Le phénomène de réchauffement des eaux équatoriales du Pacifique Ouest en Est, plus communément appelé El Nino, atteindra cet hiver un niveau historique. Si les effets se font déjà sentir en Amérique (Nord et Sud), les îles du Pacifique sont en première ligne et les populations insulaires s’attendent à une saison chaude ponctuée de cyclones.
Été 2015, la Californie connait une sécheresse des plus impressionnante, et l’hiver en approche pourrait bien changer la donne. Le phénomène El Nino inquiète les experts météorologique. Brièvement, El Nino désigne le réchauffement des eaux équatoriales du Pacifique. En juillet, il avait déjà atteint un niveau « historique », surpassant les températures de 1997/1998 et 1982/1983. De fortes pluies sont attendues sur la côte Pacifique des Etats-Unis avec des dégâts exacerbés par la sécheresse estivale ; les sols ne permettront pas l’infiltration des pluies, entrainant ainsi inondations et glissement de terrain. Plus au sud, la Colombie connait aussi une sécheresse rarement vue (et vécue), tandis que le Pérou s’attend à des pluies diluviennes, synonymes d’augmentation des virus et maladies. Aux mois d’Aout et Septembre 2015, trois ouragans ( Ignacio, Kilo et Jimena) se sont formés simultanément dans le Pacifique Nord, frôlant tour à tour les îles Hawaï. Le Mexique a lui croisé le chemin de Patricia, c’était le 23 octobre et un des cyclones les plus impressionnant jamais enregistré (catégorie 5).
Touché par le phénomène, l’océan Indien s’y prépare également. On annonce une saison plus chaude d’un degré en moyenne sur l’île de la Réunion, fortes pluies et possibilité de cyclone en prévision. Chapala, de catégorie 4, a créé la surprise en déferlant sur le Yémen fin octobre. Les pertes sont considérables : 8 morts et environ 200 blessés. Une semaine après, le Pays essuie l’assaut de Megh, un autre cyclone. On attend d’autres conséquences sur le globe, climatiques d’abord ; sécheresse en Australie, typhons en Asie-Pacifique (les Philippines ont d’ores et déjà croisé le typhon Koppu), très fortes pluies en Amérique du Sud. D’autre part, l’agriculture, la pêche, le tourisme sont en première ligne des conséquences économiques. Avec la COP 21 qui approche à grand pas, El Nino semble aussi caler son agenda sur celui de la politique mondiale. Les météorologues planchent plus que jamais sur un probable lien entre « l’enfant terrible du Pacifique » et le réchauffement climatique.
C’est dans le Pacifique sud que la tension est plus palpable. En première ligne du phénomène, des cyclones sont attendus sur cette vaste région composée d’îles hautes et d’atolls et déjà en proie à l’élévation de l’océan liée au réchauffement climatique. Souvent épargnée des cyclones lors des saisons chaudes (le dernier remonte à 2011), la Polynésie française a plutôt l’habitude de voir ces puissantes tempêtes déferler chez ses voisins du Pacifique, Nouvelle-Calédonie comprise. Cette année, El Nino promet de réveiller le spectre des années 82-83 : près de 5 cyclones ont balayé son large territoire. Fin aout, un hoax annonçant l’arrivée imminente d’un cyclone a vivement fait parler de lui. Face aux fausses alertes et aux polémiques qui s’en suivent, le Haut-commissaire de la République fait figure d’autorité et 270 000 paires d’oreilles sont suspendues au moindre mot prononcé par le représentant de l’Etat et le Gouvernement local.
À Tahiti et partout ailleurs en Polynésie, la population s’active à être prête le moment venu. On appelle l’assurance, prépare des stock d’eau potable, de nourriture et de piles pour la radio. On sécurise les habitations et se prépare à une éventuelle évacuation. Dans beaucoup de quartiers, on entend le cri strident des tronçonneuses élaguant les arbres menaçants. Quant aux quincailleries, elles sont prises d’assaut pour les achats de cordes, un véritable coup de pouce pour le chiffre d’affaire. Les plus prudents barricadent leurs foyers à l’aide de contreplaqués. Les nouvelles technologies s’y mêlent aussi. L’application FireChat, lancée aux Etats-Unis, promet de rester connecté au Monde en cas de catastrophe naturelle et même sans connexion. Une aubaine pour les insulaires souvent coupés du reste en période cyclonique. Pour l’heure, El Nino ne s’est pas explicitement manifesté dans cette partie du globe, un répit supplémentaire. Mais le risque pour la collectivité de se trouver sur la trajectoire d’un cyclone est de 90%, de Novembre à Avril 2016, date à laquelle le phénomène El Nino est censé s’affaiblir.