre du Sécession Orchestra, m’a contactée l’an dernier pour m’en parler, j’ai dit oui avec un enthousiasme non dissimulé, et je ne regrette pas et je recommencerai avec un plaisir aussi fort. Et oui, il faut que les choses changent et si on ne met pas la question sur la scène on n’y arrivera pas.
Donc oui, je participe à certains projets par amour de l’art mais aussi par conviction. E puis attendez le Musée d’Orsay, tout de même, ça ne se refuse pas. Il faut aller voir l’exposition, elle y est encore jusqu’au 14 juillet 2019.

Du 15 au 17 mai, vous étiez à l’affiche à la grande Halle de la Villette. Votre nom trônant au côté du Pharaon mythique Toutânkhamon, que ressentez-vous ?

Ca m’a fait un choc de dingue, quand je suis arrivée le premier soir, je n’arrive pas à définir ce que je ressens, c’est indicible. Cependant, je me suis souvenue que la première fois que j’ai joué au théâtre à Paris, c’était déjà dans ce secteur, c’était au TILF à l’époque, un petit pavillon qui jouxte la grande halle. Puis, le premier spectacle que j’ai vu dans cette Grande Halle c’était avec Charles Berling et Alain Fromager dans un Fassbinder… Et aujourd’hui me voici à ses cotés, dans un face à face puissant dans cette pièce incroyable de Bernard-Marie Koltès. La vie est fantastique !

©Migail Montlouis-Félicité

©Migail Montlouis-Félicité

Vous jouiez au côté de Charles Berling dans «La Solitude des champs de coton», quel en est le sujet et quel est votre rôle ?

C’est l’histoire d’un dealer et d’un client qui se croisent et qui, au lieu de faire affaire, se lancent dans une joute verbale qui les mènera peut-être jusqu’à la mort… La relation toute en tension, est saturée de désir, de violence, de peurs viscérales, de mots ciselés avant l’issue fatale.

Comment on se prépare à jouer le rôle d’un homme face à un grand nom du théâtre français, sans perdre sa féminité ?

On a toujours un peu le trac bien sûr face à un tel acteur, face à ce genre de texte mais le travail est là pour guérir cela. Dès qu’on s’investit dans le texte, les peurs s’estompent et on voit l’objectif autrement. On avance pas à pas, on prend la mesure chaque jour de la distance à parcourir entre le rôle et soi, on essaie de mieux la réduire. Et puis c’est une bonne chose de « flipper », d’être impressionnée. Comme cela, on se crée son propre challenge et on réussit à bien faire.

© ©Jean-Louis Fernandez

© ©Jean-Louis Fernandez

On vous retrouve le 26 mai à la Halle Pajol au côté de vos consoeurs Rachel Khan et Aya Cissoko dans « Sur la route ». C’est une pièce qui vous tient beaucoup à cœur, pourquoi ?

C’est d’abord un superbe texte de Anne Voutey mis en scène par deux femmes Karima Gherdaoui et l’auteur elle-même. Nous avons eu grand plaisir à la présenter au Festival Off d’Avignon avec d’autres comédiennes. La pièce s’inspire de la violence des policiers envers une jeune afro-américaine au Texas en juillet 2015, un fait qui a bouleversé les Etats-Unis. On y retrace la dernière journée de Sandra Bland âgée de 28 ans, pendue dans sa cellule après avoir été arrêtée pour une simple infraction routière. On retrace son portrait avec des touches d’humour et de poésie. La mise en scène interroge surtout sur le sexisme et le racisme, interpelle sur la thèse du suicide évoquée par la police, et désavouée par sa famille.

Comment Mata Gabin, la chanteuse s’inspire, de quoi et de qui ?

L’inspiration c’est comme les émotions, elle vient sans crier gare et elle repart aussi comme ça. Quand je suis en tournage, quelquefois je suis inspirée par une situation, un mot un mouvement et j’ai une chanson qui chatouille mon coeur et qui le pénètre. Parfois lorsque je peins, c’est mon tableau qui m’inspire la chanson, et plus simplement la vie de tous les jours, les amours, les amants, les maîtresses, les désillusions, les échecs.
Tout est inspirant ! Bien sûr que tout ne devient pas des chansons mais toutes les situations de ma vie peuvent trouver leur place sur quelques notes de guitare.
J’apprends à composer et je montre mes petites inventions à Miss Nath ma guitariste attitrée et ensuite elle retravaille cela et les transforme en mélodies avec des paroles tout en harmonie. J’aime écrire, j’ai toujours aimé ça. Je tiens un journal depuis l’âge de 16 ans, alors vous imaginez tout ce que j’ai en stock.
Quand je manque d’inspiration, je me fais des hold-up personnels dans mes anciens écrits. J’y ai le choix : des colères, des nouvelles, des poèmes et j’en tire les phrases qui correspondent à ce que je vis à l’instant et hop, ainsi naît une nouvelle chanson.

©Migail Montlouis-Félicité

©Migail Montlouis-Félicité

Que représente pour vous le métissage africain-martiniquais qui sont deux de vos origines ?

Je ne sais pas ce que ça représente mais je sais ce que je ressens. Je me sens pleine de plusieurs cultures, je suis comme un « Kaméléon » qui peut s’adapter à son environnement sans être une autre, mais tout en faisant à Rome comme les Romains. Je pense que le monde sera de plus en plus métissé, cela est obligé, vu les mouvements de populations, vu les migrations.
Les êtres humains sont des aventuriers, ils aiment chercher, partir, aller à ici et là et découvrir. Moi je viens d’une famille antillaise, corse, africaine et donc je peux dire que les goûts et les couleurs différentes, c’est pour moi une sorte de norme.
L’avenir est dans le métissage, le métissage est notre avenir. Il faut que l’on prenne soin les uns des autres pour réussir au mieux notre vivre ensemble.

©Migail Montlouis-Félicité

©Migail Montlouis-Félicité

Quels sont vos projets au cinéma, au théâtre ou en scène musicale ?

Me voilà, Mata en quelques dates :
– le 26 mai « Sur la route » une pièce d’Anne Voutey à la Halle Pajol Paris 18
ème à 19h30
– le 29 mai tournage dans une web-série « Bonnes nouvelles » réalisée par Camille
Plagnet
– le 1er juin « Puissance et Trahison d’un père » de J.M. Noirey, lecture au
Festival de Théâtre RUE au Théâtre du Beffroi dans le Crotoy
– le 6 juin Mata Gabin Muzik en concert à l’Etage Paris 10ème
– le 22 juin concert privé Mata Gabin Muzik
Je n’ai pas de projet de cinéma dont je pourrai parler, rien n’est encore signé.
Voilà. Voilà.

Propos recueillis par Migail Montlouis-Félicité

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