La députée de Guadeloupe Justine Benin, rapporteur de la commission d’enquête parlementaire ©SIPA
Qui est responsable ? Comment réparer ? Après six mois d’auditions, la commission d’enquête parlementaire sur l’utilisation aux Antilles du chlordécone, pesticide dangereux qui a pollué les sols à long terme, rend mardi ses conclusions sur ce qu’Emmanuel Macron qualifie de « scandale environnemental ».
La commission s’est notamment penchée sur les responsabilités de cette pollution qui a infiltré les sols antillais pour des centaines d’années et qui est suspectée d’être à l’origine de cancers de la prostate, très nombreux aux Antilles. Selon Santé Publique France, 95 % des Guadeloupéens et Guadeloupéennes et 92 % des Martiniquais et Martiniquaises sont aujourd’hui contaminées par le produit, perturbateur endocrinien qui a aussi des incidences sur le développement des enfants exposés pendant la grossesse, avec une hausse des risques de prématurité notamment.
Pour la députée de Guadeloupe Justine Benin, rapporteuse de la commission d’enquête, qui s’exprimera lors d’une conférence de presse mardi, « l’État est le premier responsable », mais « ces responsabilités sont partagées avec les acteurs économiques » de l’époque.
« Aveuglement collectif »
L’usage du chlordécone aux Antilles est le « fruit d’un aveuglement collectif », dans lequel l’État « a sa part de responsabilité », avait déjà reconnu Emmanuel Macron lors d’un déplacement en 2018 aux Antilles. Le chlordécone, répandu dans les bananeraies pour lutter contre un insecte ravageur, a été interdit aux États-Unis dès 1975, mais autorisé en France de 1972 à 1990, et même jusqu’en 1993 aux Antilles, où il a bénéficié d’une dérogation.
A Paris, en Martinique et en Guadeloupe, des responsables d’administrations et des services de l’État ont été entendus, ainsi que des agences sanitaires, des experts et expertes scientifiques, les producteurs et productrices de bananes, les industriels et industrielles, d’anciens élus et élues locales, ainsi que des associations. Plusieurs ministres (Outre-mer, Santé, Agriculture, Recherche), ont également été convoqués. « La responsabilité de l’État est aujourd’hui reconnue et engagée », a symboliquement déclaré la ministre des Outre-mer Annick Girardin.
Une série de mesures
La commission a aussi étudié les conséquences économiques, sociales et environnementales de cette pollution, car le chlordécone se retrouve aussi dans l’eau, certains légumes, viandes et poissons, entraînant des interdictions de cultiver certains produits et des interdictions de pêche.
Justine Benin va proposer une série de mesures de réparations des préjudices économiques, notamment pour les filières de l’agriculture et de la pêche. En matière de réparation aux malades, la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, inscrite dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2020 récemment adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, apporte une première réponse, mais « limitée » et « incomplète », ont déploré à plusieurs reprises les membres de la commission d’enquête lors des auditions.
Justine Benin proposera également des pistes pour améliorer la prévention et la recherche scientifique, car les auditions ont mis en lumière des défaillances en la matière, pour mieux connaître les impacts sur la santé mais aussi trouver des solutions pour dépolluer les sols. Enfin, face aux insuffisances des différents plans Chlordécone lancés par l’État depuis 2008, la rapporteuse prévoit des préconisations pour le 4e plan prévu en 2020.
Avec AFP.