Négritude : Le poète Thierry Sinda “On retrouve l’idée de fraternité et de revalorisation du monde noir” – EXCLU

Négritude : Le poète Thierry Sinda “On retrouve l’idée de fraternité et de revalorisation du monde noir” – EXCLU

En juin dernier, l’association des étudiants africains de la Sorbonne se sont donnés rendez-vous pour remettre le prix Césaire de la langue française. Thierry Sinda a participé à cet événement. Poète français d’origine congolaise, il est le fils de Martial Sinda, premier poète de l’Afrique équatoriale française. Thierry Sinda est aujourd’hui professeur de lettres, critique cinéma pour le magazine Amina et a également rédigé une thèse sur la négritude. En 2003, il publie un drame poétique “Voyage en Afrique à la recherche de mon moi enivré” aux éditions Atlantica. Thierry Sinda a d’autres occupations puisqu’il est également le fondateur et le président du Printemps des poètes d’Afrique et d’ailleurs. Pour Outremers 360, Thierry Sinda revient sur la négritude et donc sur le message qu’il a voulu véhiculer à travers sa thèse mais également sur cette culture noire, “trop peu enseignée” à son goût.

Pourquoi venir soutenir la remise du prix Césaire ?

Toute initiative qui est à destination des jeunes, qui sont l’avenir de demain, les aînés se doivent d’apporter leur expertise et leurs connaissances dans ce type d’événements. Je suis d’autant plus attentif lorsque c’est fait par de jeunes étudiants dont les parents de nombreux d’entre eux sont issus de l’immigration et notamment, de l’immigration africaine. Bien que vivants sur les bords de la Seine, ils ont tout à fait le droit de connaître leur histoire qui est malheureusement mal étudiée et peu enseignée dans les universités françaises. Quand vous allez aux États-Unis, vous avez les Black studies ou les African studies. Il y a encore un travail à faire de la part des universités françaises.

Un documentaire sur Paulette Nardal et ses soeurs [inspiratrice du courant littéraire de la négritude, ndlr] a été diffusé lors de la remise du prix Césaire. Que représente Paulette Nardal ?

Les soeurs Nardal représentent un maillon du mouvement littéraire et culturel de la Négritude. La grande originalité vient du fait qu’à partir de 1931, grâce à la Revue du monde noir qu’elles ont co-fondé, la Négritude cesse d’être une histoire d’hommes.

Vous avez d’ailleurs écrit une thèse au sujet de la Négritude. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai travaillé sur les poètes révoltés de la Négritude aussi bien celle de la génération des années 40 que l’on retrouve dans l’anthologie de Senghor dès 1948 que celle des années 50 que l’on retrouve dans l’anthologie de Langston Husk. Il y a au moins trente poètes. Vous avez le truimvirat du mouvement poétique de la négritude : Senghor, Césaire et Damas. Dans les années 50, vous avez Bernard Dadier, Paulin Joachim, David Joppe, Martial Sinda etc …

Quel message souhaitiez-vous faire passer ?

Le message est simple, c’est un travail scientifique qui porte sur un corpus beaucoup plus étendu que les trois auteurs. J’ai fait une étude comparée entre tous les auteurs pour montrer qu’il y a vraiment un lien. Parmi ce lien, on a l’idée de fraternité, de revalorisation du monde noir, d’affirmation culturelle. C’est un mouvement anti-colonialiste. Ces auteurs ont une thématique et un style commun. Ils étaient en fait dans la lignée de René Marran qui en 1921, ouvre le bal de la négritude avec son roman Batouala, véritable roman nègre et qui a le prix Goncourt en 1921. Mon travail consistait à reconstituer le puzzle de la négritude qui est mal connu.

 

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En mai 2013, le poète Thierry Sinda a publié une anthologie sur les nouveaux chevaliers de la poésie du monde noir (dr: Orphie)

Vous êtes le fondateur du Printemps des poètes d’Afrique et d’ailleurs. Quelle place tient la poésie ?

Le festival a été créé en 2004. J’avais sorti un ouvrage de poésie qui s’appelle “Voyage en Afrique à la recherche de mon moi enivré” et une nouvelle libraire africaine Andwe voulait en faire la promotion et j’ai pensé que c’était plus intéressant de réunir plusieurs poètes d’Afrique, de l’océan indien et des Caraïbes. Je me suis rendu compte que nous avions la même thématique à savoir la revalorisation culturelle du monde noir. C’est à ce moment que j’ai appelé ce mouvement néo-négritude.

En 2011, c’était l’année des outre-mers. Comment cela s’est traduit au Printemps des poètes d’Afrique et d’ailleurs ?

Notre poésie rend toujours des hommages à des grandes figures du monde noir, à des événements qui ont marqué le monde noir donc on a fait Poètes des outre-mers d’hier et d’aujourd’hui. Nous avons montré que la poésie des Afriques existe bien et qu’elle est contemporaine. Elle ne s’est pas terminée avec Senghor ou Césaire. Il existe une connexion qui est Paris. A Paris, c’est justement ça la particularité de la négritude, il y a des gens qui viennent de la Caraïbe, des gens qui viennent d’Afrique francophone, de l’océan Indien et tous ses auteurs se sont rencontrés. Ils mettent en commun leur culture qui a comme base première l’Afrique puisqu’on a affaire à une diaspora. Il y a une branche verticale avec la culture africaine et la branche horizontale avec les mêmes préoccupations qui étaient de bouter le colonialisme, retrouver sa liberté. Aujourd’hui encore, nous avons le racisme qui est partagé par les gens venus de la Caraïbe, de l’océan Indien et d’Afrique et je dirais même tous les autres. Il y a ce dénominateur commun qu’est la lutte contre le racisme qui est encore très présent dans notre société.

Dans cette interview, Thierry Sinda revient sur des poètes peu connus du mouvement de la négritude

En mars dernier, le Printemps des poètes d’Afrique et d’ailleurs avait pour thématique centrale, les poètes insurgés. L’occasion pour Thierry Sinda d’animer une conférence-débat sur l’insurrection du mouvement littéraire de la négritude. Le thème de l’année prochaine n’a pas encore été dévoilé.