Portrait-Yannick Lebrun, danseur professionnel à Alvin Ailey American Dance Theater à New York : « Ce serait un rêve de pouvoir créer un ballet inspiré par la culture guyanaise »

Portrait-Yannick Lebrun, danseur professionnel à Alvin Ailey American Dance Theater à New York : « Ce serait un rêve de pouvoir créer un ballet inspiré par la culture guyanaise »

A 31 ans, le Guyanais Yannick Lebrun a fait de son rêve d’enfant sa profession. Il est l’unique danseur français actuellement de la célèbre compagnie new yorkaise …Pour Outremers 360, il retrace son parcours et ses conseils pour la jeune génération de danseurs ultramarins.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours et comment êtes-vous arrivé chez Alvin Ailey?

Je commence la danse dès l’âge de 9 ans en Guyane à l’Adaclam. Une association présidée par Mme Jeanine Vérin. Je démarre avec la danse classique et petit à petit je m’oriente vers le modern jazz, le contemporain, le hip hop. J’effectue de nombreux Concours de danse Régionaux et Nationaux (organisés par la Confédération Nationale de Danse) entre 1997 et 2004 en remportant plusieurs 1er prix dont certains á l’unanimité et avec les Félicitations du Jury. Très jeune je me fais déjà repérer par plusieurs professeurs de danse et drecteurs d’écoles dans l’Hexagone et à New York.

En 2004, baccalauréat ES en poche à 17ans, j’obtiens une bourse pour intégrer l’école Alvin Ailey à New York grâce à Denise Jefferson, alors directrice de l’école. En effet deux années de suite Denise Jefferson participe au jury du concours régional de danse en Guyane et me repère. C’est donc grâce à elle que j’ai pu me rendre à New York en 2002 et 2003 pour des stages d’été.

En 2006, je suis sélectionné parmi les douze meilleurs élèves de l’école Alvin Ailey pour faire partie de la compagnie Junior : lacompagnie Ailey 2. Ce qui est déjà un exploit car le nombre d’élèves est très élevé chaque année.

En 2007 (appartenant toujours à la compagnie junior), Judith Jamison, alors directrice artistique de la première compagnie « Alvin Ailey American Dance Theater » me choisit pour remplacer un des danseurs blessé lors de la grande saison de City Center à NY.

C’est ainsi qu’en 2008, j’ai la chance d’être engagé d’office par cette compagnie, sans même participer à l’audition annuelle de recrutement, ce qui est exceptionnel, du jamais vu. En effet cette audition est absolument obligatoire chaque année.

Je suis donc sur ma 11ème année avec la célèbre compagnie Alvin Ailey American Dance Theater et seul français actuellement.

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Aujourd’hui vous êtes l’un des danseurs phares de la compagnie Alvin Ailey. Comment analysez-vous votre évolution ?

Alors c’est vrai qu’à présent je fais partie des danseurs principaux de cette compagnie. Il a fallu travailler dur pour arriver à ce stade. D’année en année j’ai gagné en maturité. Avoir eu la chance de travailler avec différents chorégraphes internationaux m’a permis d’évoluer en tant qu’artiste et chorégraphe. A 31 ans j’approche certains ballets différemment que lorsque j’avais 21 ans.

En 2011, j’ai parti du top 25 des danseurs à suivre aux USA dans le célèbre « Dance magazine». Pendant l’été 2013 j’ai figuré dans le classement des 50 Français qui brillent aux États-Unis dans le magazine « France-Amérique ».

En Novembre 2016, je faisais partie des artistes invités par le Royal Ballet de Londres à danser dans la pièce «Chroma » du chorégraphe Wayne McGregor.

Mais la période qui a vraiment représenté un tournant dans ma carrière a été la saison 2016-2017 lorsque je figurais sur le fameux Poster annuel d’Alvin Ailey. Un rêve devenu réalité. Venir de Guyane et me retrouver partout à NY ( Métros, Bus, Taxis) et dans plusieurs villes américaines fut une énorme récompense pour tous les sacrifices que j’ai du faire. Jamais un français n’était arrivé à une telle consécration au sein de cette compagnie américaine.

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Quel regard portez-vous sur l’univers de la danse en Guyane et en Outre-mer, plus largement ?

Je trouve que de plus en plus de jeunes prennent goût à la danse en Guyane et en Outre Mer. Le niveau augmente d’année en année et cela se voit aussi dans les différents concours de danse régionaux ou nationaux. Il y a énormément de talents ultramarins qui osent petit à petit prendre des risques, se former en France ou à l’étranger et commencer une carrière dans la danse. D’ailleurs je rencontre certains d’entre eux, après certaines représentations ou à New York par exemple, et me disent qu’ils ont été inspiré par mon parcours.

Comment pourrait-on définir le style de l’Alvin Ailey American Dance Theater ?

C’est une compagnie de danse Moderne fondée en 1958 par Mr Alvin Ailey. Elle était à la base créer pour préserver l’héritage de la danse Moderne Américaine et célébrer la culture Afro Americaine. La compagnie Alvin Ailey est connue pour la virtuosité des danseurs qui peuvent passer d’un ballet contemporain ou néo classique, à de l’africain ou du hip hop et finir avec le chef d’oeuvre « Revelations » de Mr Alvin Ailey par exemple. Elle est aussi connue pour l’émotion que les ballet dégagent. Nous avons un répertoire très varié avec des styles complètement différents.

60 ans après sa création, la compagnie Alvin Ailey est très imprégnée de la culture afro-américaine. Peut-on imaginer un jour un ballet avec des sonorités guyanaises?

En effet nous célébrons cette année les 60 ans de la compagnie Alvin Ailey. Je me lance petit à petit dans la chorégraphie et ce serait bien sûr un rêve de pouvoir créer un ballet pour cette compagnie inspiré par la culture Guyanaise.

Après le succès en 2017, la compagnie Alvin Ailey entame une nouvelle tournée européenne en 2018. A quoi doit s’attendre le public ?

Cette année nous nous rendons en Grèce et en Suisse. Le public doit s’attendre à plusieurs styles de ballets. Des programmes donc très variés. « Stack Up » de Talley Beatty, « Four Corners » de Ronald K Brown, « Members Don’t Get Weary » de Jamar Roberts, « Mass » , « In/Side », «Ella » du Directeur Artistique Robert Battle, «Winter in Lisbon » de Billy Wilson. Et enfin notre signature « Revelations » d’Alvin Ailey, le ballet de danse moderne le plus populaire au monde.

Capture d’écran 2018-09-08 à 15.35.24                                    Dans la pièce « Stack Up », © Paul Kolnik

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes ultramarins apprenti(e)s danseur(euses) qui se prédestinent à la danse classique et au ballet?

A tous ces jeunes ultramarins qui souhaitent continuer dans la danse et se voient évoluer dans une grande compagnie, je leur dirai que rien est impossible. Il ne faut surtout pas se relacher car le travail finit toujours par payer. Il faut aussi rester fixer sur ses objectifs et ne pas se laisser décourager par le moindre échec ou la moindre parole négative. S’ouvrir vers d’autres styles de danse est aussi très important pour pouvoir devenir un danseur pluridisciplinaire. Enfin, rester patient avec soi même car le succès n’arrive pas tout de suite.

© NYC projet

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