Le Miquelonnais Quentin Lucas, fervent défenseur du patrimoine et de la préservation de son territoire face au changement climatique

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Le Miquelonnais Quentin Lucas, fervent défenseur du patrimoine et de la préservation de son territoire face au changement climatique

Actuellement conseiller architecture et patrimoine à la ville de Paris, Quentin Lucas n’en oublie pas moins son territoire d’origine : Saint-Pierre-et-Miquelon. Le jeune homme de 26 ans a été distingué, il y a quelques mois à l’occasion de la 10ème édition des Talents de l’Outre-mer dans la catégorie Arts, Culture, Architecture. Une distinction qu’il doit notamment à un projet, mené conjointement avec Marianne Baroin, alors qu’ils étaient encore étudiants, et qui porte sur le déplacement du village de Miquelon, menacé de submersion totale. Retour sur un parcours d’exception, marqué par l’envie de servir son territoire.

C’est à 18 ans que Quentin Lucas pose ses valises dans l’Hexagone. Car comme tout jeune de Saint-Pierre-et-Miquelon qui veut poursuivre ses études après le baccalauréat, il doit partir. « Ce qui m'a marqué à mon arrivée, c'était cette facilité à se déplacer », se souvient-il. « Moi, j'étais habitué à l'aéroport, au passeport, aux bagages, aux tempêtes de neige qui pouvaient tout faire annuler... Là, je prenais juste le train et je pouvais faire 50 kilomètres ! La première année, je suis allé partout, voir mes amis ».

Dans ses valises, son diplôme obtenu avec mention Bien, le prix de la vocation artistique décerné par la ville de Saint-Pierre, des rêves, des ambitions, et une volonté de maintenir un lien avec son territoire, malgré la distance. « Bien que nous soyons le territoire des Outre-mer le plus proche de l’Hexagone, nous sommes le plus isolé », continue-t-il d'expliquer. « Nous vivons avec cette perspective de partir et de ne peut-être plus revenir, selon nos vocations, nos parcours professionnels. Mais cet archipel d’Amérique du Nord de 6 000 habitants a besoin de nous. Il doit exister. Comment concilier tout cela ? C’est une question qui nous forge, très jeunes ». 

Un parcours tourné vers la préservation de son territoire

À la fin de sa licence, Quentin Lucas travaille sur l’architecture de Miquelon et son évolution vers des productions plus modernes, mais également plus consommatrices de carbone. Son rapport revient sur les origines de l’auto-construction dans l’archipel, sur les conséquences de la modernisation de ces bâtisses et sur les solutions pour tendre à une architecture bioclimatique. Juste après cela, il part en échanges, en Suède. 

« C’est un pays qui fait assez écho à la culture de Saint-Pierre-et-Miquelon. J’y ai beaucoup appris. Ensuite, je fais une année de césure où je tente d’appréhender d’autres milieux. Je fais un stage au cabinet de la ministre des Outre-mer, puis dans une agence d’architecture, qui fait des projets plutôt à l’échelle urbaine... Je reviens ensuite en école d’architecture pour mon Master. Là, j’arrive avec cette idée que j'ai envie de donner un sens à mon diplôme, de faire quelque chose d’utile et de valorisant pour mon territoire ». 

C’est ainsi que naît l’idée de travailler sur le déplacement du village de Miquelon, pour sa dernière année d’études. « Depuis le Plan de prévention des risques littoraux de 2018, les constructions sont bloquées dans le village. Les habitants essaient de trouver des solutions pour continuer d’exister, tout en sachant que le village est totalement submersible. La situation n'est pas alarmante puisque le phénomène est progressif, mais en 2050, un palier sera atteint. En 2100, nous devrions être dans une situation de submersion assez récurrente du village. C’est un projet sur le très long terme. Les enjeux sont colossaux... C'est pourquoi j'ai proposé à une collègue d’architecture, qui a travaillé sur la question de la montée des eaux, de faire ce projet en commun ». 

C’est ainsi que Marianne Baroin et Quentin Lucas portent le projet auprès des Ministères et des élus locaux et construisent leur projet en parallèle de leurs études. Ils produisent des documents pour le Ministère de la Culture ainsi que celui des Outre-mer. Outre les enjeux sociaux et environnementaux, la question de la préservation du patrimoine est également soulignée. « Le projet a pris une tournure différente depuis. À l’époque, il y avait beaucoup d’incertitudes. On en sait plus aujourd’hui et le processus suit son cours », indique Quentin Lucas qui continue de suivre ce qui se passe sur l’archipel. « Nous sommes également dans une démarche de classement au patrimoine immatériel national de l’auto-construction, avec le ministère de la Culture ».

La fierté de tout un territoire

Bien que vivant à Paris, Quentin Lucas continue de contribuer au développement de son territoire, en aidant les habitant de Saint-Pierre-et-Miquelon dans la construction de leurs maisons, par exemple. « Je veux garder ce lien avec mais le voyage coûte cher. L’une des solutions, c'était de créer mon entreprise et d’accompagner les porteurs de projets dans la construction de leurs maisons. La plupart du temps, les habitants construisent leur maison eux-mêmes. Je les aide à distance. Cela me permet de maintenir ce lien, en attendant de voir comment je peux le renforcer ». 

©Marianne Baroin et Quentin Lucas

C’est également avec l’idée de porter son territoire, où qu’il aille, que le jeune homme a décidé de participer au concours des Talents de l’Outre-mer. « Les Outre-mer ne sont pas très connus, mais Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est encore pire. Je voulais vraiment représenter mon territoire de cette façon. C’est aussi valoriser ce parcours que j’ai pu faire grâce à la collectivité territoriale qui m’a accompagné financièrement pendant mes études. Cette bourse qu’elle nous donne m’a permis de réussir. À côté de cela, j’ai également pu faire un master en urbanisme à Sciences Po Paris. C’est une façon de montrer ma reconnaissance. Et puis de mon côté, c’est satisfaisant de voir que l’on valorise le travail accompli », indique le jeune homme qui voit également en ce prix le début d’un nouveau chapitre de sa vie, après un début de parcours professionnel commencé il y a six mois au cabinet du 1er adjoint au maire de Paris.

Le conseiller architecture et patrimoine accompagne les autorisations d’urbanisme dans le cadre du nouveau plan local d'urbanisme bioclimatique. Il participe également aux grands projets urbains patrimoniaux tels que le réaménagement des abords de Notre-Dame de Paris ou encore le réaménagement du secteur des Champs Élysées… Aujourd’hui, le Miquelonnais évolue à Paris mais ne s’interdit pas de penser à un retour à Saint-Pierre-et-Miquelon. « Je ne me fermerai jamais à cette idée même si je ne sais pas quand cela pourrait se faire ».

Abby Saïd Adinani