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En coulisses, 120 danseurs et musiciens vêtus de somptueuses tenues végétales poussent un grand cri pour évacuer la pression, avant d’entrer sur la scène de To’ata à Papeete, devant 4.000 spectateurs. Ce concours de danse, C’est le Heiva i Tahiti, la grande fête culturelle des Polynésiens et un des festivals culturels les plus anciens au monde.
A 31 ans, Rainui Atapo ne danse que depuis cinq ans. Mais ce soir, il va diriger un clan pour illustrer une légende de l’île de Rurutu : « on va faire un fata, c’est un peu comme un haka marquisien, c’est une danse-combat », explique-t-il. A ses côtés, deux Mexicaines. « Danser au Heiva, ça me fait entrer en communion avec la nature et la culture polynésienne, je ressens à la fois toute la force et la douceur de cette danse », confie Isabel Lezama. « Les Tahitiens sont tous proches de leur culture, mais au quotidien, pas seulement quand ils dansent… et ce soir, je me sens tahitienne ! », glisse son amie Maria José. Toutes deux ont découvert le Ori Tahiti (danse tahitienne) au Mexique, et d’autres étrangers, notamment du Japon, participent au Heiva, qui a lieu chaque année en juillet.
De l’autre côté d’un mur de bambous, sur la scène, un autre groupe danse une légende: l’île de Tahiti est un poisson, qui nage vers le soleil levant. Mais les dieux la punissent d’avoir désobéi à l’île sacrée, Ra’iatea : ils font couper ses tendons, et l’immobilisent à jamais. Aucun des danseurs n’est professionnel, mais ces dernières semaines, ils ont passé toutes leurs soirées à répéter leurs chorégraphies ou à préparer les costumes, que chacun confectionne lui-même.
Si les chants et danses sont les concours les plus prestigieux du Heiva, tous les pans de la culture polynésienne sont représentés. Quelques jours plus tôt, le Tahua (grand prêtre traditionnel) Raymond Graffe avait ouvert le Heiva par le umu ti : une marche sacrée sur des pierres brûlantes. Même si la plupart des Polynésiens sont aujourd’hui chrétiens, ils ressentent encore le Mana (que l’on peut traduire par le pouvoir, la force) de ces rites ancestraux.
Concours de grimper de cocotier
Les artisans, eux, s’affrontent dans des épreuves de tressage, de sculpture, ou de création de bijouterie traditionnelle à base de nacre et de coquillages. Les sportifs soulèvent d’énormes pierres, courent avec de lourdes charges de fruits, tentent d’atteindre une noix de coco perchée à plus de sept mètres de haut avec un javelot, ou de décortiquer un tas de noix de coco le plus rapidement possible. Concours de pêche à Raiatea, course de pirogues doubles à Huahine : chaque île fait son Heiva comme elle l’entend.
Tahiti a même organisé les premiers championnats du monde de grimper de cocotier. Ils venaient de Polynésie française (Tahiti, Bora Bora, Huahine et les Australes), mais aussi de tout le Pacifique, de Hawaï jusqu’aux Îles Samoa. Et c’est un athlète de Rarotonga, aux Îles Cook, qui a décroché la médaille d’or : Georges Iona est monté à huit mètres de haut en moins de six secondes (5’62), un centième devant le favori samoan. Et une nouvelle discipline inspirée des combats d’autrefois intègrera les épreuves de tu’aro maohi (sports traditionnels polynésiens) en 2018 : la lutte polynésienne, telle que la pratiquaient les guerriers des temps anciens. Le Heiva s’achèvera le week-end prochain, avec les prestations des groupes de chants et danses vainqueurs cette année.
Avec AFP.