Christiane Eda-Pierre, La diva martiniquaise, l’une des plus belles voix françaises de l’art lyrique s’en est allée

Christiane Eda-Pierre, La diva martiniquaise, l’une des plus belles voix françaises de l’art lyrique s’en est allée

© Forum Opéra

Première cantatrice noire de renom dans le monde, la martiniquaise Christiane Eda-Pierre, l’une des chanteuses d’art lyrique françaises les plus marquantes du 20ème siècle, nous a quittés. Sa disparition à l’âge de 88 ans laisse un grand vide dans le monde de l’art et du spectacle.

Elle a chanté sur toutes les grandes scènes du monde. Elle a côtoyé et accompagné les plus grands noms de l’art lyrique et du bel canto parmi lesquels Luciano Pavarotti, Placido Domingo ou encore Mady Mesplé. Elle a interprété de sa voix remarquable les plus grand compositeurs de Mozart à Rossini en passant par Bellini. Christiane Eda-Pierre, l’une des plus belles voix françaises de l’art lyrique s’est éteinte. Elle avait 88 ans.

Née à Fort-de-France d’une famille d’intellectuels de la bourgeoisie martiniquaise, elle est notamment la nièce de Paulette Nardal, la première étudiante noire admise à la Sorbonne. Peut-on parler de gène, d’atavisme ou simplement de modèle ou d’exemple ? Toujours est-il qu’après s’être essayé dans un premier temps au piano qu’elle délaissera au profit du chant, la belle Christiane Eda-Pierre deviendra plus tard la première cantatrice noire de renom dans le monde. Grâce d’abord à son talent exceptionnel, mais aussi à force de volonté et de pugnacité, la soprano martiniquaise parviendra à briser le plafond de verre et à réussir dans un milieu très conservateur en dépit de sa couleur de peau qui représentait un frein, voire un handicap à l’évolution de sa carrière dans le contexte de l’époque.

© wikicommons

© wikicommons

Ambassadrice du chant et de l’opéra français

Cette ténacité et bien sûr son talent seront récompensés par de nombreuses distinctions comme le Prix Lucienne Brival, celui d’Ambroise Thomas ou encore d’Alice Ducasse qui viendront jalonner son riche parcours. Une carrière bien remplie qui l’amènera à chanter sur toutes les plus grandes scènes du monde et notamment à Central Park devant 250 000 personnes où elle interprétera Rigoletto avec comme partenaire le grand ténor italien Luciano Pavarotti.

A l’aise dans tous les registres, elle était capable d’interpréter les plus grandes œuvres (Contes fantastiques d’Hoffman, Rigoletto, Flûte enchantée…) des plus grands compositeurs. Elle et irradiait de sa classe et de son élégance les opéras du monde entier. Bref, elleétait devenue l’une des ambassadrices du chant et de l’opéra français à l’étranger. En 1986, elle avait décidé d’arrêter la scène tout en continuant à donner quelques récitals principalement pour des galas de charité, marquant ainsi sa grande générosité et son sens de la solidarité.

Une générosité qu’elle manifestait également à l’égard des jeunes talents désirant faire carrière dans l’art lyrique en n’hésitant pas à prodiguer de précieux conseils et avis et en animant des masters class à leur intention. En ce sens, elle contribuera à leur formation et elle permettra à d’autres générations notamment des outre -mer de s’imposer dans ce genre musical. Par son talent et sa réussite, elle servira de modèle, de référence et inspirera bon nombre de générations comme le souligne le contre-ténor et fondateur du concours « Voix des outre-mer » qui parle « d’une grande personnalité qui a emmené l’art lyrique français au plus haut niveau ».

Une personnalité et un talent reconnus – une fois n’est pas coutume – de son vivant y compris
dans son pays et dans sa région natale puisque outre les titres d’officier de la légion d’honneur et de commandeur des Arts et des Lettres qui lui seront décernés, un collège du Morne-Rouge, en Martinique porte son nom, de même celui du hall de Tropiques Atrium, une célèbre salle de spectacles à Fort-de-France. Et, comme un clin d’oeil, une exposition sur l’ensemble de sa carrière a récemment eu lieu au Musée de Fort-de-France. Oui, c’était l’une de nos dernières divas et sa disparition laisse un grand vide.

E.B.