Foha Tau, la série 100% Wallisienne du jeune réalisateur Anthony Taitusi

Foha Tau, la série 100% Wallisienne du jeune réalisateur Anthony Taitusi

Jeune réalisateur, Anthony Taitusi fait parler de lui avec sa série « Foha Tau ». Tournée sur l’île d’Uvéa (Wallis), elle raconte l’histoire d’un jeune voyageur polynésien à la recherche de ses racines paternelles. Le métissage, le respect des forces de la nature ou encore la persévérance sont les messages principaux que souhaite promouvoir Anthony Taitusi à travers sa série. Pour Outremers360, le jeune réalisateur raconte son parcours, sa série, ses objectifs et perspectives et nous livre son regard sur la production audiovisuelle wallisienne. Rencontre.

Peux-tu nous raconter ton parcours, ce qui t’a amené à la réalisation, les formations que tu as suivies pour arriver où tu es aujourd’hui ?
J’ai toujours voulu réaliser inconsciemment depuis l’enfance. La télévision et le cinéma ont toujours été très présents dans ma vie. Vivant seul avec ma mère et de nature solitaire, je me suis vite réfugié dans l’imaginaire. Après une adolescence difficile, je me suis repris en main, j’ai décidé de reprendre mes études pour pouvoir m’engager dans une licence de cinéma. J’ai fais 3 ans de formation à l’Ecole internationale de création audiovisuelle et de réalisation à Paris, depuis je fais des films.

©Facebook Foha Tau

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Que raconte ta série Foha Tau ? Quelle est le message de cette série ?
La série a un concept: une île et des hommes autour du pouvoir. C’est assez basique, mais c’est comme ça que je la résumerais. Le premier épisode raconte l’arrivée d’un jeune polynésien, Takala, fils d’une mère Tongienne et qui voyage depuis l’enfance à la recherche des traces de son père, un guerrier viking qu’il n’a pas connu . Le jeune polynésien chavire sur l’île d’Uvéa (Wallis) et devra rapidement faire face a des obstacles pour rester en vie. Il y a plein de messages dans la série, comme le métissage, le respect des forces de la nature mais le message principal reste celui de toujours persévérer dans son combat quel qu’il soit, ne jamais abandonner malgré les enjeux.

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Les images sont assez fortes, puissantes et parfois violentes, elles décrivent un Pacifique qu’on imagine pas ainsi, était-ce une volonté personnelle de mettre en exergue ce côté de la société polynésienne ancestrale ?
Foha Tau signifie « Fils de la guerre », la civilisation d’Uvéa et Futuna, qui ont 3500 ans d’histoire, s’est construite sur de nombreuses guerres sanglantes et de faits d’anthropophagie dont on parle encore aujourd’hui. Je ne pouvais pas faire de films sur une époque ancienne à Uvéa sans cela, car l’esprit guerrier fait intégralement partie de notre identité polynésienne. Mon cinéma peu paraître violent mais il n’est que le reflet de la vie et de sa nature: belle, douce puis soudainement radicale et impitoyable.

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Peux-tu nous donner quelques détails techniques du tournage ? Type de caméra utilisée, techniques, montage, casting,..
Au début j’étais seul avec un appareil photo, ma tante se démenait pour trouver des acteurs, c’était très difficile, on nous prenait pour des illuminés. Puis petit à petit on a réussi à avancer et on a fini le film. J’ai tourné avec un simple Gh4 en 4k, j’ai formé quelque jeunes sur le tard pour le cadre et la prise son. Les acteurs sont tous des amateurs que je prends « au feeling », qui arrivent sur le plateau, qui n’ont pour la plupart jamais joué de leur vie et que je dirige en « live », sans répétition. Mais l’atout c’est que se sont des personnes authentiques qui ont l’habitude de travailler la terre et qui vivent encore avec leurs traditions.

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Quelle suite donneras-tu à cette histoire ? Sans bien sûr en dévoiler trop…
Mon rêve pour Foha Tau c’est de faire une saison de dix épisodes en faisant rentrer plusieurs peuples différents dans la série. J’aimerais faire rentrer des guerriers mélanésiens, maoris, asiatiques, vikings et surtout marquisiens car ils me fascinent énormément. J’ai vraiment envie dans les épisodes prochains, de faire venir d’autres peuples sur Uvéa, car l’île à l’époque était une île réputée comme île de passage. Et je pense qu’on a tout à gagner à s’ouvrir aux autres dans notre cinéma.
L’étape suivante serait donc une saison de 10 épisodes pour Foha Tau, si je reçois des aides car jusqu’à maintenant j’ai tout assumé seul. Sinon, en attendant je prépare et essaye de monter “Mafu’’, un film pour le format grand écran de 120 minutes. C’est l’histoire d’un Vieux guerrier repenti qui devra reprendre les armes pour venger ses fils d’un roi cannibale.

Un film sur un jeune rugbyman wallisien venu en France jouer en petite division, « Mercenaire », a été présenté au Festival de Cannes 2016. L’as-tu vu ? Qu’en as-tu pensé ?
Je n’ai pas vu le film en entier, j’ai juste vu un extrait. Ceci étant, pour moi ce n’est que du positif, donner la parole à la communauté wallisienne et polynésienne c’est très bien. On a l’habitude d’être exposé pour nos gros bras et nos tatouages, là on leur donne des premiers rôles, ça nous permet d’exister donc je suis très content pour Wallis, pour les Polynésiens, les Ultramarins et aussi le cinéma français, ça ne fait que l’enrichir.

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Que penses-tu de l’état de la production de films dans le Pacifique ? Est-ce qu’à Wallis et Futuna, on aide les jeunes réalisateurs comme toi ?
Disons que pour le documentaire, il y a ce qu’il faut dans le Pacifique, les festivals, les aides mais pour ceux qui font de la fiction comme moi c’est mort, il n’y a rien. La fiction ça fait peur, c’est trop couteux, trop surréaliste pour les autorités locales. A Wallis et Futuna sincèrement jusqu’à présent je n’ai reçu aucune aide, rien. Mais j’ai l’habitude, c’est pour cela que j’en suis arrivé à faire du cinéma indépendant, je n’ai pas le temps et la patience d’attendre. Foha Tau a été présenté de nombreuses fois auprès des structures qui sont censées appuyer les travaux comme les miens mais en vain. J’ai des films à faire et si je ne tourne pas, ma vie n’a aucune valeur ici bas, donc je tourne contre vents et marées.

©Facebook Foha Tau

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Quels conseils donnerais-tu aux jeunes wallisiens qui souhaitent suivre tes pas ?
Je le dirais pas seulement pour les Wallisiens mais pour toute personne qui souhaite devenir réalisateur. Ce n’est pas la caméra qui fait le film mais l’homme derrière la caméra. N’attendez pas que la chance vous tombe dessus et faites votre film, personne ne le fera à votre place. Il n’ y a pas de sous métiers dans le cinéma, apprenez tous les corps de métier, il faut être curieux et tout savoir faire, le café !

Le DVD de la série est disponible sur le site www.fohatau.com ou par téléphone au 06 58 64 66 37. Autrement, les trois épisodes de 60 minutes chacun seront diffusés en décembre sur les chaînes Outremer 1ère et sur France Ô.