Première réalisation cinématographique de Sacha Wolff, « Mercenaire » relate le parcours sportif et cruel de Soane, jeune rugbyman wallisien de Nouvelle-Calédonie, quittant le Pacifique pour une carrière en France.
Comme beaucoup de Wallisiens, Soane vit en Nouvelle-Calédonie lorsque à peine majeur, il est recruté pour intégrer un club de Rugby du Sud-ouest de la France, quittant à la fois l’océan Pacifique et la violence de son père. En France, Soane connait l’anéantissement du peu de rêves de gloire et d’argent qu’il osait avoir. « Prolétaire » sportif « acheté » par un club de seconde zone, son « enveloppe de muscle » et sa « hauteur ahurissante » font de lui la parfaite « bagnole d’occasion » pour balayer quiconque se mettrait sur son chemin. Dans les vestiaires, il est la curiosité, le monstre folklorique venu du Pacifique, tantôt bon à faire un Haka, tantôt bon à améliorer les scores des club amateurs. En France, Soane fait face à un « trop-plein brutal », un sort réservé aux prolos du Rugby et à ces jeunes venus du Pacifique pour prendre de la masse et écraser tout sur leur passage. En lame de fond, le réalisateur Sacha Wolff décrit un déracinement lointain: celui des wallisiens et futuniens venus en Nouvelle-Calédonie nourrir le feu des usines de nickel, la famille de Soane en fait partie.
Documentariste, Sacha Wolff signe ici sa première réalisation cinématographique, une pièce unique entre fiction et le réalisme d’un documentaire. « Mercenaire » nait dans son esprit en 2010, en lisant un article qui relatait les modes de fonctionnement d’un club amateur. Consciencieux, Sacha fera plusieurs voyages en Nouvelle-Calédonie, « je me devais d’être le plus documenté possible pour ne pas trahir mon sujet ». Dans le rôle de Soane, Toki Pilioko, 20 ans et rugbyman à Aurillac, un peu à l’instar du personnage qu’il incarne. Et bien au-delà de l’histoire d’un jeune sportif wallisien venu tenter sa chance en France, « Mercenaire » fait écho à tous ces autres jeunes français du Pacifique, sportifs ou étudiants, venus tenter leur chance et réaliser leurs rêves, avec ou sans succès, dans ce lointain et inconnu pays qu’ils appellent « la métropole ». Véritable réussite cinématographique, « Mercenaire » signe aussi l’arrivée en force de la culture wallisienne et futunienne au Festival de Cannes.