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Ancien Journaliste, Grand reporter et Directeur de l’antenne Nouvelle-Calédonie la 1ère, Benoît Saudeau a publié en novembre 2017 son roman Presque Îlien, un « roman d’amour » entre un jeune fonctionnaire et la Nouvelle-Calédonie. A travers son regard d’observateur averti, Benoît Saudeau confie ses inquiétudes post-référendum d’autodétermination, mais aussi ses espoirs pour ce pays, qui « a ce génie de trouver une solution au dernier moment ». Interview.
Outremers360 : Pouvez-vous nous parler un peu de ce livre ? Est-ce une autobiographie, un hommage à la Nouvelle-Calédonie ?
Benoît Saudeau : Je ne suis pas suffisamment vieux pour faire une autobiographie. En revanche, il est clair que dans un livre, un récit ou un roman, on met beaucoup de soi-même par définition. Donc c’est un récit, une fiction, mâtinée de tout ce que j’ai pu vivre en quinze ans en Nouvelle-Calédonie, où j’ai pu vivre sur une amplitude de trente ans : des années 80 aux années 2010. C’est une histoire romancée de quinze années qui ont vu les événements, la négociation sur l’après événement, et la remontée des inquiétudes que l’on constate en même temps.
Le livre se présente un peu comme un roman d’amour entre un jeune fonctionnaire qui est allé faire son stage de l’ENA au Haut-commissariat de Nouvelle-Calédonie, et qui, au terme de son stage, doit revenir en France. Mais il s’aperçoit au moment où il rentre dans l’avion qu’il a sans doute raté quelque chose d’important dans sa vie. Cette fois-ci, il ne s’en va pas de la Nouvelle-Calédonie, il tourne une page et sent qu’il est en train de rater sa vie.
Pendant toute sa carrière en France, il traîne de sous-préfectures en Ministères et ne rêve que d’une seule chose : retourner en Nouvelle-Calédonie. Il y retourne finalement au bout de trente ans et retrouve un certain nombre de personnages qu’il a connu, qui ont changé car les événements sont passés par-là et il se demande s’il doit repartir avec ces personnages ou y rester… Le problème est de savoir : est-ce que la France et la Nouvelle-Calédonie, à la veille du référendum, vont se trouver, se retrouver, se quitter, et dans quelles conditions ?
Ce n’est pas mon histoire, même si on y retrouve un certain nombre de personnes que j’ai pu rencontrer en brousse, en tribu, à Nouméa, …
Vous avez observé les trente dernières années passer. Le référendum a finalement eu lieu comme prévu en novembre dernier. Quoi maintenant ? Quoi après ?
Je ne veux pas être celui qui juge de loin. Je reste un observateur comme je l’ai toujours été. Je reste bienveillant avec la Nouvelle-Calédonie car c’est mon pays d’adoption. Je suis tout de même inquiet du fait que la seule question qui vaille c’est oui ou non à l’indépendance. On sait l’impossibilité d’une troisième voie en Nouvelle-Calédonie parce qu’on la cherche depuis des années. Je pense en revanche qu’il est mortifère d’organiser toute la vie en Nouvelle-Calédonie autour du oui ou du non. Le jour où on se posera vraiment la question de savoir comment, avec ce que l’on est -c’est-à-dire avec toutes les bonnes raisons qu’on a de se taper dessus-, on peut faire pour vivre ensemble. À ce moment-là, on aura avancé.
Toutefois, nous sommes à Paris, pas en Nouvelle-Calédonie. Il y a des histoires qui s’entremêlent et se superposent et il est très compliqué d’y vivre en paix. Mais la Nouvelle-Calédonie a ce génie de trouver une solution au dernier moment. J’espère qu’on la trouvera et surtout, qu’on ne revive plus jamais les événements. Ce qui est dommage, c’est qu’on ne se soit pas davantage intéressé aux questions du quotidien : comment vivre, survivre ou bien vivre ?
Vous avez fait le choix dans votre roman de ne jamais nommer la Nouvelle-Calédonie, pourquoi ?
La question que je pose est un peu une question universelle. C’est la rencontre entre une personne et un pays : le fait de s’accepter différent, d’aimer un pays qui n’est pas le sien au-delà de ce que l’on peut imaginer, le fait d’être bienveillant et de s’inquiéter pour ce pays. Qu’il s’appelle la Nouvelle-Calédonie ou qu’il porte un autre nom, pour moi, c’est la même chose. Les gens qui connaissent la Nouvelle-Calédonie la reconnaitront, les gens qui ne la connaissent pas pourront imaginer qu’effectivement les choses se passent comme ça.
Une confidence : dans les deux voire trois manuscrits que j’ai en cours, on est sur la même formule de pays ou d’îles qui ne sont pas nommés.
Il est vrai que vous avez beaucoup travaillé dans les Outre-mer…
Les problématiques guadeloupéennes, tahitiennes ou calédoniennes ne sont pas les mêmes. En revanche, ce qui est similaire, c’est que lorsqu’on vient de l’extérieur, comme moi, c’est comment avoir la bienveillance avec les gens qui vous accueillent, sans complètement s’effacer, rester à sa place, modeste, notamment en Nouvelle-Calédonie, mais ne pas s’excuser d’être ce qu’on est. Je pense que ce pays, la Nouvelle-Calédonie, a la chance extraordinaire d’être un pays métissé, qui s’enrichit de toutes les populations, les cultures, les histoires et les normes. Ça serait un gâchis que l’on ne s’appuie pas sur cette richesse pour en faire le pays génial qu’il devrait être, qu’il est d’ailleurs à beaucoup d’égards. Mais tant que pèse la menace oui ou non, j’ai le sentiment qu’il n’avancera pas.