Dès ce lundi 7 septembre 2020, les 17 communes de Mayotte seront soumises à des coupures d’eau entre 16h00 et 8h00, un jour par semaine. Alors que des mesures de restrictions d’eau avaient déjà été prises depuis le 17 août dernier, un pas de plus est franchi face à la menace de pénurie d’eau qui plane au-dessus des habitants du département.
La situation inquiète, alors que l’épidémie de Covid sévit toujours et que Météo-France prévoit une saison des pluies tardive. Aminat Hariti, vice-présidente en charge de l’eau potable au Syndicat Mixte d’Eau et d’Assainissement de Mayotte (SMEAM) fait le point pour Outremers360.
Outremers 360 : La population s’inquiète de la situation et craint une crise plus importante qu’en 2016-2017, où les coupures d’eau avaient duré plusieurs mois, laissant un traumatisme encore vivace dans la mémoire collective. Aujourd’hui, quelle est la situation ?
Aminat Hariti : La situation est très délicate pour ne pas dire critique. Nous avons anticipé en prenant des mesures fortes en concertation avec les services de l’État, les maires représentés par leurs délégués au sein du SIEAM et la SMAE (Mahoraise des Eaux), mais nous craignons ce qui va se passer à la fin de l’année. La question se pose de savoir si nous aurons de l’eau. Nous espérons qu’il pleuvra d’ici là, mais nous sommes aussi tributaires du dérèglement climatique : plus les années passent et plus la saison des pluies est courte et tardive. On ne sait pas quand il va pleuvoir, mais cela aurait été suicidaire d’attendre plus longtemps. L’objectif, c’est d’optimiser au maximum la ressource pour pouvoir finir l’année.
Comment cela va-t-il se traduire dans les prochaines semaines ?
Il va y avoir des coupures régulières, par quartier. Le calendrier sera communiqué à la presse et aux maires, qui sont les acteurs politiques les plus proches des administrés, pour que tout le monde ait accès à l’information. Le but, c’est que chacun puisse s’organiser pour que les administrés ne soient pas dans l’alerte. Les tours d’eau seront réguliers, aux mêmes heures, et aux mêmes jours, selon le calendrier communiqué.
Mayotte : La programmation des coupures d’eau communiquée par la Préfecture
Il n’y a donc pas de solution si ce n’est couper l’eau, une nuit par semaine, voire plus, si la situation s’empire ? Les habitants de l’île doivent-ils se préparer à revivre la crise de l’eau qui avait touché le territoire de décembre 2016 à février 2017 ?
Ce n’est pas qu’il n’y a pas de solution. Il y a des choses qui ont été actées depuis la crise de 2017, dans le cadre du plan “Urgence Eau Mayotte”. Il y a eu une mobilisation de ressources avec un renforcement des forages existants et une augmentation de leur capacité d’exploitation. On est passé de 18 à 22 forages. D’autres sont à l’étude. Les travaux de rehausse de la retenue collinaire de Combani sont terminés; les travaux d’interconnexion entre les deux retenues collinaires de l’île aussi. Des travaux d’extension de l’usine de dessalement ont été entrepris. Sauf que nous nous sommes aperçus que par rapport à la ressource qui avait été annoncée, le compte n’y est pas. Mais cela dépend du délégataire, à savoir la SMAE qui a signé la convention avec l’État et l’Europe. Nous, ce que nous constatons, c’est qu’il était convenu de produire 5300 m3 par jour en 2017, or nous sommes à 2000 m3 par jour en 2020. L’objectif, c’est que tout se mette en ordre rapidement.
On a cette impression de découverte des problématiques liées à l’eau, chaque année…
Il faut tout de même rappeler que nous venons à peine d’être élus. La nouvelle équipe est sur le qui-vive, mais nous découvrons l’étendue des difficultés financières de l’institution. Certains matériaux sur le réseau sont défaillants. Nous devons faire un audit pour voir quel est l’entendu des dégâts pour que tout soit mis en ordre. Nous essayons de faire cela rapidement.
Où en est le projet de la construction d’une troisième retenue collinaire qui avait été présenté comme une éventuelle solution et qui devait se terminer à la fin de l’année 2020, selon le calendrier établi par l’ancien président du syndicat ?
Ce projet de troisième retenue est issu du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 2015. Nous avons posé la question en arrivant et il semble que des problématiques de foncier restent à régler, autour de ce dossier. Nous sommes sur une question d’intérêt général, mais aussi d’intérêts privés. Il y a des étapes à suivre.

Aminat Hariti a été reçue au Ministère des Outre-mer la semaine dernière ©DR
Toujours est-il qu’un avenant sur le marché de la maîtrise d’oeuvre est acté pour ce mois de septembre et l’ Établissement Public Foncier et d’Aménagement de Mayotte ( EPFAM) est sur le dossier, pour la partie foncière. Tout n’est pas encore finalisé, mais les choses avancent. Nos équipes sont dessus.
À Paris, vous avez rencontré, il y a quelques jours, plusieurs conseillers parlementaires et d’autres acteurs politiques et économiques. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Je suis présidente du Syndicat, mais je suis également élue municipale et communautaire. Il y a des sujets qui me tiennent à cœur pour Mayotte et pour se faire entendre, il faut taper à toutes les portes. Les dossiers de l’eau, mais aussi de l’éducation sont importants pour moi. Et c’est ce dont j’ai parlé avec mes différents interlocuteurs. Même s’ils sont au courant de certaines problématiques, je prends le temps de leur expliquer la situation, en remontant, notamment, les retours que j’ai sur le terrain. J’ai eu une oreille particulièrement attentive. J’attends donc de voir ce que cela va donner, mais je ne suis pas de ceux qui attendent que tout vienne de Paris. Je sais que les décisions sont prises là-bas, mais à un moment, il faut que nous aussi, les élus mahorais, nous prenions les choses en main. Et c’est ce que je vais tenter de le faire chaque fois que l’occasion me sera donnée .
Propos recueillis par Abby Said Adinani